Un outil moteur pour l'apprentissage linguistique – MotorLanguageLearning

D'un point de vue méthodologique, dans le projet financé, nous combinons l'évaluation de l'apprentissage comportemental et de la plasticité fonctionnelle, avec une évaluation régulière des changements structurels du cerveau pendant l'apprentissage. D'un point de vue comportementale, les participants apprennent une nouvelle habileté motrice pendant une longue période (5 semaines). À plusieurs moments de l'apprentissage, nous acquérons régulièrement, pour chaque participant, des images cérébrales structurelles et fonctionnelles en IRM. Le but d'une telle évaluation en neuroimagerie, longitudinale et dense, est de quantifier les changements structurels dans le cerveau, déclenchés par l'entraînement sensorimoteur afin de pouvoir les exploiter en temps opportun pour améliorer un apprentissage linguistique. Dans un stade ultérieur, nous visons à utiliser tDCS (transcranial Direct Current Stimulation) afin de moduler la dynamique temporelle de la plasticité cérébrale induite par l'entraînement sensorimoteur, pour tester le rôle causal des changements structuraux du cerveau dans l'amélioration de l'apprentissage des langues.

Les ganglions de la base sont impliqué à la fois dans la planification d’action avec outil et dans la compréhension de phrases à la syntaxe complexe. Cela permet de faire l’hypothèse que la syntaxe soit une fonction cognitive supramodale, qui peut gérer sequences d’éléments indépendamment que ces sont des mots ou des éléments moteurs.

Un court entrainement avec un outil peut faciliter la compréhension de phrases à la syntaxe complexe. Cette amélioration ne peut pas être expliquée par une amélioration générale des fonction exécutives.

Ce projet poursuit la validation d'une stratégie innovante pour l'apprentissage des langues, basée sur les bénéfices potentiels dérivés d'un type particulier d'apprentissage sensorimoteur avec un outil. Les résultats mettront en lumière les mécanismes fondamentaux de la neuroplasticité, la capacité du cerveau à changer en réponse aux exigences de l'environnement, comme celles qui se produisent pendant l'apprentissage. Nous visons à produire des avancées significatives dans la compréhension des effets de «transfert« dans l'apprentissage au cours de la phase dynamique de la plasticité cérébrale. Nous testons directement l'hypothèse que les changements cérébraux induits par l'apprentissage de l'utilisation d'un outil affectent les fonctions cognitives reposant sur les mêmes territoires cérébraux. Les résultats de ce projet ont des conséquences importantes et des applications pour l'apprentissage tout au long de la vie. L'innovation proposée par mon programme de recherche a le potentiel d'améliorer l'apprentissage des langues chez les adultes, qui compte tenu du taux de migration des temps modernes (Castles & Miller 2003), sont de plus en plus confrontés à de nouveaux langues. De même, nos résultats peuvent soutenir les enfants d'âge scolaire présentant des difficultés linguistiques (estimés à 4% à 6% de la population), avec un impact potentiel sur leurs réussites scolaires. En cas de lésion cérébrale, le support moteur des processus linguistiques peut contribuer à la réhabilitation des fonctions langagières chez les patients dont le système moteur est relativement préservé. Autre conséquence non négligeable, est que les implications théoriques de ce projet vont au-delà du couplage moteur-langage et peuvent établir un nouveau paradigme «d'apprentissage incarne'» pour d'autres cas similaires d'effets de transfert dans l'apprentissage, par exemple du sensorimoteur au traitement des nombres.

Wenger E, Brozzoli C, Linderberger U, Lovden M. Expansion and Renormalization of Human Brain Structure During Skill Acquisition. Trends in Cognitive Science, 2017

Brozzoli, C., Roy, A.C., Lidborg, L.H., & Lövdén, M. (2019). Language as a tool: Motor proficiency using a tool predicts individual linguistic abilities. Frontiers in Psychology, 10, 1639.

Certaines théories évolutionnistes ont lié l’émergence du langage à celle plus ancienne de la dextérité manuelle. Au niveau ontogénétique, les mouvements de l’enfant sont un bon prédicteur de son développement linguistique. Stimulées par la théorie de la "cognition incarnée", des études ont témoigné du rôle fonctionnel des circuits sensorimoteurs non seulement dans la production de la parole mais surtout dans le traitement phonologique, sémantique et syntaxique. Parallèlement, des études sur la plasticité cérébrale chez l’individu adulte ont pu mettre en évidence des phénomènes de transfert entre fonctions cognitives si tant est que celles-ci partagent les mêmes ressources neuronales. Mon projet tirera profit de ces phénomènes de plasticité cérébrale pour faciliter l’apprentissage d’une langue grâce à un entrainement moteur manuel. Ce projet de recherche, résolument innovant permettra la définition de nouvelles stratégies éducatives pour soutenir l’apprentissage dans le domaine du langage.