Blanc SVSE 7 - Blanc - SVSE 7 - Biodiversité, évolution, écologie et agronomie

Facteurs historiques et contemporains dans l’évolution de la spécialisation d’hôte chez les organismes vecteurs – ESPEVEC

La génération de la biodiversité vectorielle et ses conséquences

Quelles sont les contraints sur le spectre d'hôtes des vecteurs tiques et comment modifient-elles la circulation d'agentes infectieuses ?

Utilisation des hôtes par les vecteurs tiques et circulation des pathogènes

L'objectif principal du projet ESPEVEC est de comprendre les facteurs qui favorisent la spécialisation d'hôte chez les tiques et les conséquences de cette évolution pour la transmission des pathogènes associés. Les trois systèmes tiques étudiés sont d'un intérêt économique et médical notable, avec deux espèces de tiques dures qui transmettent la borréliose de Lyme et un complexe de tiques molles qui héberge l’agent de la fièvre récurrente humaine. Ces systèmes varient dans leurs caractéristiques écologiques et dans leurs histoires évolutives ce qui nous permet de contraster des résultats et de dégager des mécanismes généraux. Les résultats de ce projet nous aideront améliorer nos prédictions de risque épidémiologique dans le cadre des maladies à vecteur.

Nous échantillonnons des tiques sur des hôtes différents dans l'ensemble de leur distribution géographique. Des mesures précises des traits morphologiques et des signaux chimiques de communication sont quantifiées pour chaque tique. Les tiques sont également caractérisées au niveau génétique. Avec ces données, nous testons s’il existe des différences dans ces variables entre les tiques qui exploitent des espèces d'hôte différentes et si ceux-là modifient la circulation des agents infectieux transmis par ces tiques.

Les tiques semblent souvent se spécialiser sur des hôtes différents disponibles au sein de l'environnement local, même si cette spécialisation n'aboutisse pas toujours dans la spéciation. Ceci veut dire que certaines tiques se nourrissent préférentiellement sur certains types d'hôtes créant ainsi une barrière à la transmission des agents infectieux et modifiant notre compréhension des cycles de transmission. Nous avons aussi montré qu'en plus des pathogènes, les tiques hébergent de nombreuses espèces d'endosymbiontes. Nous ne savons pas pour l'instant l'implication écologique de ces symbiontes pour l'évolution des races d'hôtes des tiques, mais nos résultats démontrent que ces endosymbiontes peuvent émerger en pathogène. Ceci est notamment le cas des bactéries du genre Coxiella associées à la fièvre Q; le pathogène C. burnetii a évolué directement des bactéries endosymbiotiques des tiques d'oiseaux de mer.

Même si focalisé sur les modèles tiques, nous attendons que les résultats de ce projet modifieront notre compréhension générale de l'écologie des maladies à vecteur. Comme l'évolution des groupes spécialisés de vecteur peuvent générer les cycles indépendants de transmission à l'échelle locale, représentants des risques variables pour l'homme, les résultats de nos travaux détermineront la besoin de prendre en compte (ou non) l'utilisation des hôtes d'une manière explicite dans nos modèles prédictifs de risque épidémiologique. De plus, l'identification des facteurs écologiques qui favorisent la spécialisation d’hôte des vecteurs nous fournirait des éléments importants pour la compréhension de l'épidémiologie des maladies à vecteur plus généralement. Enfin, étant donnée l'incertitude sur l'impact des changements climatiques et des modifications du paysage sur l'émergence des maladies infectieuses, les résultats appliqués et fondamentales de ce projet nous produiront des contributions essentiales pour les réseaux intégratifs qui visent établir des réponses proactifs des risques de santé public et notamment en appuyant sur des données épidémiologiques et environnementaux.

Plusieurs communications (15) et publications scientifiques majeures (7) sont déjà découlées des résultats de ce projet. En employant des données génétiques, nous avons notamment retracé la voie de colonisation mondiale de la tique d'oiseaux marins Ixodes uriae de son origine dans l'hémisphère Sud. Cet analyse démontre que la diversification de ces tiques ont suivi la radiation des oiseaux de mer et que l'émergence des races d'hôtes dans chaque basin océanique s'agit des événements indépendants (Dietrich et al. 2014 Molecular Ecology). Nous avons également montré que la spécialisation d’hôte semble évoluer fréquemment chez les tiques (dures et molles), mais pas toujours en gérant des espèces nouvelles. Finalement, nos recherches ont révélé que l'agent infectieux responsable pour la fièvre Q (Coxiella burnetii) a émergé d'un endosymbionte de tique (bactérie intracellulaire qui n'est pas normalement en contact avec l'hôte vertébré lors du repas de la tique) (Duron et al. 2015 PLoS Pathogen). Ce résultat met en place un cadre novateur pour comprendre l'émergence des pathogènes.

Les maladies vectorielles présentent souvent de cycles de transmission complexes qui incluent plusieurs vecteurs et plusieurs espèces réservoirs. Néanmoins, à ce jour, peu de choses sont encore connues sur comment les vecteurs s'adaptent aux différentes populations locales d'hôtes et comment cela peut à son tour affecter la dynamique d'organismes pathogènes transmis et donc le risque de maladies associées. Dans les cas de systèmes où de nombreuses espèces d'hôte sont disponibles, il est donc important d'établir si les vecteurs se spécialisent dans l'exploitation de certaines espèces d'hôtes et le rôle des interactions locales entre populations qui peuvent en découler et affecter la transmission d'agents pathogènes et leur évolution. Il est aussi fondamental d'identifier les facteurs écologiques et les mécanismes évolutifs qui entrainent la spécialisation d'hôte chez les vecteurs si l'on veut prédire les dynamiques de transmission et d'émergence dans le contexte des changements environnementaux actuels. Le projet ESPEVEC vise à aborder ces questions en utilisant trois systèmes hôte-vecteur-organisme pathogène impliqués dans les maladies à tiques.

Les trois systèmes à tiques qui seront étudiés sont d'importance médicale; ils impliquent deux tiques 'dures', vectrices de l'agent de la maladie de Lyme (Ixodes ricinus et Ixodes uriae), et une tique 'molle', vectrice de fièvres récurrentes (Ornithodoros capensis complex). Ces systèmes diffèrent pour ce qui est de leurs caractéristiques écologiques et leurs histoires évolutives, ce qui devrait permettre d'explorer efficacement la contribution des différents facteurs généraux susceptibles d'être impliqués dans les patrons de divergence des vecteurs en fonction des populations d'hôtes.

Dans le cadre de ce projet, nous travaillons sous l'hypothèse générale que l'évolution de structures au sein des populations de vecteurs en fonction des hôtes est affectée par la composition de la communauté locale d'hôtes et par son histoire évolutive. Les premiers objectifs du projet seront donc d'évaluer la structure génétique des populations de tiques au sein des communautés d'hôtes en relation avec l'exploitation des espèces hôtes, d'explorer ces patrons en utilisant une approche de phylogéographie et, de contraster les résultats entre les différents systèmes. Nous prédisons notamment que la structuration des populations de tiques en fonction des hôtes devrait être plus forte dans les systèmes plus âgés d'un point de vue évolutif et dans les communautés d’hôtes plus stables. Pour chacun des systèmes considérés, l'analyse d'une série de réplications permettra d'obtenir des tests robustes. Des analyses morphométriques et chimiques seront ensuite réalisée pour identifier des forces sélectives potentiellement responsables de ces divergences en fonction des hôtes. Ces analyses seront complétées par une analyse génomique des divergences entre groupes associés à différents groupes. Finalement, nous étudierons les conséquences de ces structurations sur la circulation des agents infectieux et leur évolution à différentes échelles spatiales. Le projet ESPEVEC reposera ainsi sur une combinaison d'approches, incluant de l'échantillonnage sur le terrain, des caractérisations expérimentales et l'utilisation d'approche modernes pour quantifier les divergences phénotypiques et génétiques. Le consortium de recherche qui développera le projet implique quatre laboratoires partenaires et plusieurs collaborateurs internationaux, chacun apportant une expertise complémentaires importantes.

Coordination du projet

Karen McCoy (Maladies Infectieuses et Vecteurs Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CEFE Centre d'Ecologie Fonctionnelle et d'Evolution
LEEC Laboratoire d’Ethologie Expérimentale et Comparée
MiVEGEC Maladies Infectieuses et Vecteurs Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle
CRVOI Centre de Recherche et de Veille sur les Maladies Emergentes dans l'Océan Indien

Aide de l'ANR 260 000 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2014 - 48 Mois

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