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Identification moléculaire, minéralogique, morphologique et isotopique des micro- et macrofossiles aux échelles micro et nano. – M6fossils

Identification Moléculaire, Minéralogique, Morphologique et isotopique des Micro- et Macro-fossiles aux échelles Micro et nano.

La chimie de notre planète a été modifiée drastiquement par les microorganismes pendant 3 milliards d’années jusqu’à l’avènement des plantes il y a ~400 millions d’années. Une majorité des fossiles de cet âge reste difficile à interpréter en termes de métabolisme (réactions chimiques intracellulaires), de taxonomie (espèces), et d’écosystèmes. Nous cherchons à déterminer la nature des fossiles et de leurs relations avec leurs environnements avec un arsenal de techniques de caractérisation.

Les techniques de caractérisation pour identifier les (micro)fossiles et leurs interactions environnementales.

Notre objectif global est de développer et coupler des méthodes novatrices permettant d’identifier des micro- et macro-fossiles pour lesquels la morphologie seule n’est pas diagnostique, et d’appliquer ces méthodes à des questions fondamentales sur l’évolution de la vie sur Terre et une de ses conséquences majeures : l’oxygénation de l’atmosphère. Les molécules diagnostiques de métabolismes ou classes d’organismes (biomarqueurs) sont traditionnellement recherchées dans des poudres de roches, ce qui a 3 limites : 1) les molécules ne peuvent pas être corrélées aux formes des fossiles, 2) leur structure et concentration a été altérée dans les roches très anciennes, ainsi devenues vulnérables aux contaminants, et 3) une variété de biopolymères provenant de distincts organismes fossilisés ensembles sont ainsi mélangés et ne peuvent pas être distingués. La spectromicroscopie des groupements fonctionnels ne suffit pas à décrire complètement les molécules. Nous développons de nouveaux instruments de spectrométrie de masse, plus informatifs sur les molécules, avec l’objectif d’analyser des microfossiles individuels. De plus, nous manquons d’informations sur la structure nano des cellules fossiles et sur les modifications qu’elles ont enduré post-mortem, ce qui peut conduire à des interprétations morphologiques erronées. Les compositions isotopiques des fossiles sont difficiles à traduire en termes de métabolisme, en partie à cause des biais induits par les préservations sélectives de molécules. Ces biais ne peuvent être résolus que par un couplage de microanalyses moléculaires+isotopiques. Enfin, des signatures géochimiques et minéralogiques peuvent être trouvées dans les biominéraux, mais leurs liens avec les fossiles restent à démontrer. Nous couplerons des analyses moléculaires, isotopiques, morphologiques et minéralogiques pour contraindre la nature de cellules fossiles individuelles.

Nous développons la spectrométrie de masse en temps de vol par ions secondaires (ToF-SIMS, labo UCCS Lille), et la micro-spectrométrie de masse par désorption-ionisation laser (µL2MS, labo PhLAM Lille) afin d’analyser la composition moléculaire de microfossiles individuels et de localiser de possibles contaminants. Nous comparons les sources d’ionisation ToF-SIMS et leurs effets sur la fragmentation des molécules. Nous équipons notre L2MS afin de réaliser des analyses de haute résolution spatiale (7-10 µm, µL2MS) et de l’imagerie moléculaire avec une fragmentation minimale et une haute résolution en masse (m/z 10k-50k). Nous complétons l’identification des molécules (isomérie,…) par spectrométrie de masse sur chromatographie gazeuse (labo LOG, Lille). En parallèle, nous utilisons des techniques avancées de (spectro)microscopie (micro-infrarouge, absorption des rayons X, Raman, imagerie chimique au Microscope Electronique en Transmission…, pour la plupart disponibles à l’université de Lille) afin de décrire la structure et la composition des fossiles et de leurs matrices minérales aux échelles microscopiques et nanométriques. Nous réalisons des analyses isotopiques en roche totale (à l’IPG Paris et Biogéosciences Dijon) et microscopiques (au CRPG Nancy). Nous analysons une série de fossiles âgés de 150 à 3400 millions d’années. Dans les cibles les moins matures, nous comparons les biosignatures de plantes, animaux, bactéries, algues, champignons, qui serviront de critères pour identifier des microfossiles ambigus plus anciens. Notre sélection d’échantillons permet d’estimer les effets des transformations diagénétiques et métamorphiques, avec des fossiles dans du quartz ayant un gradient d’âge corrélé à une augmentation de la maturité de la matière organique et de recristallisation du minéral. Nous explorons les biosignatures de fossiles identifiés par leur morphologie (ex : cyanobactéries) de maturité thermique croissante, et de microfossiles ambigus.

Les microorganismes fossiles plus anciens que 1,7 milliards d’années sont particulièrement difficiles à identifier en raison de leur petite taille, de leur forme simple, et de leur altération. Nous avons étudié des microfossiles de 1,88 milliards d’années dans un stromatolite de la formation de Gunflint, Canada. Par imagerie à nano-échelle, nous avons démontré la préservation de formes cellulaires dans les microfossiles filamenteux. La spectromicroscopie nous a permis de démontrer l’association de minéraux ferrugineux intracellulaires avec certaines espèces de microfossiles. Cela nous a permis de soutenir l’hypothèse, débattue depuis plus de 60 ans, que les fossiles en question sont des microorganismes photosynthétiques qui produisaient de l’oxygène (cyanobactéries). Publication Lepot et al. 2017 Nature Communications.

Nous avons étudié des microfossiles associés à un dépôt de fer rubané (Banded Iron Formation) d’Australie de 2,4–2,2 milliards d’années (période du Grand Bond d’Oxygénation). Bien que les microfossiles soient bien plus dégradés que ceux de Gunflint, nous avons pu y mettre en évidence une diversité de morpho-espèces grâce à la spectro-microscopie. Nous y avons mis en évidence des microorganismes fossiles qui sont associés à des minéraux ferrugineux qui portent une signature isotopique 56Fe/54Fe indiquant une réaction d’oxydation du fer. Cela suggère que les microorganismes auraient pu être des bactéries oxydant le fer en eaux relativement profondes (Fadel et al., en review).

Enfin, nous avons montré une qualité de préservation inattendue des microorganismes fossiles en filaments et en sphères de 2,1 milliards d’années et débattu de l’origine biologique possible de certaines formes en étoiles supposées être des fossiles et associées aux microfossiles avérés (sphères et filaments). (Lekele Baghekema et al., en préparation).

Nos travaux en cours et planifiés intègrent :
- Les développements des microanalyses moléculaires à Lille.
- Leurs applications à une série de fossiles du Phanérozoïque
- Leurs applications à une série de microfossiles du Protérozoïque.
- Le couplage de ces microanalyses moléculaires aux spectromicroscopies et observations morphologiques aux échelles nano.

Publications dans des revues à comité de lecture :

Lepot, K., Addad, A., Knoll, A. H., Wang, J., Troadec, D., Béché, A., and Javaux, E., 2017. Iron minerals within specific microfossil morphospecies of the 1.88 Ga Gunflint Formation. Nature Communications 14890.

Conférences :

Fadel, A., Lepot, K., Riboulleau, A., Nuns, N., and Knoll, A. H., 2017. Draken microfossils: geochemical perspective. Neoproterozoic snowball Earth workshop, IPG Paris.

Lepot, K. Identification moléculaire, minéralogique, morphologique et isotopique des micro- et macro-fossiles aux échelles micro et nano. 2016. Colloque Annuel CNRS Réseau des Stations et Observatoires Marins, Boulogne

Notre objectif est de contraindre la co-évolution de la vie et des environnements sur la Terre primitive, en ciblant cinq jalons de l’évolution de la vie (entre 3,4 Ga: milliards et 400 Ma: millions d’années) liés avec des changements drastiques des conditions d’oxydoréduction. L’identification des fossiles de cette période a été limitée par (1) leur simple morphologie, (2) des rapports isotopiques du carbone ambigus, (3) la difficulté à corréler un fossile avec les marqueurs moléculaires issus de la roche totale, (4) la difficulté à corréler les fossiles avec les indicateurs géochimiques des métabolismes issus de la roche totale. Nous briserons ces verrous en combinant des caractérisations à micro- et nano-échelles des fossiles. Nous développerons de nouvelles microanalyses moléculaires : la Time-of-Flight Secondary Ion Mass Spectrometry (ToF-SIMS), et la microscale Laser-desorption Laser-ionization Mass Spectrometry (µL2MS). Ces techniques innovantes nous permettrons, pour la première fois, d’extraire une information moléculaire (biomarqueurs ou biopolymères) d’une cellule fossile isolée, et de distinguer des cellules voisines ainsi que leur anatomie. La résolution spatiale de ces analyses permettra d’identifier les possibles contaminations de laboratoire ou météorisations. Des nano-analyses (spectro)microscopiques permettront d’analyser l’anatomie, la matrice minérale (pour évaluer les déformations post mortem), et les biominéraux. Les signatures métaboliques seront recherchées avec des analyses isotopiques (micro + roche totale) de la matière organique et des biominéraux. Ce projet s’appuie sur l’expertise des participants en géochimie (organique, isotopique), paléontologie, minéralogie, spectrométries de masse et spectroscopies, développements analytiques.
(A) Nos échantillons permettront d’évaluer les transformations diagénétiques et métamorphiques, car : i) tous les fossiles sont préservés dans du quartz, ii) leur gradient d’âge est corrélé avec un accroissement de maturité organique et de recristallisation des minéraux, iii) les échantillons de 412 Ma à 1,6 Ga contiennent des microfossiles comparables (ex : cyanobactéries, algues). (B) Les échantillons de 412-410 Ma vont nous permettre de construire une base de données d’empreintes moléculaires à microéchelle sur une large diversité de microorganismes (cyanobactéries, algues, champignons) et de cellules spécialisées de macrofossiles (plantes, animaux), corrélée à une nano-imagerie anatomique. Cela documentera la composition et la structure des cellules de certaines des plus anciennes plantes et informera sur l’évolution des biopolymères, dont l’évolution de la lignine qui a déclenché une augmentation de la pO2 (pression partielle O2). (C) Nous comparerons la morphologie de microfossiles (identifiés versus ambigus) dans des roches âgées de 800-700 Ma avec des critères moléculaires, texturaux et isotopiques. Nous espérons identifier l’importance relative des cyanobactéries et des algues dans la production photosynthétique afin d’évaluer le rôle de l’évolution des algues dans l’augmentation de la pO2 (Neoproterozoic Oxygenation Event) qui a conduit à l’évolution de la vie multicellulaire. (D) Nous caractériserons des assemblages fossiles de ~1,6 Ga (plus grande maturité thermique), contemporains des plus anciens eucaryotes fossiles, pour contraindre la production primaire durant une période de pO2 réduite. (E) Nous étudierons les assemblages de microfossiles du Great Oxygenation Event (et de ses séquelles, entre 2,45-1.8 Ga) afin de contraindre les métabolismes dans des environnements aux rédox et pO2 fluctuants, en focalisant sur la biominéralisation du fer associée aux conditions ferrugineuses de l’océan de cette époque. (F) Les structures organiques de 2,7 Ga et les microfossiles de 3,4-3 Ga seront étudiés pour documenter la production primaire et les métabolismes du S et du CH4 associés aux environnements anoxiques et ferrugineux avec possible production précoce d’O2.

Coordination du projet

Kevin Lepot (Laboratoire d'Océanologie et de Géosciences)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UNIV-LILLE1 Laboratoire d'Océanologie et de Géosciences

Aide de l'ANR 340 000 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2015 - 48 Mois

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