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09/02/2024

Des grands singes aux mystères du cerveau : retour sur le parcours sur mesure de Virginie van Wassenhove

Virginie van Wassenhove est directrice de recherche au CEA, chef d’équipe Inserm et affiliée à l’Université Paris-Saclay. Elle coordonne le projet ANR WILDTIMES. A l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles de science, le 11 février, elle revient sur son domaine de recherche - les neurosciences cognitives ; ses travaux scientifiques – autour de la perception du temps ; ou encore sur les femmes de science qui l’ont inspirée – les trimates – dans son parcours, construit sur mesure.

« Dans mon parcours de chercheuse, rien n'était prévu. Mon arrivée dans la recherche est une suite de coïncidences, de rencontres, et d’obstination.

Très jeune, j'ai été vivement inspirée par les documentaires retraçant les travaux des trimates, les trois grandes primatologues que sont Jane Goodall, Dian Fossey et Birutė Galdikas. J'étais fascinée par leur liberté et leur esprit pionnier. Je me suis dit que, comme elles, j'allais faire de grandes découvertes. Au début des années 90, je suis entrée en classe préparatoire aux écoles vétérinaires. Naïvement, je pensais que parce que j'aimais les animaux, je pourrais les soigner. Mais je me suis vite aperçue que ce n'était pas ma vocation ; je n'étais pas taillée pour faire des soins. Plutôt rebelle, je questionnais beaucoup les savoirs qui m’étaient inculqués, je recherchais une compréhension approfondie plutôt qu’un apprentissage par cœur. C’était le « pourquoi et le comment » qui me fascinaient vraiment – par exemple, comment comprendre un être vivant sans parole ? Alors, je me suis redirigée vers des études en éthologie, j’ai obtenu un DEUG puis une licence en Sciences de la Vie, à l’Université Rennes I. A cette époque, je dévorais tout ce que je pouvais lire sur la primatologie, les sciences cognitives et les neurosciences, de la philosophie aux travaux de neurobiologie.

C'est en allant quelques jours aux Etats-Unis, en 1996, que tout s’est accéléré. Lors d’une visite au zoo de Washington D.C., j’ai rencontré les chercheurs du Think Tank qui étudiaient l’acquisition des symboles chez les orangs outans. C'est la première fois que je touchais du doigt la recherche. Littéralement, j'ai frappé à la cage, le directeur m’a ouvert et j'ai pu découvrir leur travail. A l’époque en France, les parcours de recherche en sciences cognitives et neurosciences n’étaient pas balisés. J’errais dans un système universitaire où j’essuyais de nombreux « non, ce n’est pas possible ». L’année suivante, j’ai frappé à une autre porte, celle du directeur d’un nouveau programme doctoral inédit et pluridisciplinaire qui s’ouvrait à l’Université du Maryland, College Park, en Neurosciences et Sciences Cognitives.

Après avoir visité les laboratoires et discuté avec de nombreux chercheurs, j’ai réalisé ne pas avoir les équivalences nécessaires pour me présenter au concours doctoral. J’ai donc entrepris quatre semestres accélérés pour obtenir mon Bachelor of Sciences en « neurosciences et études individualisées ». Je me suis aussi endettée et fait de nombreux petits boulots en parallèle. Le B.Sc. en poche, j’ai travaillé comme assistante de recherche avant de me présenter au concours doctoral international dans lequel j’ai été accepté. J’ai enchainé sur mon doctorat (1999-2004) portant sur les bases neuronales de la perception multisensorielle dans le langage parlé pendant lequel j’enseignais aussi afin de couvrir mes frais d’étude. Docteur, j’ai ensuite entamé de 2004 à 2008 des recherches post-doctorales autour de différentes thématiques de recherche - comme la plasticité cérébrale, l’apprentissage statistique en audition et en perception multisensorielle, la perception du temps – dans plusieurs universités californiennes de très haut calibre (UCSF puis UCLA puis CALTECH).

Fin 2008, j’ai accepté un poste au CEA et pris la direction scientifique du nouveau labo MEG à NeuroSpin, un centre de neuroimagerie unique dirigé par le professeur Stanislas Dehaene, et situé sur le plateau de Saclay. Un an plus tard, j’ai obtenu une ANR JCJC pour le projet BrainTime, de la dynamique cérébrale à l'abstraction consciente du temps, et une bourse Marie Curie qui m’ont permis de démarrer des recherches autonomes rapidement. Et un an plus tard, une ERC Starting Grant pour le projet MindTime qui se concentrait sur un nouveau cadre théorique pour la compréhension de la façon dont l'esprit humain résout la question « When is now ? » (Quand est le maintenant ?). En 2012, j’ai fondé l’équipe Inserm Cognition & Brain Dynamics. L’année suivante, j’ai obtenu mon habilitation à diriger des recherches. Depuis 2014, je suis directrice de recherche au CEA. Je poursuis aujourd’hui mes travaux sur la cognition temporelle et sur l'intégration multisensorielle, notamment avec le projet ANR WildTimes, et cherche, plus que jamais, à comprendre les mystères absolus que renferme le cerveau.

Prix1

Son parcours en 10 dates-clés

2019    Début du projet ANR WildTimes
2013    Habilitation à diriger des recherches, Université Pierre et Marie Curie, Paris.    
2011    Obtention d'une ERC Starting Grant pour le projet MindTime.
2010    Obtention d'une ANR Jeunes Chercheuses pour le projet BrainTime.
    Obtention d'une Marie Curie Reintegration le projet PredictiveNeurosens.
Nov. 2008    Recrutée à NeuroSpin comme Directrice Scientifique du labo MEG.
2004-2008    Recherches post-doctorales aux Universités de Californie à San Francisco, puis Los Angeles puis CALTECH, Etats-Unis
1999-2004       Doctorat en "Neurosciences & Cognitive Sciences", UMCP, College Park, USA
Dec. 1998        Bachelor of Sciences en "Neurosciences & Individual Studies", University of Maryland
1994-1997       DEUG puis Licence en Sciences de la Vie, Université Rennes I, France
1993-1994       Classe préparatoire aux écoles vétérinaires, Nantes, France

Remerciements :

Virginie van Wassenhove – Directrice de recherche en neurosciences cognitives au CEA et Cheffe d’équipe INSERM
Camille Grasso – Chercheuse post-doctorante dans l’équipe Cognition & Brain Dynamics à NeuroSpin
Yunyun Shen – Doctorante dans l’équipe Cognition & Brain Dynamics à NeuroSpin
Matthew Logie– Chercheur post-doctorant dans l’équipe Cognition & Brain Dynamics à NeuroSpin
Aurélia Garaud - Attachée de presse Energie, Santé, Environnement au CEA
Angela Zeller - Chargée d'études Genre à l'ANR et Laurence Guyard - Responsable des relations avec les communautés scientifiques et référente Genre à l’ANR

Réalisations éditoriale et technique :

Marie Anton et Benoit Lordelot

Mis à jour le 28 février 2024
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