DS0802 -

Vivre en hauteur dans la ville intégrative – HIGHRISE

High-Rise, Projet ANR-16-CE41-0010-01

Vivre ensemble en hauteur dans la métropole mondialisée

Face à la verticalisation résidentielle de métropoles insérées dans la mondialisation, comment préserver le vivre-ensemble ?

Le projet High-Rise souhaitait au départ analyser la capacité qui subsistait pour produire une ville inclusive dans le contexte d’accélération de la verticalisation des métropoles actuelles. La plupart des nouveaux programmes verticaux sont en effet résidentiels, avec d’importantes conséquences sur la vie quotidienne des urbains. <br />Toutefois, au fur et à mesure du projet, la notion d’inclusion est apparue comme peu adaptée aux résultats auxquels l’équipe parvenait. Nos recherches ont donc mis l’accent sur deux dynamiques corrélées. La première porte sur les rapports complexes à la financiarisation de l’immobilier, révélateurs de différences dans les types de négociations locales-globales dans la fabrication de la ville néo-libérale. La seconde, la plus développée dans notre recherche, porte sur l’intégration de la verticalisation résidentielle dans des processus de différenciation socio-spatiaux de toutes les villes que l’on a étudiées. On les nomme généralement gentrification en liaison avec des processus de renouvellement urbain – dans les centres au Brésil comme dans les péricentres en Europe – souvent liés à des processus de densification (centrales, péricentrales ou périphériques comme en Australie). <br />A partir d’un cadre d’analyse théorique transdisciplinaire (architecture, géographie, sociologie, anthropologie), nous interrogeons finalement de façon critique l’inclusion de la production urbaine contemporaine, par le biais des tours résidentielles. Le projet s’ancre dans des études de cas dont la réinjection dans les discussions théoriques doit aider à approfondir et ancrer les notions de “vivre ensemble dans la ville contemporaine” et à caractériser le « vivre en hauteur ». C’est particulièrement par l’analyse des pratiques et usages contemporains du vivre en hauteur que nous avons procédé.<br />Les résultats du projet doivent contribuer à la discussion sur la construction et la vie dans la métropole contemporaine soumise aux pressions de la mondialisation et de la verticalisation, par des communications scientifiques, des actions en faveur de la culture scientifique et technique, la contribution aux programmes universitaires et des recommandations aux urbanistes des deux villes.

Le projet s’ancre dans des études de cas, révélatrices de différents types de négociation locales-globales dans la fabrique de la ville. Lyon et Sao Paulo, lieux d’exercice des partenaires du projet (USP et Université Lyon2), sont les fondements de l’étude, avec Londres comme cas référence (nous nous appuyons sur les conclusions de l’ANR Skyline, dont les travaux ont été prolongés pour cette ANR). Pour des raisons politiques, la collaboration avec les Agences d’urbanisme des deux villes prévue au départ n’a pas permis de les associer aussi largement à la recherche qu’espéré, seule celle de Lyon ayant vraiment collaboré au projet. Pour élargir les expériences, des éclairages ont été apportés sur des villes d’autres pays, Melbourne, Dallas, Brasov, Oran et Saigon. Il ne s’agissait pas de procéder à une comparaison, mais plutôt à montrer comment d’autres configuration socio-politiques et culturelles généraient des modalités spécifiques du vivre en hauteur et des rapport différents avec la ville, et l’influence de leur insertion, à des degrés divers, à la mondialisation.
Le projet étant pluridisciplinaire, de nombreuses méthodes ont été mobilisées. La première a été l’analyse spatiale, à partir du site de recensement des tours mondiales Emporis, des bases de données brésiliennes et pour élaborer un état des lieux, une évolution et des premiers éléments d’analyse du retour des tours résidentielles dans les villes européennes, de leur essor continu au Brésil et de leur apparition dans d’autres pays (États-Unis, Australie, Roumanie). Le principal problème étant l’incomplétude des bases, un travail manuel de vérification par des membres du projet a été mené. La volonté d’utiliser des indicateurs communs s’est en revanche heurtée à l’incompatibilité des données disponible, ce qui ne permet pas de comparaison directe, les cas étudiés étant trop différents (ce qui constitue d’ailleurs un résultat de la recherche). La principale méthode du côté français (qu’il s’agisse du cas de Lyon ou celui des autres villes analysées) a été la méthode ethnographique, pour caractériser les contours du « vivre en hauteur » et les relations des habitants de ces tours avec leur environnement (autres habitants, gestionnaires de la tour, reste de la ville). Elle a principalement consisté en des entretiens approfondis, des parcours accompagnés, des campagnes de photographie du côté français et des observations longues du côté brésilien. Des méthodes complémentaires ont été mises en œuvre du côté brésilien, analyses financières, étude narratives et cartographiques des quartiers de tours.

Le projet a montré le dépassement de la scission production/réception des tours : la verticalisation résidentielle est un système dans lequel les modalités de production, qu’elles soient politiques ou techniques, sont intimement liées aux usages anticipés et rapportés, et à l’inverse, l’expérience du vivre en hauteur est une négociation entre des trajectoires personnelles et des conditions sociotechniques.
Au lieu de l’inclusion, se met en place ou se renforce une gentrification en hauteur, conséquence du capitalisme régulatoire et de municipalités entrepreneuriales qui créent les conditions favorisant le contrôle des promoteurs sur l’espace urbain et la captation de financements (Sao Paulo) tendant vers une marchandisation et financiarisation du logement (Londres tout particulièrement), même s’il ne faut pas en exagérer l’ampleur, l’ancrage local des promoteurs restant le plus souvent la règle. Surtout, les pratiques et usages contemporains du vivre en hauteur montrent les effets de la verticalisation au travers des tactiques et stratégies des résidents : expérience de l’ascenseur, rôle que joue la vue, effets de la relation entre le vertical et l’horizontal. La singularité de Sao Paulo a été analysée, où la verticalisation est ancienne et presque ordinaire, d’abord exclusive et maintenant élargie aux classes moyennes ; de nouvelles formes de verticalisation apparaissent dans de nouveaux lieux (le centre), axées sur des petits appartements destinés à de jeunes cadres et non plus de vastes appartements familiaux. Dans d’autres villes (Melbourne et Dallas), la verticalisation touche aussi des périphéries en voie de densification, non sans résistances. La France, vue particulièrement par Lyon, montre une verticalisation encore balbutiante (une centaine de constructions achevées ou en projet) qui reprend en partie les rares tentatives des années 1970 d’offrir des « tours de standing » aux centres des villes, jamais étudiées auparavant. Nul modèle mondialisé donc, mais des hybridations, adaptations locales et des échelles de la verticalisation résidentielle radicalement différentes. En termes de design urbain, il met l'accent sur la base de la tour comme espace public ou privé, interface entre la ville et la copropriété, espace négocié voire approprié par les individus ou les promoteurs.
Le projet permet finalement d'illustrer de nouvelles manières de produire de l'inégalité par la verticalisation résidentielle. Il apporte une nouvelle dimension dans la répartition spatiale des populations (le vertical par rapport à l'horizontal) et réinterroge les processus de ségrégation, fragmentation voire sécession au sein de la ville.

L'une des approches essentielles du projet analyse les différences entre pays du «Nord« et pays du «Sud«, où les processus de verticalisation résidentielle sont plus anciens et d'échelle bien plus large. Les cas d’études des « Suds » (São Paulo, Hanoi, Oran) nous ont permis de proposer le regard désoccidentalisé que nous souhaitions adopter (Robinson, 2006). Ce regard peut être approfondi grâce aux collaborations commencées lors du projet avec l'Argentine et l'Algérie, en miroir de celles engagées avec l'Australie.
Une autre façon de valoriser ces recherches est de continuer à les discuter avec les praticiens (qu'il s'agisse des agences d'urbanisme -celle de Lyon a activement participé au projet-, des architectes ou des promoteurs) au travers par exemple d'ateliers dans le cadre de grands projets urbains ou dans le montage et le fonctionnement de chaires partenariales.

Les productions du projet sont de trois ordres. Tout d’abord, celles qui ont été portées et contrôlées par les porteurs du projet. Il s’agit avant tout du site internet du projet, réalisé en 2020-2021 (highriseproject.net) dont nous avons conçu à la fois l’architecture et le contenu. Les membres du projet ont souhaité privilégier ce mode de restitution de leurs travaux, qui permet de multiplier les types de narration, d’utiliser des images, y compris animées et de rendre compte de la pluralité des approches reflet de la pluridisciplinarité de l’équipe de recherche tout en conservant la rigueur scientifique indispensable. Un site permet aussi une diffusion plus large que les revues scientifiques et l’interactivité de la navigation offre des parcours de lecture à différents niveaux, des renvois à des textes parallèles et à des définitions. L’anglais et la langue du site, pour des raisons de diffusion mais aussi parce que ce fut la langue des membres du projet.
Il s’agit ensuite des captations audio de la conférence de clôture du projet, qui eut lieu en visioconférence en avril 2021 (accès par le site ou directement par youtube). L’utilisation de youtube permet elle aussi une diffusion plus large.
Nous n’en avons pas pour autant refusé les modes plus classiques comme la participation à des colloques et journées d’étude ou la publication dans des revues à comité de lecture (cf. listes infra). Pour maintenir l’unité du projet, nous avons toutefois préféré que l’essentiel de la production scientifique prenne la forme d’un ouvrage rassemblant les contributions des membres du projet. Cet ouvrage est actuellement en préparation : il comporte déjà les auteurs, titres et résumés des chapitres et nous recherchons un éditeur.
Le troisième ordre de production est celui des travaux d’étudiants directement ou indirectement liés au projet
Les travaux réalisés que nous avons tirés de ce projet sont utiles pour les politiques publiques et l'urbanisme règlementaire par la meilleure connaissance des processus de verticalisation résidentielle et de leur impact sur l'évolution de la population, son rapport à la ville, et souvent aussi sur la ségrégation ou la fragmentation urbaine.

Quelle capacité subsiste-t-il pour produire une ville inclusive dans le contexte d’accélération de la verticalisation des métropoles actuelles ? A première vue, promouvoir une ville plus dense accueillerait la croissance, offrirait des logements en limitant l’étalement urbain. C’est la justification de la densification dans de nombreuses villes. Mais, dans un contexte où capitalisme régulatoire et municipalités entrepreneuriales participent à la création des conditions favorisant le contrôle des promoteurs sur l’espace urbain, la verticalisation est à réinterroger, particulièrement la verticalisation résidentielle. Si l’on a étudié récemment les tours de bureau, la plupart des programmes verticaux sont résidentiels, avec d’importantes conséquences sur la vie quotidienne des urbains. Si la verticalisation n’est pas neuve, elle a lieu aujourd’hui dans un contexte différent de celui d’après 1945, quand la Charte d’Athènes et le modernisme dominaient l’urbanisme. Aujourd’hui, les tours résidentielles sont plus que des solutions architecturales ; tout comme les tours de bureau, ce sont des marchandises dans un marché global où les flux de capitaux sont fixés par promoteurs et municipalités. En étudiant la fabrique et l’expérience des tours résidentielles, nous évaluons la transformation contemporaine des villes et en testons le degré d’inclusion. Pour bâtir un cadre d’analyse théorique transdisciplinaire (architecture, géographie, sociologie, anthropologie), nous interrogeons de façon critique l’inclusion de la production urbaine contemporaine, par le biais des tours résidentielles, à Lyon et Sao Paulo. L’inclusion (selon l’ONU : économique ; sociale ; politique ; culturelle et symbolique) est notre cadre de référence, comme état et processus ; il résulte de et conditionne un environnement urbain égalitaire/équitable. Il est dans la fabrique, l’expérience et l’imaginaire de la ville.
Inséré dans ce cadre théorique, le projet s’ancre dans des études de cas, révélatrices de différents types de négociation locales-globales dans la fabrique de la ville. Par souci d’efficacité et par leur histoire particulière du « vivre en hauteur », Lyon et Sao Paulo, lieux d’exercice des partenaires du projet (USP et Université Lyon2, avec la collaboration de praticiens tels que les Agences d’urbanisme des deux villes), sont les fondements de l’étude. Le projet est ainsi tant international que très ancré localement.
Le projet est divisé en deux séries de tâches, avec des méthodes jamais (ou trop peu) appliquées à l’étude des tours résidentielles: histoires orales, entretiens, récits de vie et cartes mentales, observation longue et documentaires.
Trois tâches transversales: coordination du projet, 2 ateliers universitaires-praticiens, et 3 ateliers théoriques sur les concepts de la recherche, pour construire un cadre transdisciplinaire d’analyse, enfin organiser la conférence de clôture du projet. Réinjecter les études de cas dans les discussions théoriques doit aider à approfondir et ancrer l’analyse de l’inclusion autour des notions de démocratie, accessibilité, et “vivre ensemble dans la ville contemporaine”. Après une contextualisation spatio-temporelle des deux villes (1), les 4 tâches sont organisées selon les deux façons d’aborder l’inclusion: dans la fabrique de la tour résidentielle (2), puis dans la façon dont les acteurs les évaluent et construisent leurs discours et stratégies dans le temps (3). Ensuite, au-delà des représentations des tours résidentielles, nous interrogeons les pratiques et usages contemporains du vivre en hauteur (4).
Les résultats du projet HIGH-RISE contribueront à la discussion sur la construction et la vie dans la métropole contemporaine soumise aux pressions de la mondialisation et de la verticalisation, par: des communications scientifiques, des actions en faveur de la culture scientifique et technique, la contribution aux programmes universitaires et des recommandations aux urbanistes des deux villes.

Coordination du projet

Christian MONTES (UMR5600 Environnement-Ville-Société)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LEAUC (USP) LEAUC - Laboratorio de Estudios do Ambiente Urbano Contemporaneo, Instituto de Architectura e Urbanisme de Sao Carlos-Universidade de Sao Paulo
EVS UMR5600 Environnement-Ville-Société

Aide de l'ANR 193 507 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2016 - 36 Mois

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