Blanc SVSE 6 - Blanc - SVSE 6 - Génomique, génétique, bioinformatique et biologie systémique

Recherche de nouveaux gènes du métabolisme secondaire par exploration d’ilots génomiques – MiGenIs

Recherche de nouveaux gènes du métabolisme secondaire par exploration d’îlots génomiques

Les métabolites secondaires, appelés aussi métabolites spécialisés, (MS) microbiens représentent une source importante de molécules bioactives utilisées dans le domaine de la santé. Partant de l’observation que de nombreux gènes dirigeant la biosynthèse de MS sont localisés dans des îlots génomiques, nous développons une nouvelle approche afin de faciliter la détection d’îlots génomiques et l’identification de gènes de biosynthèse originaux.

Nouveaux gènes et nouveaux métabolites spécialisés

Les produits naturels, désignés sous le terme de métabolites secondaires ou spécialisés (MS), sont des composés chimiques de faible poids moléculaire produits par des organismes vivants et possédant des activités biologiques ou pharmacologiques. Ils sont une source majeure de molécules thérapeutiques, constituent des sondes biologiques permettant de mieux appréhender les fonctions cellulaires et sont source d’inspiration dans le domaine de la chimique analytique et de synthèse. Une part importante des MS est produite par des microorganismes et les avancées en génomique ont révélé qu’un nombre important de MS reste à découvrir. Un microorganisme connu pour produire un nombre limité de MS a souvent la capacité d’en synthétiser un plus grand nombre. De ce fait, des efforts considérables sont actuellement fournis pour accéder aux 90% de molécules «cryptiques«, c’est-à-dire non synthétisées en condition de laboratoire. La majorité des approches repose sur le séquençage des génomes de nombreuses espèces et l’identification des clusters par similarité avec les gènes de biosynthèse connus. Bien que ces méthodes aient démontré leur efficacité pour la découverte de nouveaux métabolites, les données publiées et nos résultats préliminaires indiquent que la synthèse de certains MS est dirigé par des groupes de gènes que ne parviennent pas à détecter les méthodes basées sur la recherche d’homologues. Nous proposons donc de développer une méthode pour découvrir de tels groupes de gènes en se basant sur la détection d’îlots génomiques (IG) présents dans des souches proches. En effet, il a été observé que de tels îlots étaient souvent enrichis en gènes du métabolisme spécialisé. Une fois les IG identifiés, l’étape suivante consiste à établir un lien entre ces îlots et les MS isolés par métabolomique (analyses LC-MS) ou par leur activité biologique. Les nouveaux groupes de gènes peuvent par la suite être caractérisés et les voies de biosynthèse élucidées.

L'objectif principal de notre projet est de développer et de valider une nouvelle méthode d’analyse des génomes pour la découverte de nouveaux groupes de gènes de biosynthèse de MS et de nouveaux MS. L'approche que nous voulons développer diffère fondamentalement des méthodes d’analyse des génomes déjà établies basées sur la recherche d'homologues de gènes de biosynthèse de MS connus. Notre méthode repose sur la détection des îlots génomiques dans les génomes d'espèces proches phylogénétiquement. En effet, on a observé que les îlots génomiques spécifiques à une espèce ou une souche renfermaient souvent des gènes du métabolisme spécialisé. Ainsi, l'identification des îlots génomiques dans les génomes de souches proches peut conduire à l'identification de groupes de gènes du métabolisme spécialisé qui ne sont pas détectés par des approches classiques. Nous appliquerons cette approche pour explorer de façon exhaustive les capacités métaboliques de trois souches Streptomyces (Streptomyces ambofaciens ATCC23877, DSM40697 et M1013). Cette approche pour identifier les groupes de gènes susceptibles de diriger la biosynthèse de MS sera combinée avec diverses stratégies visant à exprimer des gènes silencieux dans les conditions habituelles de laboratoire (changements dans les conditions de culture, mutations dans les régulateurs globaux contrôlant le métabolisme spécialisé) et avec la construction de mutants délétés pour le les groupes de gènes candidats. Ainsi, il sera possible d'établir des liens entre les activités antibactériennes détectées dans certaines conditions de culture et les groupes de gènes candidats. Les groupes de gènes dirigeant la biosynthèse de composés antibactériens seront étudiés, les composés purifiés et caractérisés et les voies de biosynthèse de nouveaux composés élucidées.

- Un outil bioinformatique de recherche et d’analyse des zones de ruptures de synténie dans les génomes a été développé. Cet outil identifie d’abord dans les génomes de deux souches les blocs de synténie, c’est-à-dire les régions dans lesquels se trouvent dans la même organisation des gènes homologues. Il délimite ensuite les zones de rupture de synténie qui peuvent correspondre à des ilots génomiques (régions contenant des gènes spécifiques, présents dans un seul des deux génomes). Ces îlots génomiques sont analysés. Une interface de visualisation offre différentes manières d’explorer les données générées.

- Des îlots génomiques présents chez S. ambofaciens ATCC23877 ont été détectés après comparaison du génome de S. ambofaciens ATCC23877 avec les génomes de Streptomyces coelicolor, Streptomyces ambofaciens DSM 40697 ou Streptomyces sp. M1013.

- La comparaison des zones dans lesquelles sont présents les îlots génomiques dans plusieurs souches proches de Streptomyces a mis en évidence l’existence de points privilégiés dans lesquels des îlots génomiques différents sont trouvés dans les différentes souches.

- Un îlot génomique qui contient un groupe de gènes dirigeant la biosynthèse de plusieurs métabolites spécialisés a été identifié et caractérisé. Ce groupe de gènes n’est pas détecté par les programmes classiques de détection des gènes du métabolisme spécialisé. Ceci valide notre approche et montre qu’elle permet de trouver des groupes de gènes du métabolisme spécialisé non détectés par les approches habituelles.

- La caractérisation chimique d’un de ces métabolites spécialisés a été effectuée.

- Des îlots génomiques ont été délétés dans le génome de S. ambofaciens ATCC 23877. Certains de ces îlots ont été clonés en vue de leur transfert dans une autre espèce de Streptomyces où ils seront exprimés de manière hétérologue.

Développement d'une nouvelle approche bioinformatique pour étudier le métabolome spécialisé. En plus de l'approche habituelle d’analyse des génomes basée sur la similitude des séquences, nous développerons une nouvelle méthode pour identifier des groupes potentiels de gènes de biosynthèse de métabolites spécialisées pour lesquels aucune prédiction ne peut être déduite des analyses basées sur la similitude de séquence. Notre stratégie sera appliquée à l'étude du métabolisme spécialisé de S. ambofaciens mais devrait être généralisable à d'autres microorganismes.
Nouveaux composés antibactériens. Ce projet est susceptible de conduire à la caractérisation de nouveaux agents antibactériens. Nos résultats préliminaires indiquent qu'une souche dérivée de S. ambofaciens ATCC23877 possède au moins deux nouvelles activités antibactériennes distinctes. Les composés responsables de ces activités et les groupes de gènes dirigeant leur biosynthèse seront identifiés et caractérisés.
Nouvelles voies et nouveaux gènes de biosynthèse. La caractérisation des gènes de biosynthèse de nouveaux composés et de nouvelles voies de biosynthèse fournira de nouveaux outils (enzymes) et des matières premières (molécules) qui peuvent trouver de nombreuses applications dans les domaines de la biosynthèse combinatoire et de la chimie verte.
Meilleure compréhension du métabolisme spécialisé. Ce projet permettra de mieux comprendre le métabolisme spécialisé d’une souche bactérienne: réseaux de régulation, échanges, synergies et compétitions entre différentes voies métaboliques spécialisées. Il donnera également un aperçu de la diversité intraspécifique du métabolisme spécialisé et éventuellement de son évolution. Enfin, les données générées pourraient faciliter d'autres études visant à caractériser les réseaux de régulation du métabolisme spécialisé chez Streptomyces ou à déterminer les fonctions écologiques des métabolites spécialisés.

Complete genome sequence of Streptomyces ambofaciens ATCC 23877, the spiramycin producer. Thibessard A, Haas D, Gerbaud C, Aigle B, Lautru S, Pernodet JL, Leblond P. J Biotechnol. 2015 Nov 20;214:117-8.
doi: 10.1016/j.jbiotec.2015.09.020.

Complete Genome Sequence of Streptomyces ambofaciens DSM 40697, a Paradigm for Genome Plasticity Studies. Thibessard A, Leblond P. Genome Announc. 2016;4(3). pii: e00470-16.
doi: 10.1128/genomeA.00470-16.

Les produits naturels (PN), désignés sous le terme de métabolites secondaires, sont des composés chimiques de faible poids moléculaire produits par des organismes vivants et possédant des activités biologiques ou pharmacologiques. Ils sont une source majeure de molécules thérapeutiques, constituent des sondes biologiques permettant de mieux appréhender les fonctions cellulaires et sont source d’inspiration[p1] dans le domaine de la chimique analytique et de synthèse. Les enzymes responsables de leur synthèse peuvent également avoir des applications en chimie verte.

Une part importante des PN est produite par des microorganismes et les avancées en génomique ont révélé qu’un nombre important de PN reste à découvrir. Un microrgansime connu pour produire un nombre limité de PN a en fait la capacité d’en synthétiser un grand nombre. C'est notamment le cas chez les bactéries du genre Streptomyces, largement utilisées pour la production de métabolites secondaires. De ce fait, des efforts considérables sont actuellement fournis pour accéder aux 90% de molécules "cryptiques", c’est-à-dire non synthétisées en condition de laboratoire. La majorité des approches repose sur le séquençage des génomes de nombreuses espèces et l’identification des clusters par similarité avec les gènes de biosynthèse connus. Bien que ces méthodes aient démontré leur efficacité pour la découverte de nouveaux métabolites, les données publiées et nos résultats préliminaires indiquent que la synthèse de certains PN est dirigé des groupes de gènes que ne parviennent pas à détecter les méthodes basées sur la recherche d’homologues. Nous proposons donc de développer une méthode pour découvrir de tels groupes de gènes en se basant sur la détection d’îlots génomiques (IG) présents dans des souches apparentées. En effet, il a été observé que de tels îlots étaient souvent enrichis en gènes du métabolisme secondaire. Une fois les IG identifiés, l’étape suivante consiste à établir un lien entre ces îlots et les PN isolés par métabolomique (analyses LC-MS) ou par la détection de leurs activités biologiques. Les nouveaux groupes de gènes peuvent par la suite être caractérisés et les voies de biosynthèse élucidées.

Afin de démontrer la validité de notre approche, nous l’appliquerons à trois souches de Streptomyces ambofaciens (S. ambofaciens ATCC23877, DSM40697 et M1013) pour lesquelles des séquences génomiques complètes (ATCC23877) ou partielles (DSM40697 ou M1013) sont disponibles. Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur la souche ATCC23877 pour laquelle nous disposons de données préliminaires. En effet, le métabolisme secondaire de cette souche est étudié par les partenaires 1 et 2 depuis plusieurs années. Ils ont identifié les groupes de gènes de biosynthèse de NP détectables par recherche d’homologie et ont caractérisé plusieurs métabolites produits par la souche : les antibiotiques spiramycine, congocidine et kinamycine, ainsi qu’un nouveau macrolide possédant des propriétés antiprolifératives prometteuses, la stambomycine. Une souche ne produisant plus ces molécules a été construite. Par ailleurs, les partenaires 1 et 2 ont identifié plusieurs composés dont la synthèse n’a pu être reliée à l’un des groupes de gènes de NP identifiés par recherche d’homologie. Enfin, une comparaison du génome de la souche ATCC23877 avec celui de l’espèce proche Streptomyces coelicolor a permis l’identification de certains IG et un lien a pu être établi entre un IG et un des composés isolés. La démarche proposée est donc valide, et garantit les meilleures chances de succès au projet.

En conclusion, ce projet devrait permettre de valider une méthode innovante d’identification de nouveaux clusters de gènes de NP et de leur produit, méthode qui sera transposable pour l’exploration d’autres génomes bactériens. Il contribuera à la caractérisation de nouveaux PN, de nouveaux groupes de gènes et éventuellement de nouvelles familles de gènes /enzymes.

Coordination du projet

Jean-Luc PERNODET (Institut de Genetique et Microbiologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INRA
DynAMic Dynamique des génomes, adaptation microbienne
CNRS-ICSN Institut de Chimie des Substances Naturelles
IGM Institut de Genetique et Microbiologie

Aide de l'ANR 502 320 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 48 Mois

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