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Impact potentiel des stéréotypes du vieillissement sur l’évaluation des déficits mnésiques et le repérage de l’état prodromal de la maladie d’Alzheimer – AGING

Impact potentiel des stéréotypes du vieillissement sur l’évaluation des déficits mnésiques et le repérage de l’état prodromal de la maladie d’Alzheimer

Ce projet teste l’hypothèse selon laquelle les stéréotypes négatifs du vieillissement infiltrent implicitement les conditions de passation des tests neuropsychologiques utilisés dans le cadre clinique, aggravant l’expression des déficits mnésiques et pouvant ainsi conduire à des faux-positifs lors du diagnostic de l'état prodromal de la Maladie d'Alzheimer (MA).

Tester quand et comment l'effet de menace du stéréotype peut biaiser les tests neuropsychologiques utilisés pour le diagnostic de l'état prodromal de la MA, et comment réduire ce biais.

Notre projet ANR s'appuie sur plusieurs recherches dans le domaine de la cognition sociale démontrant que les situations de test considérées comme «standard» suffisent à activer des stéréotypes sociaux, avec des conséquences négatives sur les performances cognitives. Dans le présent projet, nous supposons que les conditions standard de passation des tests neuropsychologiques sont menaçantes pour le soi et donc préjudiciables aux performances neuropsychologiques, non seulement en raison de la nature même des tests susceptibles de révéler des déficits cognitifs, mais également en raison des stéréotypes négatifs du vieillissement qu’elles activent implicitement. Ces stéréotypes conduisent à des attentes généralisées concernant les déficits cognitifs chez les personnes âgées, lesquelles sont alors amenées à penser qu'elles sont susceptibles de présenter ces déficits même lorsque ce n'est pas le cas. Si notre hypothèse est correcte, les performances à des tests neuropsychologiques identiques devraient être inférieures et associées à un stress physiologique plus élevé que dans des conditions de passation où les instructions suppriment la menace du stéréotype, révélant ainsi des instructions plus efficaces pour détecter les véritables déficits de mémoire. Cela aiderait à minimiser le nombre de faux positifs dans les MCI. Pour les personnes âgées sensibles aux effets de menace du stéréotype et pouvant ainsi être assimilées à un MCI en raison d'une sous-performance aux tests neuropsychologiques, une étape critique consistera à vérifier si elles présentent ou non des signes de neurodégénérescence, grâce à l'utilisation de biomarqueurs et d'un suivi à 9 mois. Un autre objectif est d'examiner si les effets de menace du stéréotype entraînent des changements dans les zones cérébrales activées et la connectivité fonctionnelle lors du codage et de la récupération en mémoire épisodique chez les personnes âgées en bonne santé et les patients atteints de MCI.

Nos hypothèses seront testées au moyen d’études expérimentales réparties en trois tâches.
-La tâche n°1 examinera, dans le cadre clinique, si les personnes âgées à risque qui se présentent à l'hôpital pour une première évaluation cognitive (N = 250) obtiennent de meilleurs résultats aux tests neuropsychologiques (identiques pour tous les patients) en condition de menace du stéréotype réduite par rapport aux conditions standard de passation des tests (menaçantes pour le soi). Il sera aussi examiné si ces différences de performances sont exacerbées par certains facteurs de vulnérabilité. Les effets seront mesurés sur les performances cognitives et le stress physiologique (variabilité de la fréquence cardiaque, biomarqueurs salivaires du stress). Des biomarqueurs de la neurodégénérescence (atrophie de l'hippocampe, peptide ß-amyloïde, Tau et Phospho-Tau) seront utilisés pour confirmer le diagnostic chez 60 des patients identifiés MCI après les tests neuropsychologiques.
-La tâche n°2 reproduira la tâche 1 en laboratoire (à l'exception des biomarqueurs de la neurodégénérescence) afin de déterminer l'ampleur de l'effet de menace du stéréotype sur le surdiagnostic MCI, en dehors de l'effet potentiel du stress spécifique associé au cadre hospitalier. Cela impliquera 120 personnes âgées à risque en raison de problèmes de mémoire subjective.
-La tâche n°3 reposera sur un protocole expérimental en IRM fonctionnelle pour examiner si les effets de la menace du stéréotype entraînent des modifications de la connectivité fonctionnelle et des activations cérébrales lors du codage et de la récupération en mémoire épisodique chez 20 adultes âgés en bonne santé et 20 patients MCI.

En cours

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En raison de l’allongement de la durée de la vie dans de nombreuses régions du monde, de plus en plus d’individus sont concernés par les effets du vieillissement sur leurs facultés mentales (e.g., déclin de la mémoire) et le risque de développer la maladie d'Alzheimer (MA) ou autres démences. Une telle préoccupation se traduit déjà par une demande accrue de dépistage neuropsychologique. La recherche sur la MA souligne également la nécessité d'un dépistage précoce pour améliorer la prédiction de la progression de la MA et l'efficacité des thérapies futures. Tout ceci soulève la question délicate de l'identification des stades précliniques et cliniques précoces de la MA. La déficience cognitive légère (MCI), considérée comme l'état prodromal de la MA, est donc au cœur de la question du dépistage précoce. En outre, l’état pré-MCI aussi appelé SCI (déficience cognitive subjective) peut précéder la MA de 15 ans. Or, de nombreuses personnes identifiées MCI n’évoluent pas vers Alzheimer, certaines restent stables et d’autres reviennent à la normale (les taux de réversion à la normale pouvant aller de 4,5% à 53%). Ce biais de sur-diagnostic, largement négligé, est au cœur de notre projet à l'interface des sciences humaines et sociales et des sciences de la vie. Nous soutenons qu’une cause importante du sur-diagnostic de l’état prodromal de la MA est l’intervention de stéréotypes négatifs du vieillissement (e.g., les croyances culturelles partagées que le vieillissement entraîne inévitablement un grave déclin cognitif et des maladies telles que la MA). Il existe de nombreuses preuves expérimentales que ces stéréotypes contribuent aux différences classiquement observées dans la population saine entre les adultes jeunes et âgés dans des tâches de mémoire explicite. Trois études pilotes (de laboratoire) réalisées pour le présent projet ANR (Psychol Science, 2012 ; Exp Psychol, 2015 ; J. of Gerontology: Psychol Sciences, en révision) ont montré que chez des personnes âgées saines, la crainte de confirmer les stéréotypes en question détériore l’utilisation contrôlée de la mémoire et intensifient simultanément des automatismes cognitifs inopportuns, avec pour conséquence un affaiblissement des performances mnésiques. Notre projet prolonge l’étude de ces phénomènes pour la première fois dans le cadre de l’examen neuropsychologique clinique, dont nous faisons l’hypothèse qu’il active implicitement les stéréotypes liés au vieillissement cognitif, aggravant l’expression des déficits mnésiques et pouvant ainsi conduire à des faux-positifs. Nous testons cette hypothèse tout en utilisant des biomarqueurs de la neurodégénérescence pour distinguer les vrais des faux MCI, des biomarqueurs du stress pour examiner si les stéréotypes induisent un stress accru lors des tests neuropsychologiques, et en examinant les mécanismes cérébraux sous-jacents à ces effets. Ce projet ambitieux et interdisciplinaire (psychologie sociale et cognitive, neuropsychologie, neurosciences intégratives, médecine gériatrique) implique des chercheurs de 6 unités de recherche associées à 5 universités françaises (Aix-Marseille, Caen, Clermont-Fd, Poitiers, Paris Descartes), 2 organismes de recherche majeurs (CNRS, INSERM), des neurologues et neuropsychologues de 4 hôpitaux publics. Les implications théoriques et pratiques de ce projet sont réelles, notamment pour améliorer les conditions d’examen neuropsychologique au bénéfice de personnes qui sinon pourraient être classées, à tort, comme MCI. Sans nier la réalité du vieillissement cognitif et des maladies neurodégénératives telles que MCI ou MA, notre proposition suggère d’accorder une attention particulière à l'intervention de facteurs psychosociaux totalement négligés dans la régulation des performances neuropsychologiques. Ce projet novateur est susceptible d’offrir de nouvelles recommandations pour améliorer l’exactitude du diagnostic précoce de la MA, avec des conséquences positives pour le bien-être des personnes âgées.

Coordination du projet

Isabelle REGNER (Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse_Laboratoire de Psychologie Cognitive)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS DR12_LPC Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse_Laboratoire de Psychologie Cognitive
CNRS DR8_CeRCA Centre National de la Recherche Scientifique délégation Centre Limousin Poitou-Charente_Le Centre de Recherches sur la Cognition et l'Apprentissage
MC2 LAB Laboratoire Memoire Cerveau et Cognition
CNRS DR12_LNIA Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse_Laboratoire de Neurosciences Intégratives et Adaptatives
CNRS DR7_LAPSCO Centre National de la Recherche Scientifique délégation Rhône Auvergne_Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive
INSERM Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
U1077 Inserm Délégation Régionale Nord-Ouest
AP-HM Service de Neurologie Comportementale

Aide de l'ANR 795 471 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2016 - 48 Mois

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