DS08 - Sociétés innovantes, intégrantes et adaptatives

Capitalismes agraires en situation de post-conflit. Une perspective comparée – PWACCOP

Gagner la paix, perdre la terre : la consolidation du capitalisme agraire au lendemain des conflits armés

Le projet PWACCOP est un projet de recherche coordonné par Jacobo Grajales, professeur de science politique à l’Université de Lille. Il associe des chercheurs du CERAPS (Université de Lille), de l’Institut d’Ethno-Sociologie (Université Félix Houphoët-Boigny, Abidjan) et de l’Université du Magdalena (Colombie). Le projet a commencé en octobre 2017 et a duré 60 mois. Il a bénéficié d’une aide ANR de 164 719 €.

Objectifs

Le projet PWACCOP a visé à comprendre la construction et l’impact des politiques foncières rurales dans les situations de post-conflit. Il offre une approche originale de ces contextes qui sont rarement analysés sous l’angle de l’économie politique et des questions foncières. Il se concentre sur le lien croissant entre les politiques de consolidation de la paix et les formes renouvelées d’exploitation des terres et des ressources naturelles, une relation qui est analysée dans le cadre d’un capitalisme agraire d’après-guerre. Celui-ci est lié à l’importance accordée par les professionnels de l’aide internationale au développement économique, mais aussi à l’intérêt croissant des investisseurs mondiaux pour les terres, phénomène illustré, sans y être limité, par les grandes acquisitions de terres qualifiées « d’accaparement foncier ». Ainsi, le projet PWACCOP a évalué les mécanismes de convergence entre la consolidation de la paix et les politiques foncières, ses effets sur la transformation des sociétés agraires et les risques d’exclusion, de troubles sociaux et de nouveaux visages de la violence.

Les recherches du projet PWACCOP ont été poursuivies par le biais d’une analyse qualitative comparative de la Colombie et de la Côte d’Ivoire, avec une ouverture vers le terrain du Liberia en fin de projet. Dans ces cas, nous avons utilisé un mélange d’enquête de terrain, procédant par étude de cas, d’analyse de politiques publiques, appuyées sur une approche de process tracing, et d’utilisation d’outils SIG (Systèmes d’information géographique, pour documenter des transformations écologiques et économiques des territoires étudiés. Les études de cas se sont concentrés sur deux régions dans chacun des deux pays étudiés : département du Magdalena (Nord) et territoire de l’Orénoque (Est) dans le cas de la Colombie ; régions du Cavally (Centre-Ouest) et du Sud-Comoé (Sud-Est) dans le cas de la Côte d’Ivoire. L’enquête sur le Liberia a été davantage exploratoire, mais elle a permis de consolider un réseau de collaboration en vue de l’obtention d’un nouveau financement par l’ANR (projet FORPEACE, démarrant en janvier 2023).

Dans les milieux de l’aide au développement, il y a un relatif accord pour considérer que lorsque les contradictions politiques et économiques débouchent sur une violence ouverte, la lutte contre les inégalités dans l’accès à la terre et aux ressources naturelles est une composante essentielle de la sortie de guerre et de la construction d’une paix durable. Aujourd’hui encore, la terre est fondamentalement une question de pouvoir politique dans les Suds (et au-delà). Cependant, le projet PWACCOP a montré que la façon dont les experts en construction de la paix abordent habituellement ce lien entre terre et violence est fondamentalement biaisée. Notre argument, développé dans une diversité de publications est qu’il existe une contradiction profonde entre l’omniprésence de la violence et la vision très étroite qu’en ont généralement les experts en consolidation de la paix. Cette approche tend à exclure la terre du champ politique et à la définir comme une question « technique » qui sera finalement traitée par le marché. En fin de compte, le marché est considéré à la fois comme un facteur de stabilisation et comme une garantie de développement ; non seulement la concurrence économique doit remplacer la lutte armée, mais le développement économique est censé avoir la capacité d’éliminer les causes des conflits, tout en créant une prospérité matérielle.

Le projet PWACCOP a donné lieu à la publication d’un ouvrage en anglais (chez Routledge), de 9 articles dans des revues de premier plan (en anglais et en français), de 2 chapitres d’ouvrage et de 21 communications en français, en anglais et en espagnol, auprès d’institutions situées en Europe, aux États-Unis, en Colombie, en Côte d’Ivoire, au Ghana et en Afrique du Sud.

Il a également permis de consolider de partenariats et d'ouvrir sur des nouvelles questions de recherche. Nous poursuivons actuellement un projet qui découle directement de ce premier exercice, grâce une nouvelle fois au soutien de l'ANR. Le projet FORPEACE (PRC, démarrage au 1er janvier 2023) étudie la manière dont les sorties de conflit façonnent, orientent et limitent les politiques environnementales. Il se concentre sur la conservation des forêts, un domaine qui illustre particulièrement bien la relation entre les politiques environnementales, les dilemmes de sécurité et les compromis économiques. Les forêts sont des marges de contrôle de l'État, où le pouvoir politique est mis à l'épreuve. Elles sont également des frontières du capitalisme, parfois protégées de l'exploitation par la violence et le contrôle territorial des groupes armés, ou au contraire livrées au pillage. Par conséquent, la conservation devrait être analysée comme un domaine majeur dans lequel la domination politique et économique se joue au lendemain de la guerre, ainsi qu'une perspective précieuse sur les contradictions intrinsèques des sorties de conflit.

Livre

Jacobo Grajales. 2021. Agrarian Capitalism, War and Peace in Colombia : Beyond Dispossession. Londres : Routledge

Articles dans des revues scientifiques

Jacobo Grajales et Benjamin Levy. Sous presse. « Socio-economic order and the legacies of armed governance: the aftermath of paramilitary rule in Colombia », Civil Wars.

Jacobo Grajales et Marie Saiget. 2022. « Repolitiser l’étude de l’aide au développement », Cultures et Conflits, n°126, p. 7-18.

Marie Saiget et Jacobo Grajales. 2022 « Du post-conflit au développement, une question de temps ?Temporalités de l’action publique et sortie de conflit en Côte d’Ivoire », Cultures et Conflits, n°126, 61-81.

Jacobo Grajales. 2021. « Losing Land in Times of Peace: Post-War Agrarian Capitalism in Colombia and Côte d’Ivoire », Journal of Peasant Studies, vol 48, n° 5, p. 1054-1074.

Jacobo Grajales et Marie Saiget. 2020. « En lisière de la plantation. Intermédiation, protestation et adaptation aux «accaparements« de terres en Côte d’Ivoire », Politix, n°132, p. 99-122.

Jacobo Grajales. 2020. « From War to Wealth? Land Policies and the Peace Economy in Côte d’Ivoire ». Review of African Political Economy, vol 47, n°163, p. 78-94.

Jacobo Grajales. 2020. « A Land Full of Opportunities? Agrarian Frontiers, Policy Narratives and the Political Economy of Peace in Colombia ». Third World Quarterly, vol 47, n°7, p. 1141-1160.

Jacobo Grajales. 2019. « Les terres de la paix. Politiques de l’aide, politiques foncières et sortie de conflit en Colombie ». Gouvernement et action publique, vol 8, n°4.

Jacobo Grajales. 2018. « L’agro-business au village. La notion d’accaparement de terres à l’épreuve du cas ivoirien ». Politique Africaine, n° 152, p. 155-177.

Chapitres d’ouvrages

Jacobo Grajales et Jean-Pierre Chauveau. 2023. « Land in Violent Conflict Studies ». In Saturnino M. Borras Jr., Jennifer Franco (dir.), The Oxford Handbook of Land Politics, Londres, Oxford University Press.

Jacobo Grajales. 2019. « Saisir les transitions par l’économie politique. Un capitalisme agraire d’après-guerre en Colombie ». In Florence Padovani, Benjamin Lysaniuk (dir), Gestions des transitions, Paris, L’Harmattan.

Le projet PWACCOP vise à comprendre la production et l’impact des politiques publiques portant sur le foncier rural dans des situations d’après-guerre. Il propose un regard original sur ce type de contextes, qui sont rarement analysés du point de vue de l’économie politique et des enjeux du contrôle de la terre. Il étudie la convergence entre la construction de la paix et les politiques foncières qui participent à des nouvelles formes d’exploitation de la terre et des ressources naturelles, une relation que l’on cherche à théoriser à partir du concept de capitalisme agraire de post-guerre. Celui-ci renvoie à l’importance donnée par les professionnels de l’aide internationale au développement économique, mais aussi à l’intérêt croissant dans la terre par des investisseurs de multiples origines, phénomène qu’illustrent – sans s’y limiter – les acquisitions foncières à grande échelle qualifiées « d’accaparement de terres ». Ainsi, le projet PWACCOP analyse les mécanismes et les effets d’une telle convergence sur les transformations des sociétés agraires et les risques d’exclusion, conflit social et nouvelles violences qui en découlent.

Ces objectifs seront abordés à partir d’une étude comparative des cas colombien et ivoirien. Nous adopterons une approche qui cherche à articuler diverses échelles d’observation. D’une part, nous produirons une analyse sociologique des politiques publiques et de leur articulation au sein d’un espace international. Cette étude portera sur les idées, les institutions, les instruments et les réseaux qui participent à une convergence entre politiques foncières et politiques de la paix. Combinant des études dans les capitales des deux pays et dans les sièges d’organisations internationales en Europe et aux États-Unis, nous produirons une analyse de la circulation de « prescriptions globales » et de leur « greffe » dans des contextes spécifiques.

D’autre part, nous mettrons en œuvre une recherche ethnographique afin d’étudier l’impact de ces politiques publiques dans six localités différentes, trois par pays. Nous étudierons la manière dont l’exclusion des individus de l’accès à la terre peut résulter de la combinaison des politiques publiques et des transformations propres à un nouveau contexte sécuritaire. Nous étudierons également les conséquences de ces dynamiques d’exclusion sur la production de l’autorité publique et sur la définition de diverses formes d’appartenance au corps social.

Le projet sera mis en œuvre sur une période de 48 mois par le coordonnateur, qui est maître de conférences en science politique, avec le soutien d’une équipe de cinq personnes, dont un.e post-doctorant.e recruté.e pour 12 mois. Le programme de travail est basé sur des recherches exploratoires menées grâce à un financement de la FMSH (Paris).

Ainsi, le projet est construit sur la base d’une approche originale qui articule des questions de recherche qui dialoguent rarement. L’économie politique du foncier rural sera analysée en rapport à la production de politiques de maintien et consolidation de la paix et des transformations dans l’intérêt global pour la terre. Nos conclusions seront donc pertinentes pour des chercheurs travaillant dans des multiples champs, des études sur la paix jusqu’à la sociologie rurale, mais aussi pour les spécialistes de l’Amérique latine et de l’Afrique. Nos conclusions seront diffusées à la communauté scientifique, mais également auprès des spécialistes du développement et de l’aide et aux sociétés civiles, ce qui répond à notre croyance dans l’urgence avec laquelle il convient de fournir une meilleure compréhension de la place de la terre dans la construction d’une paix durable.

À plus long terme, l’ambition du projet est de constituer une équipe de recherche autour d’un agenda solide et innovant, qui reliera des institutions et des chercheurs en Europe, en Amérique latine et en Afrique. La poursuite de ce type de recherches correspondrait au périmètre de l’ERC.

Coordination du projet

Jacobo Grajales (UMR 8026 Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CERAPS UMR 8026 Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales

Aide de l'ANR 164 719 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2017 - 48 Mois

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