Blanc SIMI 8 - Sciences de l'information, de la matière et de l'ingénierie : Chimie du solide, colloïdes, physicochimie

EXploration de la Chimie de At(III) en solution. Vers de nouvelles voies de marquage pour la médecine nucléaire? – EXCAT3

Une nouvelle voie pour le traitement des cancers, la thérapie alpha ciblée avec l’astate-211

Extrait de l'article du Dr. Scott Wilbur paru dans Nature Chemistry (2013): «In the quest to produce targeted therapeutics for treatment, many of the basics chemical studies with 211At have been unfortunately set aside.[...] It is apparent that we need to gain a better understanding of its basic chemical and radiochemical properties.«

Pourquoi une recherche de base ?

Le principe de la thérapie alpha ciblée est de vectoriser l’isotope radioactif vers la tumeur et de la détruire via l’émission des particules émises lors de la désintégration du noyau radioactif. L’isotope radioactif 211 de l’astate est potentiellement intéressant en raison de ses propriétés physiques favorables (période, particules émises). Deux tests cliniques concluants ont été réalisés aux USA et en Suède. At-211 fait également l’objet d’un vaste programme de recherche sur le site nantais. Il s’organise autour du cyclotron Arronax et du Centre de Recherche en Cancérologie Nantes Angers (qui fait l’interface avec le service de médecine nucléaire du CHU). Une étude clinique est prévue à moyen terme pour le traitement des cancers métastatiques de la prostate. Il s’agirait de la première étude clinique de thérapie alpha ciblée en France. La fixation de At-211 sur les biomolécules vectrices reste cependant un défi et un sujet d’étude complexe, l’astate étant un radioélément dont le comportement en solution est peu connu (comment et avec quoi réagit-il ? quelles sont alors les espèces formées ?). Notre approche est d’explorer la chimie de base de l’astate en solution pour in fine contribuer au développement de protocoles de marquage efficaces.

L’astate est un élément qui ne présente que des isotopes radioactifs de temps de demi-vie court (le temps au bout duquel la moitié des atomes initialement présents se sont désintégrés). Ceci implique que l’astate ne peut être obtenu à l’échelle pondérable. Il est nécessaire de le produire via du bismuth-209 avec un faisceau de particules alpha fourni par un cyclotron. Dans le cadre du projet, At-211 est produit au cyclotron Arronax qui doit fournir, en moyenne, une cible d’astate toutes les deux semaines. Sa courte période (7,2h) ne permet d’étudier les solutions d’astate que pendant deux jours. De plus, on travaille avec un radioisotope « invisible », car aucune technique spectroscopique n’est applicable pour caractériser les espèces formées du fait des faibles quantités manipulées (10-12 à 10-15 mol/L). Ceci explique le manque de données sur cet élément. Une partie clé du projet porte donc sur la mise en place et la validation d’outils adaptés pour étudier le comportement de l’astate en solution. L’originalité est de développer une double approche qui combine études expérimentales, permettant d’observer son comportement à l’échelle macroscopique, et études théoriques, qui fournissent des informations à l’échelle moléculaire.

La méthode de production de l’astate-211 à Arronax est en place mais reste à améliorer afin d’obtenir des activités suffisantes pour les tests cliniques. Plusieurs outils ont été testés/développés afin d’étudier la réactivité de At. Une méthode permettant de « visualiser » la nature des liaisons a notamment été développée et adaptée à l’étude d’élément lourd comme l’astate. Ces outils ont été utilisés pour comprendre la réactivité de l’espèce AtO+. Des résultats surprenants ont été mis en évidence; ils indiquent la formation de liaisons covalentes relativement fortes entre AtO+ et des hétéroatomes tels que S alors que des liaisons de type « coordination » étaient attendues. Ces outils ont également été utilisés pour répondre à des questions soulevées par d’expériences in-vivo réalisés sur des souris, à savoir le rôle de la force de la liaison chimique At-X quant à la stabilité in-vivo ainsi que l’intérêt des cages de bore pour le radiomarquage. Ce projet est aujourd’hui intégré dans le cadre du labex IRON porté par la responsable du service de médecine nucléaire de l’hôpital de Nantes et se poursuit avec pour objectif d’utiliser les données de la recherche fondamentale afin de proposer des molécules innovantes pour le radiomarquage.

Le projet « astate », soutenu par deux financements ANR (ANR RM-ASTATE211, 2007-2009 – ANR EXCAT3, 2010-2014) s’inscrit aujourd’hui dans la durée avec un soutien affiché de l’IN2P3 (nouvel axe « radioisotopes innovants pour la médecine» affiché dans le GDR MI2B, création d’un poste CR2 en 2013 à Subatech pour renforcer l’approche par modélisation moléculaire), de la région Pays de la Loire (un thème prioritaire « médecine nucléaire et rayonnement ionisants » affiché), et des investissements d’avenir (Labex IRON et Equipex ArronaxPlus).

En résumé:
1/ projet ANR JCJC RM-ASTATE211 (2007-2009) : travail sur le diagramme de Pourbaix de l’astate et mise en évidence de l’espèce AtO+, avec un premier développement qui lie la modélisation moléculaire et le travail expérimental
2/ projet ANR BLANC EXCAT3 (2010-2014) : élargissement du consortium (PhLAM, LCT), production de At-211 à Arronax, poursuite du développement d’outils, étude de la réactivité de l’espèce AtO+ et premiers liens avec la question du radiomarquage. Le projet aura été freiné par les problèmes de production de At-211 à Arronax mais aura pu bénéficier d’un travail conséquent en modélisation moléculaire.
3/ 2015 correspond à une année de « transition » à deux niveaux. Il s’agit tout d’abord de finaliser le travail expérimental proposé dans le cadre de l’ANR EXCAT3 (cinq articles prévus). 2015 sera également une année stratégique avec la proposition d’un projet émergeant dans le cadre du Labex IRON et en collaboration avec le GIP CYCERON (Caen) : développer des molécules innovantes à base de bore pour le marquage de At-211 et F-18. Ce travail, qui pourra bénéficier de tous les outils développés jusqu’à maintenant, est intimement lié au développement de la thérapie alpha ciblée à Nantes.
4/ Cette année de transition nous permettra de nous positionner sur de futurs projets, avec comme objectif de combiner à la fois recherche de base et recherche finalisée.

Il s’agit avant tout d’un projet à caractère fondamental, le but étant d’explorer la réactivité de l’astate. Ce travail est donc essentiellement valorisé en termes de communications scientifiques. Le projet fait l’objet de 9 publications dans des revues internationales, 15 communications (dont quatre invitées) dans des conférences internationales et enfin de 8 communications dans des colloques nationaux.

Ce projet concerne l’utilisation des isotopes radioactifs émetteurs de particules alpha en oncologie. Le principe est de vectoriser le radio-isotope vers la tumeur et de la détruire via l’émission des particules émises lors de la désintégration du noyau radioactif. Le principe de la Thérapie Alpha Ciblée (TAC) est particulièrement intéressante pour la destruction de petites cellules tumorales ou de métastases et apparaît comme une ultime voie de traitement lorsque les cellules cancéreuses ne réagissent plus ni à la chimiothérapie ni à la radiothérapie. L’efficacité et la sûreté de la TAC ont été montrées au travers d’un large nombre d’études pré-cliniques et la TAC a été transférée avec succès à des essais cliniques, et plus particulièrement avec le Bi-213.
L’isotope radioactif 211 de l’astate est également potentiellement intéressant en raison de ses propriétés physiques favorables (période, particules émises). Deux tests cliniques concluants ont été réalisés aux USA et en Suède. At-211 fait également l’objet d’un vaste programme de recherche sur le site Nantais. Il s’organise autour du cyclotron ARRONAX (qui va produire At-211 en 2010) et du Centre de Recherches en Cancérologie Nantes Angers (qui fait l’interface avec le service de médecine nucléaire du CHU) et s’intègre notamment dans les actions du Cancéropôle du Grand Ouest. Une étude clinique est prévue à moyen terme pour le traitement des cancers métastatiques de la prostate dans le cadre du projet Alpharit financé par Oseo. Il s’agira de la première étude clinique de TAC en France.
La fixation de At-211 sur les bio-molécules vecteurs reste cependant un défi et un sujet d’étude complexe. L’astate est un élément « rare » qui ne présente que des isotopes radioactifs de courte durée qui doivent être produits par réaction nucléaire dans des gros équipements, comme les cyclotrons pour At-211. Il est également « invisible » car aucune technique spectroscopique n’est applicable pour caractériser les espèces formées du fait des faibles quantités manipulées (10-12 à 10-15 mol/L). Pour ces deux raisons, l’astate est un élément dont le comportement en solution est peu connu.
Par analogie avec ce qui est fait avec les autres halogènes (I, F), la voie la plus couramment utilisée est celle qui conduit à la formation d’une liaison covalente C-At avec le vecteur. Son utilisation reste limitée lorsque le médicament est injecté par voie systémique du fait de la faible stabilité in vivo de la liaison C-At. D’autres voies de marquage doivent être développées.
Une équipe de chercheurs polonais ont proposé un mode de fixation avec At- basé sur la haute stabilité in vivo du complexe trans-[RhCl2(cis/trans-16S4-diol)]+. Des complexes de type AtMCl+ sont formés (M=Rh(III) ou Ir(III)) et sont ensuite complexés avec un ligand. Il s’agit d’une voie prometteuse qu’il reste à optimiser et valider. D’autres voies de marquage ont également été abordées. On peut ainsi citer des essais de complexation d’une forme de l’astate avec le DTPA, un ligand utilisé en médecine nucléaire avec Bi-213. Dans ce dernier cas, c’est le caractère métallique de l’astate qui est « utilisé », c’est-à-dire qu’une forme cationique de l’astate est préparée et une liaison de type « coordination » est crée. L’exploration de ce caractère métallique de l’astate est au centre de notre projet.
Dans une récente étude, nous avons pu mettre en évidence le caractère métallique de At et révéler la présence de deux espèces stable en solution aqueuse, At+ et AtO+. Le but du projet est d’explorer la réactivité de l’espèce AtO+ en présence de ligands (avec quel atomes interagit-il ? quelle type de liaison est alors formé) pour envisager la synthèse de molécules potentiellement utilisables en médecine nucléaire. Ceci devrait permettre d’envisager une nouvelle voie de marquage différente de celle utilisée/en cours de développement qui utilise le caractère « halogène » de At.

Coordination du projet

Gilles MONTAVON (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE BRETAGNE ET PAYS- DE-LA-LOIRE) – montavon@subatech.in2p3.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ARRONAX GIP ACCELERATEUR POUR LA RECHERCHE EN RADIOCHIMIE ET ONCOLOGIE NANTES ATLANTIQUE (ARRONAX)
CEISAM UNIVERSITE DE NANTES
IPHC CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ALSACE
SUBATECH CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE BRETAGNE ET PAYS- DE-LA-LOIRE

Aide de l'ANR 610 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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