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Nouvelles religiosités en Turquie : un réenchantement dans un pays musulman sécularisé ? – NEORELIGITUR

Nouvelles religiosités en Turquie : un réenchantement dans un pays musulman sécularisé ?

Ce projet entend étudier l’émergence et le développement des nouvelles religiosités en Turquie, pays musulman sécularisé. L'abordant sous les angles diachronique et synchronique, il soulève la question -jusqu'alors pas abordée par des recherches sur le religieux en Turquie dominées par les études sur l’islam (sunnisme, alévisme) et le soufisme-,- des reconfigurations religieuses dans leur ensemble, de leurs formes et registres, et de leur complexité historique,

Les nouvelles religiosités en Turquie : un objet scientifique pris en étau entre paradigme historique sécularisateur et essentialisation de l’Islam

Le concept de « nouvelles religiosités » s’est imposé comme un outil fécond pour l’étude des croyances et des pratiques associées au courant du New Age, à l’ésotérisme moderne, à l’hindouisme et au bouddhisme. Les nouvelles religiosités sont perçues comme des corollaires des processus de sécularisation, d’individualisation et de mondialisation des sociétés occidentales. Ce débat a été très peu appliqué aux sociétés non occidentales, en particulier au monde musulman, par manque d’intérêt scientifique, mais aussi parce que ces sociétés ont été, dans une approche parfois essentialiste, considérées comme à l’écart de ces processus. Dans le cas de la Turquie, que l’historiographie considère comme spécifique au regard de son histoire républicaine et kémaliste, son étude a souvent été dominée par des cloisonnements dissociant travaux sur l’islam et histoire de la sécularisation turque. Il s’agissait donc de remédier à l’insuffisance d’études sur les nouvelles religiosités en Turquie, en privilégiant une approche non-confessionnelle et non-apologétique dans l'étude des nouvelles religiosités en Turquie, et en déconstruisant les postulats essentialistes sur les liens entre nation et religion. Nous souhaitions aussi contribuer à articuler les recherches et discours académiques français et allemands, encore trop déconnectés, sur les nouvelles religiosités. Enfin, nous voulions jeter les bases d'une compréhension globale et comparative des nouvelles religiosités incluant le monde musulman, en questionnant ainsi les stéréotypes culturels à l’œuvre dans un certain nombre de travaux sur les nouvelles religiosités à travers le monde.

Notre projet a été conçu comme un programme interdisciplinaire. Il a progressivement rassemblé plus de 35 chercheurs. Si ce groupe s’est appuyé sur des théories et méthodes en cours en sciences religieuses, histoire, anthropologie, sociologie et littérature, notre programme de travail s’est organisé suivant des axes théoriques et méthodologiques favorisant les approches interdisciplinaires. Il s’est par ailleurs donné comme objectif d’intégrer les débats scientifiques français et allemands sur les questions abordées. Du côté allemand, au-delà d’une solide tradition de Religionswissenschaft qui est un atout majeur, les chercheurs ont mobilisé de nombreux travaux fondamentaux pour l’étude des nouvelles religiosités. Côté français, les critiques modernes et postmodernes de la sécularisation et de la modernité ont été mobilisées pour nourrir et approfondir l’interrogation et la réflexion sur ces « maîtres-mots » de l’historiographie de la Turquie. Le savoir accumulé à l’issue de ce projet a permis de poser des bases pour un travail global et comparatif d’analyse des nouvelles religiosités, autour des questions de (dé-)sécularisation, d’individualisation et de globalisation.

Les résultats obtenus permettent de questionner les hypothèses essentialistes qui sous-tendent ces trois thématiques et postulent que la nature de l’Europe et celle des cultures islamiques conditionnerait leur attitude respective face à la modernité. Cette posture critique nourrit par ailleurs un travail de déconstruction de la notion d’ « Islam turc » et de « turcité ». Nos recherches ont interrogé la place du soufisme mais aussi des thérapies comme espaces de reconfiguration religieuse, les figures d’autorité, le rôle des circulations, le genre dans l’Islam, ou encore la connexion avec les classes moyennes urbaines. Elles permettent de contribuer au débat scientifique sur la définition de la religion, du religieux et de leurs frontières.

Le nombre important de rencontres scientifiques sur les thèmes et questionnements fondamentaux de notre projet a permis un approfondissement satisfaisant, ainsi qu’une consolidation des liens entre les chercheurs du projet. Nous avons veillé à inviter fréquemment des spécialistes d’autres aires afin de confronter nos hypothèses et résultats. La représentation de notre projet, sous forme de panels, à de nombreux congrès internationaux de turcologie, de recherches sur l’islam ou encore sur l’esotérisme, a permis également de confronter nos travaux et de les diffuser vers de nouvelles institutions et d’autres chercheurs. Les publications, celles déjà achevées et celles en cours, consolident ces résultats.

Avec Neoreligitur, le domaine méconnu des nouvelles religiosités de l'Empire ottoman et de la Turquie républicaine a fait l'objet de recherches combinées et a été porté à la connaissance des milieux universitaires internationaux. L'acquisition de ressources et la mise en place de réseaux scientifiques internationaux ont favorisé la mobilisation d'espaces communs de réflexion et d'enquête entre les disciplines sollicitées (sociologie, anthropologie, histoire, littérature) et mis en discussion différentes traditions de recherche nationale. Les perspectives de recherche ainsi ouvertes s'avèrent aussi bien comparatistes que théoriques et épistémologiques. Le questionnement des hypothèses essentialistes et sécularistes accompagnant les études sur la Turquie, et la mise en valeur des circulations des espaces religieux avec d'autres champs, contribuent au développement d'études décloisonnées sur les nouvelles religiosités dans d'autres espaces, musulmans mais aussi européens. Ainsi des membres du projet ont-ils été amenés à co-fonder avec Mark Sedgwick (université d’Aarhus) un nouveau réseau, l’ENSIE (European Network for the Study of Islamic Historicisme), dont le premier colloque international s’est tenu en juin 2018 à Venise, et qui est amené à développer ses activités scientifiques.
Les questions majeures auxquelles le projet a abouti et auxquelles il fournit des pistes d'approfondissement ultérieur relèvent de la relation des nouvelles religiosités avec les dynamiques de (dé)sécularisation et d’individualisation, et le rôle des circulations et des identités globales-locales dans leur développement. Enfin l’un des prolongements majeurs du projet Neoreligitur consistera à nourrir le débat scientifique sur la définition de la religion, du religieux et de leurs frontières, par exemple avec les formes du spiritualisme.

La variété des formes des rencontres scientifiques dévolues à nos travaux ont favorisé les recherches nouvelles et inédites. Chaque workshop (11 au total) a été consacré à un ensemble thématique portant des problématiques essentielles de notre programme scientifique : rôle des acteurs étatiques et des institutions ; autorités religieuses ; évangélisme et migrations ; appropriation des sciences et leurs enjeux au sein des nouvelles dynamiques religieuses ; usages des médias ; New-Age et autorités religieuses alternatives ; textes sacrés et fiction religieuse entre herméneutique et littérature ; géographie et circulations globales-locales ; histoire et reconfigurations du spiritisme ; identité, biographie et transformations du soi (self) comme constructions spirituelles ; genre et corps. Nous avons également présenté nos recherches dans de nombreux congrès internationaux (ésotérisme, néo-chamanisme, thérapies, eschatologies), Des membres du projet ont co-fondé un réseau scientifique de recherches sur Islam et esotérisme, l’ENSIE (European Network for the Study of Islamic Historicisme).
Le programme de publications a donné lieu à un numéro spécial sur le soufisme et ses médias (publié à l’European Journal of Turkish Studies en 2017: journals.openedition.org/ejts/5224). La place des spiritualités indiennes (hindouisme et bouddhisme), objet majeur de nos recherches, a été abordée sous l’angle des circulations politiques, littéraires, conceptuelles, des traductions, mais aussi sous celui des nouveaux mouvements religieux (NMR) et des thérapies dans une publication collective dédiée qui paraîtra chez I.B. Tauris.
D'autres projets de publication sont en cours.

Les « nouvelles religiosités » se sont imposées comme un concept fécond pour l’étude des croyances et des pratiques associées au courant du New Age, à l’ésotérisme moderne, à l’hindouisme et au bouddhisme. Celles-ci sont perçues comme des corollaires des processus de sécularisation, d’individualisation et de mondialisation des sociétés occidentales. Ce débat n’a pas été étendu aux sociétés non occidentales, en particulier au monde musulman, par manque de d’intérêt scientifique, mais aussi parce que ces sociétés ont été considérées comme à l’écart de ces processus.


Notre projet entend étudier l’émergence et le développement des nouvelles religiosités en Turquie, un pays musulman laïcisé en référence au modèle de laïcité à la française. Très répandues, ces religiosités y sont pourtant peu ou mal étudiées, soit parce que les chercheurs turcs ne les prennent pas au sérieux soit car ils ont à leur égard une attitude hostile. Quant aux études islamiques et à la turcologie, elles ne les trouvent pas assez « authentiques ».


Notre projet est conçu comme un programme interdisciplinaire pour un groupe de 26 chercheurs. Ce groupe s’appuiera sur des théories et méthodes en cours en sciences religieuses, histoire, anthropologie, sociologie et littérature. Notre programme de travail est organisé suivant des axes théoriques et méthodologiques, en vue d’inciter les chercheurs du groupe à dépasser les approches de leur propre discipline.


Le projet présenté se donne pour but d’intégrer les débats scientifiques français et allemands concernant ces questions. Du côté allemand, il existe de nombreux travaux fondamentaux pour l’étude des nouvelles religiosités qui sont ignorés en France. Côté français, les critiques modernes et postmodernes de la sécularisation et de la modernité pourraient nourrir davantage le débat allemand. Le savoir accumulé à l’issu de ce projet a pour ambition de poser des bases pour un travail global et comparatif d’analyse des nouvelles religiosités, autour des questions de sécularisation, d’individualisation et de mondialisation. Les résultats obtenus permettront également de questionner les hypothèses essentialistes qui sous-tendent ces trois thématiques et postulent que la nature de l’Europe et celle des cultures islamiques conditionnerait leur attitude respective face à la modernité. Cette posture critique nourrira par ailleurs un travail de déconstruction de la notion de « turcité » qui apportera un nouvel éclairage sur l’approche turque des nouvelles religiosités. En outre, nous entendons contribuer au débat scientifique sur la construction de l’identité, la circulation et l’autorité religieuses, le genre dans l’Islam et la définition de la religion et de ces frontières. Du point de vue institutionnel, notre projet encouragera le développement des liens existants entre les chercheurs français et allemands et les deux instituts qui les encadrent.
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Coordination du projet

Nathalie CLAYER (Centre d'Etudes Turques, Ottomanes, Balkaniques et centrasiatiques) – nathalie.clayer@ehess.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CETOBAC Centre d'Etudes Turques, Ottomanes, Balkaniques et centrasiatiques
OII Orient-Institut Istanbul

Aide de l'ANR 219 539 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2014 - 36 Mois

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