Blanc SVSE 7 - Blanc - SVSE 7 - Biodiversité, évolution, écologie et agronomie

Déterminisme moléculaire de l’adaptation écologique et de la spéciation chez deux variants du lépidoptère Spodoptera frugiperda – ADA-SPODO

Qu’est-ce qui fait d’un insecte un ravageur des cultures et comment de nouvelles espèces de ravageurs peuvent-elles apparaître ?

Alors qu’une crise alimentaire mondiale menace, 20% des récoltes mondiales sont dévorées par les insectes. Une meilleure connaissance des génomes des insectes ravageurs des cultures, ainsi que de la capacité de ces insectes à s’adapter à de nouvelles plantes hôtes et à se diversifier pourrait permettre l’élaboration de nouvelles méthodes de protection des plantes.

Spéciation, adaptation et génomes, transcriptome, épigénomes

L’apparition de nouvelles espèces est un phénomène progressif au cours duquel deux populations d’une même espèce vont accumuler des différences génétiques et perdre la capacité à se croiser entre elles. L’adaptation à l’environnement, notamment à la plante hôte pour les insectes phytophages peut conduire à la formation de nouvelles espèces, <br />Notre modèle d’étude, le lépidoptère Spodoptera frugiperda, est un ravageur des cultures. Il existe sous la forme de deux variants, l’un surtout associé au maïs, l’autre au riz. Les deux variants se côtoient dans les mêmes régions et sont indiscernables morphologiquement. Le premier but du projet est de savoir si les variants correspondent à deux espèces différentes ou à une seule. <br />Nous cherchons donc à savoir s’ils se croisent entre eux au laboratoire, mais aussi dans la nature. D’autre part nous voulons savoir s’ils ont accumulé des différences génétiques (mutations, réarrangements, différences dans les éléments transposables ou ET). <br />Notre second but est d’identifier les gènes impliqués dans l’adaptation à la plante hôte et de savoir comment l’expression de ces gènes est régulée sur une plante ou l’autre. Certains gènes sont-ils allumés (exprimés) sur une des plantes et éteints (non exprimés) sur l’autre ? La capacité d’un organisme vivant à allumer ou à éteindre certains gènes constitue « la régulation de l’expression des gènes ». Elle fait intervenir des protéines et des modifications de l’ADN ou des protéines associées. <br />Enfin nous voulons déterminer si la plante hôte a eu un rôle dans l’apparition des deux variants, ou s’ils ont divergé avant l’arrivée des plantes cultivées riz et maïs.<br />Ce projet regroupe les compétences de quatre laboratoires, DGIMI pour la partie génomique de l’adaptation à la plante et sa régulation, CBGP pour la partie phylogénétique et structure des populations naturelles, l’INRIA Rennes pour l’analyse comparée des génomes, l’URGI pour l’analyse comparée des ET.<br />

Physiologie / Génétique
Pour voir si les variants constituent deux espèces ou des populations d’une même espèce, nous réalisons des croisements au laboratoire entre variants. Nous comptons le nombre de couples fertiles. Si une descendance est obtenue, nous regardons si les chenilles portent bien le patrimoine génétique des deux parents en proportion attendue, ce qui indique qu’il n’y a pas d’incompatibilité génétique entre variants.
Nous suivons le développement des variants sur les deux plantes dans des conditions contrôlées de température, d’hygrométrie et d’éclairage : Nous mesurons le poids des insectes et le temps de développement.
Transcriptomique
Pour voir quels gènes sont nécessaires au développement de l’insecte sur telle ou telle plante, nous extrayons des chenilles les ARNm (copies des gènes) produits par les cellules. Le décodage des ARNm extraits permet d’identifier les variations d’expression selon la plante hôte.
Génomique
Nous comparons les séquences de l’ensemble des génomes des deux insectes, les gènes mais aussi les régions situées entre les gènes contenant les éléments transposables.
Epigénomique
Elle consiste a regarder les facteurs qui régulent l’expression des gènes par des expériences d’immunoprécipitation de la chromatine, visant à identifier des marques qui sont transmises en plus du code génétique de bases d’une génération cellulaire à l’autre.
Elle consiste à partir de la comparaison des séquences des gènes d’individus de populations naturelles à retracer leur généalogie et estimer leur temps de divergence.
Phylogéographique / génétique des populatios
Elle consiste à étudier la distribution des deux variants sur une large aire géographique. A un niveau plus local on cherche à voir si les variants se croisent entre eux dans la nature, on regarde s’ils échangent des gènes et s’ils possèdent des allèles (formes des gènes) en commun par analyse de la séquence de certains marqueurs dans des individus collectés sur le terrain.

En croisant les variants entre eux, nous avons montré qu’un sens de croisement (femelle maïs par mâle riz) donne un nombre réduit de descendants en première génération. Si nous suivons la ségrégation de marqueurs génétiques dans la descendance de deuxième génération, nous trouvons qu’une bonne part des marqueurs ne ségrège pas dans les proportions attendues. Ces résultats nous montrent qu’il y a une incompatibilité génétique entre les variants et qu’ils sont plus proches de constituer deux espèces que deux populations d’une même espèce.
Ces résultats sont corroborés par les analyses phylogénétiques réalisées sur des individus de populations naturelles qui montrent que les deux variants sont au moins aussi distants que d’autres espèces distinctes du genre Spodoptera.
Les expérimentations sur plantes ont permis de montrer que le variant maïs a une meilleure survie sur sa plante hôte que sur le riz, c’est le cas aussi pour le variant riz. En terme de poids par contre, les deux variants se développent mieux sur le maïs. Quand nous regardons l’expression des gènes, nous voyons plus de variation quand nous comparons un même variant sur deux plantes hôtes que les deux variants sur une même plante hôte. Parmi ces gènes, certains appartiennent à des familles de gènes connues pour être nécessaires pour l’adaptation à la plante, mais il existe aussi des gènes de fonction inconnue.
Concernant l’analyse des génomes, une base de données a été mise en place permettant à la communauté internationale de visualiser les gènes et les éléments transposables du variant maïs. Pour le variant riz, le génome vient seulement d’être assemblé, et la comparaison avec le génome du variant maïs est en cours.

La connaissance des génomes des deux ravageurs facilitera la compréhension des mécanismes d’apparition des résistances aux pesticides utilisés actuellement et pourra permettre l’identification de nouveaux gènes cibles pour les insecticides en privilégiant des méthodes biologiques respectueuses de l’environnement.
Contrôle des populations de ravageurs :
Si l’on voit que les couples résultant du croisement des deux variants sont peu fertiles, on peut peut-être perturber l’expansion des populations de l’un d’entre eux dans une région donnée par le lâcher d’individus mâles adultes en excès de l’autre variant sur la culture. Si l’on voit que la performance des variants diffère selon la plante hôte, on peut peut-être réduire les populations en alternant les cultures ou en constituant des zones de piégeage (par exemple si le variant riz se développe mieux sur chiendent que sur riz, introduire des espaces chiendent entre les parcelles de riz).
L’analyse de la structure des populations naturelles de ravageurs est un jalon vers la possibilité de modéliser l’évolution des populations suite à des invasions lors de changement climatique ou lors des échanges humains.

revues à comité de lecture
1. P. Dumas, F. Legeai, E. Scaon, C. Lemaitre, K. Labadie, S. Gimenez, A.-L. Clamens, P. Fournier, G.J. Kergoat, and E. d’Alençon. 2014. Spodoptera frugiperda host plant variants: two strains or two distinct species? Soumis à BMC Genetics.
2. P. Dumas, J. Barbut, B.P. Le Ru, J.F. Sylvain, A.L. Clamens, E. d’Alençon, GJ. Kergoat. 2014. Molecular species delimitations unravel potential new species in the pest genus Spodoptera (Lepidoptera, Noctuidae). A soumettre à Mol. Phyl. Evol.
Communications à des conférences internationales
1. P. Dumas, G. J. Kergoat, F. Legeai, C. Lemaitre, A. Breteaudau, E. Scaon, A.L. Clamens, S. Gimenez, M. Orsucci, N. Nègre, E. d’Alençon. Questioning the status of the two FAW (Spodoptera frugiperda, Noctuidae) host races using integrative approaches.The Seventh International Symposium on Molecular Insect Science. Amsterdam. Juillet 2014.
2. E. d’Alençon et al. Conférencière invitée au colloque « the International Meeting on Spodoptera litura genome project » à Chongqing, Chine, Janvier 6-7 2014.
3. P. Dumas, G. J. Kergoat, A.L. Clamens, S. Gimenez, E. d’Alençon. Questioning the status of the two FAW (Spodoptera frugiperda, Noctuidae) host races using integrative approaches.
Congress of the European Society for Evolutionary Biology, Lisbonne, 19-24 Août 2013.
1. P. Dumas, G. J. Kergoat, A.L. Clamens, S. Gimenez, E. d’Alençon. Questioning the status of the two FAW (Spodoptera frugiperda, Noctuidae) host races using integrative approaches. Congrès de Biologie de l’Insecte. Montpellier. Octobre 2013.
2. P. Dumas, G. J. Kergoat, A.L. Clamens, S. Gimenez, E. d’Alençon. Questioning the status of the two FAW (Spodoptera frugiperda, Noctuidae) host races using integrative approaches. Colloque réseau ADALEP. Paris. Février 2014.
3. N. Nègre Genetic and epigenetic variations associated to host plant specialization of Spodoptera frugiperda (Fall Army Worm) - Congrès de Biologie de l’Insecte, Montpellier, Octobre 2013.

Alors qu’une crise alimentaire mondiale menace, 20% des récoltes mondiales sont dévorées par les insectes. Une meilleure connaissance des génomes des insectes ravageurs des cultures, ainsi que de la capacité de ces insectes à s’adapter à de nouvelles plantes hôtes et à se diversifier pourrait permettre l’élaboration de nouvelles méthodes de protection des plantes. Notre modèle d’étude, le lépidoptère Spodoptera frugiperda, ou « Légionnaire d’Automne », est un ravageur des cultures. Il existe sous la forme de deux races d’hôte, l’une préférentiellement associée au maïs, l’autre au riz. Les deux races sont indiscernables morphologiquement mais diffèrent par la composition de leur cocktail phéromonal et par un certain niveau d’incompatibilité génétique.
Le premier but du projet est de décrire toutes les sources de variation génétique entre les deux races, en comparant d’une part le génome d’individus des deux races maintenues en élevage, mais aussi en mesurant le taux de divergence génétique et le flux de gènes entre des individus collectés sur différentes plantes hôtes dans des populations naturelles. Notre second but est d’identifier les gènes impliqués dans l’adaptation à la plante hôte et leur régulation et de déterminer si la plante hôte a un rôle dans la spéciation.
Nous disposerons dès le début du projet de l’assemblage des génomes des deux races et d’une annotation automatique (fournis par le Génoscope), ainsi que de données transcriptomiques et d’une carte génétique basée sur 300 marqueurs microsatellites.
Le projet comportera :
-L’annotation structurale complète des deux génomes des races en élevage, qui décrira les gènes orthologues mais aussi les mutations (SNP, rearrangements, insertions d’ET) qui contribuent à l’hétérogénéité entre les deux génomes. Les gènes candidats soumis à sélection divergente ou directement soumis à une sélection positive seront listés.
- L’annotation fonctionnelle des deux génomes fera appel à la comparaison des transcriptomes (ARNm et petits ARNnc) des deux races sur deux plantes hôte au stade larvaire et adulte. Les gènes différentiellement exprimés seront identifiés, et nous rechercherons leurs régulateurs épigénétiques (modifications d’histones et ARNnc) à partir des mêmes échantillons. Ces analyses s’appuieront sur l’intégration informatique des données.
- 50 gènes parmi les gènes divergents ou différentiellement exprimés entre races seront étudiés plus avant. Nous choisirons des gènes appartenant à des familles susceptibles d’être impliquées dans l’adaptation à la plante. Nous vérifierons dans des individus sauvages si ces gènes sont bien différentiellement exprimés en fonction de la plante hôte, ou si les allèles divergents identifiés sont bien sur-représentés dans les champs sur les plantes hôtes attendues. Nous suivrons aussi leur niveau d’expression et leur séquence dans des individus d’élevage soumis à 12 cycles successifs de sélection par la plante hôte pour voir s’ils évoluent.
-Enfin, nous mesurerons la divergence génétique liée à la plante hôte et le flux de gènes entre individus sur différentes plantes hôtes à une petite échelle géographique. Nous conduirons une analyse phylogéographique en vue de décrire la structure des populations naturelles et de mesurer la divergence entre les races sur une plus grande région.
Le projet réunit quatre partenaires. DGIMI est coordinateur du projet et expert en génomique, transcriptomique et épigénomique des insectes. L’URGI est expert dans la détection des éléments transposables (ET) de novo dans les génomes et dans leur classification. L’équipe Symbiose de l’INRIA est spécialiste du traitement bioinformatique des génomes d’insectes, tandis que le CBGP est expert en génétique des populations et en phylogéographie. Aucun des partenaires n’aurait pu entreprendre seul un tel projet, et les compétences complémentaires en génomique, génétique, évolution et bio-informatique vont constituer un atout majeur de cet effort scientifique novateur conjoint.

Coordination du projet

Emmanuelle d'Alençon (Diversité, Génomes et Interactions micro-organismes insectes) – alencon@supagro.inra.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

DGIMI Diversité, Génomes et Interactions micro-organismes insectes
UMR1062 Centre de Biologie et Génétique des Populations
URGI Unité de Recherche Génomique Info
INRIA Rennes - Bretagne Atlantique INRIA, centre de recherche de Rennes - Bretagne Atlantique

Aide de l'ANR 409 007 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2012 - 36 Mois

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