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SORTIES DE SCÈNE Dispositifs de soutiens et parcours sociaux des artistes chorégraphiques et artistes de cirque en transition professionnelle – S2S

Sorties de scène

Dispositifs de soutiens et parcours sociaux des artistes chorégraphiques et artistes de cirque en transition professionnelle.

Les transitions professionnelles : à la croisée des parcours sociaux et des modes de gouvernance de groupes professionnels

Domaines de la sensibilité esthétique et de l’excellence corporelle, les métiers de danseurs et d’artistes de cirque interrogent avec force les conditions de longévité professionnelle. Si ces artistes peuvent traverser des difficultés similaires à celles rencontrées dans d’autres métiers (sportifs, militaires, mannequins, etc.), les modes de gouvernance des mondes de l’art apparaissent spécifiques, y compris concernant la problématique des « reconversions ». Ainsi, le premier objectif de ce programme de recherche a été de comprendre la manière dont cette question est pensée et organisée dans ces deux sous-secteurs artistiques. Par ailleurs, la recherche a porté sur la manière dont les artistes eux-mêmes abordent cette étape de leur parcours, en sollicitant ou non les différentes « aides » qui leurs sont proposées. Ce faisant, ce travail a permis de cerner plus largement les conditions et modalités de rencontre entre structures publiques, professionnelles et artistes, résultats susceptibles de conduire à certaines préconisations vis-à-vis des institutions qui s’adressent à ces deux catégories d’artistes.

L’absence de données statistiques précises concernant les danseurs ou artistes de cirque qui mettent fin à leur activité scénique, ainsi que la grande variabilité des formes de transitions signalée par la littérature, ont incité l’équipe au démarrage du projet à privilégier une approche qualitative (155 entretiens réalisés). L’échantillon d’artistes interrogés (n=64) a été réuni en combinant plusieurs moyens : suivis d’ex-étudiants d’écoles professionnelles, mobilisation de réseaux construits lors d’enquêtes précédentes sur ces deux secteurs et sollicitation de proche en proche. Dans ce cadre, les artistes de cirque (n=31) et danseurs (n=33) ont été interrogés à 1, 2 ou 3 reprises sur leur parcours biographique et professionnel, afin de saisir les spécificités de ces deux domaines de l’art en termes de conditions de travail et d’emploi. De même, la méthode de l’entretien a été mobilisée pour saisir les catégories de pensée relatives à la « reconversion » parmi divers responsables publics et professionnels (n=38). Enfin, de manière à mieux situer les parcours des artistes rencontrés, une exploitation des données de Pôle Emploi, relatives à l’ensemble des contrats de travail réalisés au titre du champ de l’intermittence du spectacle sur la période 2005-2015 a été réalisée (n=8,5 millions de contrats).

Malgré l’existence de dispositifs d’accompagnement à la reconversion spécifiquement conçus pour ces deux catégories d’artistes, l’enquête conduit à montrer qu’une large part d’entre eux aborde cette étape du parcours professionnel sans les mobiliser, soit pour des raisons d’inadéquation vis-à-vis des critères ou des temporalités institutionnels, soit pour privilégier d’autres formes d’appui, familiaux et/ou amicaux notamment. Ces mécanismes tendent à renforcer les inégalités de parcours entre artistes. Ces résultats, largement détaillés par la suite, ont notamment débouché sur la réalisation d’études complémentaires, mais également sur la diffusion de savoirs en direction de futurs professionnels du domaine du spectacle vivant.

Ce programme de recherche a déjà fait l’objet de plusieurs publications individuelles et collectives dans des revues scientifiques à comité de lecture (7), notamment internationales (3), auxquelles s’est ajoutée la rédaction d’un chapitre d’ouvrage (1). La participation des membres de l’équipe à divers évènements scientifiques (5) ainsi que l’organisation d’un colloque intitulé « Les artistes et leurs institutions » en novembre 2017, ont favorisé les échanges autour du thème des parcours professionnels dans le secteur artistique et de leurs modes de gouvernance, au sein de la communauté scientifique. Par ailleurs, un ouvrage collectif présentant de manière détaillée les résultats de la recherche est en cours d’édition.

Les thématiques abordées dans ce programme se poursuivent aujourd'hui à travers un programme de recherche intitulé «Les reconversions des sportifs de haut niveau et professionnels. Adaptations individuelles et innovations collectives dans l’accompagnement d’un processus de transition professionnelle«.

- Bourneton-Soule F., Julhe S. 2018 [sous presse]. « “J’arrête, mais pour faire quoi après ?” » Les processus d’élaboration des nouvelles aspirations professionnelles chez les artistes de cirque. » Dans M. Cordier, al. (dir.). Le cirque en transformations : identités et dynamiques professionnelles. Reims : EPURE.
- Salaméro É, Cordier M. 2018 [sous presse]. Appartenance générationnelle et figures professionnelles. Le cas des artistes de cirque en France, Émulations, 25.
- Salaméro É. 2018. Politiques publiques du cirque : reconnaissance artistique et segmentation d'une profession (1978-1993), Politix, 121, p. 217-237.
- Coconnier C., Julhe S. 2017. L’accompagnement des danseurs en transition professionnelle. Un dispositif révélateur des décalages entre une institution et ses usagers, Terrains & Travaux, 31, p. 201-222.
- Julhe S. 2016. L’approche par les capabilités au travail. Usages et limites d’une économie politique en terre sociologique, Revue française de sociologie, 57, 2, p. 321-352.
- Julhe S., Salaméro É., Honta M. 2016. Construction d’un malentendu entre porteurs et destinataires d’un dispositif social. Accompagner la “reconversion” des artistes chorégraphiques et des artistes de cirque, SociologieS [En ligne], mis en ligne le 07 mars 2016. URL : sociologies.revues.org/5199
- Salaméro É, Julhe S., Honta M. 2016 La “reconversion” des artistes de cirque comme “problème public” : une rencontre difficile entre un dispositif et ses destinataires, in T. Perez-Roux, R. Etienne, J. Vitali (dir.), Professionnalisation des métiers du cirque. Des processus de formation et d’insertion aux épreuves identitaires, Paris, L’Harmattan, p. 179-216.
- Julhe S., Salaméro É, Honta M. 2015. Aider à la reconversion des danseurs, Revue française des affaires sociales, 1-2, p. 229-247.
- Salaméro É. 2015. Les modes de reconnaissance des artistes de cirque à l’épreuve du temps : de l’état du champ aux trajectoires professionnelles, Sociologie et sociétés, 47, 2, p. 237-259.

Les métiers du spectacle vivant et plus particulièrement d’artistes interprètes (comédiens, musiciens, danseurs, artistes de cirque, etc.) sont régulièrement présentés comme des métiers où l’on entre par « vocation » et par « passion » (Moulin, 1983 ; Sorignet, 2004a ; Sinigaglia, 2011 ; Cordier, Salaméro, 2012), mais où il est particulièrement difficile de perdurer (Menger, 1994, 2009). Cette situation se trouverait exacerbée dans le cas des artistes chorégraphiques et des artistes de cirque. Chaque année, près de 5 % des 5000 danseurs et des 1000 circassiens intermittents du spectacle présents en France cessent leur activité d’interprète. Or, le passage à l’après scène ou l’après piste n’est pas une étape allant de soi (Baumol et al., 2004 ; Chiffert, Michel, 2004 ; Gil Mendita, 2004). Les reconversions posent de nombreuses questions aux artistes, aussi bien à titre personnel, qu’en matière de financement de cette phase de transition et d’accès à de nouvelles formations permettant de retourner vers l’emploi. Afin d’apporter un éclairage nouveau sur cette thématique, une équipe composée de dix chercheurs en sciences sociales issus de six universités françaises souhaite se regrouper autour d’un programme de recherche ambitieux échelonné sur trois ans. Une analyse comparée entre artistes chorégraphiques, qui bénéficient déjà de dispositifs d’aide à la « reconversion » (CND, AFDAS, etc.), et artistes de cirque formés en écoles professionnelles, dont une partie des premières générations arrivent actuellement en fin de carrière, apparaît particulièrement pertinente de ce point de vue.

A partir d’un croisement entre apports de la sociologie de l’action publique (Kingdon, 1984 ; Jobert, Muller, 1987 ; Warin, 1999 ; Lascoumes, Le Galès, 2004 ; Cantelli, Genard, 2007) et de la sociologie des parcours professionnels (Grossetti, 2004, 2006a, 2006b ; Négroni, 2005, 2007 ; Denave, 2006 ; Bidart, 2006, 2010 ; Bessin, 2009 ; Abbott, 2010 ; Bessin et al., 2010), il s’agira d’observer :
— D’une part, les répertoires d’action, les modes de fonctionnement et de coordination des acteurs publics et privés impliqués dans les dispositifs d’aide existants, mais aussi leurs effets. Sur ce plan, l’enjeu générique sera d’analyser dans quelle mesure les dispositifs étudiés se distinguent de ceux de droit commun touchant la majorité des individus inscrits dans un processus de « retour vers l’emploi » ;
— D’autre part, il est question d’appréhender parmi les artistes interprètes la différenciation sociale des mécanismes de « reconversion » tels qu’ils sont à l’œuvre dans les deux sous domaines artistiques précités. Nous aborderons les rapports que les artistes nouent avec les dispositifs de soutiens et d’aide à la « reconversion », mais également la façon dont le réseau familial et relationnel est employé en tant que ressource.

La méthodologie de recueil de données employée est avant tout issue d’une démarche compréhensive et qualitative d’analyse du travail (Hughes, 1996 ; Dubar, Tripier, 1998 ; Alter, 2006 ; Avril et al., 2010). Plus de 130 entretiens semi directifs répartis en trois séries seront réalisés :
— Auprès des acteurs publics et professionnels engagés dans les dispositifs d’aide à la reconversion ;
— Auprès d’artistes en activité et projetant de quitter leur carrière d’interprète ;
— Auprès d’artistes ayant déjà cessé leur activité d’interprète

Pour finir, il est envisagé de traiter statistiquement les fichiers de la Caisse des congés spectacle afin d’obtenir une vue d’ensemble du secteur du spectacle vivant et de caractériser les spécificités des sous domaines des arts chorégraphiques et des arts du cirque au regard du thème des sorties de la profession.

Coordination du projet

Samuel JULHE (Laboratoire Cultures, Education, Sociétés)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LACES EA 4140 Laboratoire Cultures, Education, Sociétés

Aide de l'ANR 90 000 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2014 - 36 Mois

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