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Outils génétiques pour la manipulation du génome d'Anopheles gambiae – GEMM

Manipulation ciblée du génome d'Anopheles gambiae

Outils génétiques pour la manipulation du génome d'Anopheles gambiae

Enjeux et objectifs

L'anophèle est le moustique vecteur du paludisme. Historiquement, la lutte antivectorielle (assèchement des marais, utilisation d'insecticides, de moustiquaires) a été l'approche la plus efficace pour combattre ce fléau. L'étude de la biologie de l'interaction vecteur/parasite a récemment montré que le système immunitaire des moustiques est en général efficace pour tuer le parasite, offrant la perspective de nouvelles stratégies de lutte. Une partie des bases moléculaires de cette défense a été élucidée, de nouveaux outils génétiques sont nécessaires pour (1) disséquer plus finement ces mécanismes moléculaires; (2) mettre au point des stratégies de lutte génétique rendant le moustique réfractaire au parasite.

Pour fonctionellement caractériser les gènes d'intérêt découverts chez le moustique, il convient d'en obtenir des mutants ou de manipuler leur niveau d'expression. Nous synthétisons des protéines artificielles de liaison à l'ADN qui reconnaissent des sites spécifiques et peuvent activer le promoteur de gènes choisis (TALs) ou provoquer des cassures dans l'ADN (TALENs) dont la réparation s'accompagne de l'introduction de mutations. Nous testons la capacité des TALENs à permettre l'obtention de mutants dans les gènes-cibles, et celle des TALs à perturber l'expression des gènes-cibles.

La première stratégie de « gene knockout » que nous avons envisagée pour l’anophèle, basée sur le protocole mis au point chez la drosophile, ne fonctionne pas chez le moustique. L’une des deux enzymes exprimées transgéniquement (I-SceI nucléase) est bien active, nous avons pu détecter les modifications qu’elle produit sur le génome. L’autre (FLP recombinase) est inactive, y compris après optimisation de la séquence du gène pour ajuster les codons à l’usage préférentiel rencontré chez l’anophèle. Nous avons tenté le « gene knockout » sous l’effet de la I-SceI nucléase seule, sous l’hypothèse que l’excision préalable de la molécule d’ADN donneuse par la FLP recombinase n’était pas obligatoire. Tous les candidats obtenus ont été invalidés, ce qui suggère que la réparation des cassures génomiques induites par I-SceI, situées de part et d’autre du fragment à exciser, est tellement rapide que la libération d’une molécule linéaire suivie de son incorporation au locus-cible par recombinaison homologue est un évènement trop rare pour être détecté.

Nous avons donc choisi une approche alternative de mutagenèse des gènes-cibles en utilisant des TALENs (Li et al. 2011, Nucleic Acids Res. 39(14):6315-25). Nous avons pu rapidement construire nos premières paires de TALENs à l’aide du kit d’assemblage développé par nos collaborateurs à Halle (Geissler et al. 2011, PLoS One 6(5):e19509). La première paire de TALEN que nous avons testée est conçue pour cibler le gène TEP1 . L’approche fonctionne à merveille, puisque nous avons obtenu une population de moustiques portant de très nombreuses mutations au locus-cible, dont plusieurs sont probablement des mutations de perte de fonction.

Ce travail est le premier exemple à notre connaissance d’utilisation de TALENs exprimés transgéniquement dans un organisme animal pour obtenir des mutants ciblés. Nous attendons la caractérisation fonctionnelle des premiers mutants pour prochainement publier cette méthode.

La partie « TAL » du projet est elle aussi bien avancée, avec la construction de nombreux facteurs de transcription synthétiques de type TAL ciblant le promoteur de TEP1 à l’aide du même kit d’assemblage que ci-dessus. Nous examinons actuellement l’activité de ces protéines en culture cellulaire. Certaines constructions ont déjà été transférées dans le génome de moustiques transgéniques ; ils ne montrent pas tous l’effet attendu, ce phénomène est en cours d’étude.

Aucune dans les premiers 6 mois.

La recherche en biologie de l’anophèle, moustique vecteur du paludisme, serait grandement facilitée par la possibilité d’effectuer des manipulations génétiques fines sur cet insecte. En particulier, de telles manipulations génétiques permettraient de comprendre plus intimement le système immunitaire du moustique, qui est naturellement capable d’éliminer une grande majorité des parasites du genre Plasmodium. Outre leur utilité en recherche fondamentale, des moustiques génétiquement modifiés pourraient être employés dans des stratégies de lutte contre le paludisme. Des essais sur le terrain utilisant des moustiques transgéniques sont d’ailleurs déjà en cours dans deux régions tropicales pour lutter contre le virus de la dengue. Malgré des perspectives prometteuses en santé publique, et malgré les inquiétudes liées à la sécurité de telles approches, la recherche académique n’est pas très présente dans ce domaine, en l’absence d’outils pour s’atteler à ces problématiques nouvelles. Notre laboratoire a récemment fortement progressé dans le domaine de la transgenèse chez le moustique : nous savons à présent obtenir facilement des lignées transgéniques d’Anopheles gambiae, vecteur principal du paludisme en Afrique, et avons mis au point des outils performants de sélection d’évènements génétiques rares. Ces avancées nous placent dans une position idéale pour mettre au point des méthodes de manipulations génétiques plus ciblées. Le premier objectif de cette demande de financement est d’établir un protocole de substitution de gène, basé sur la recombinaison homologue, chez l’anophèle. Dans ce but, nous mettrons à profit nos nouveaux outils de transgenèse ainsi que des méthodes déjà établies pour la drosophile. Notre deuxième objectif est de créer des facteurs de transcription artificiels se fixant spécifiquement sur des séquences choisies dans des promoteurs de gènes de moustique, pour stimuler ou réprimer l’expression de gènes impliqués dans l’interaction avec le parasite. Pour ce travail, nous utiliserons nos connaissances acquises sur un facteur de transcription d’origine bactérienne facile à manipuler. Pour tester ces nouvelles technologies, nous manipulerons la séquence et l’expression du gène antiparasitaire TEP1. Nous testerons la résistance au Plasmodium de moustiques exprimant différentes versions modifiées de TEP1, et d’autres exprimant un niveau accru de gènes agissant dans la voie d’activation de TEP1. Globalement, la mise au point d'une suite d'applications de génie génétique permettant l'analyse fonctionnelle complète d'un gène choisi (sur-expression contrôlée dans le temps et les tissus, suppression, élimination, substitutions alléliques) aura des retombées bénéfiques à la recherche fondamentale sur la biologie des insectes vecteurs de maladies, et ouvrira des perspectives nouvelles en lutte antivectorielle.

Coordination du projet

Eric MAROIS (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - ADR DE STRASBOURG - ADR 16) – e.marois@unistra.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

U963 INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - ADR DE STRASBOURG - ADR 16

Aide de l'ANR 260 000 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2011 - 36 Mois

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