DS0801 - Rapport au risque et innovation sociale

Responsabilité civile et socialisation des risques – RCSR

De la responsabilité civile à la socialisation des risques

La responsabilité civile est présentée comme le mode privilégié de réparation des préjudices, transférant la charge du dommage sur celui à qui on en impute l'origine. Ce modèle est obsolète :il est concurrencé par des modes d'indemnisation sans égard à la responsabilité civile, et, bien souvent, ce n'est pas l'auteur du dommage qui effectivement débourse le montant de la réparation. L'indemnisation des préjudices gagne à être considéré comme un enjeu de socialisation des risques.

Enjeux et objectifs

Le projet RCSR adopte une lecture renouvelée des bouleversements et des crises de la responsabilité civile, en la considérant comme un phénomène de socialisation des risques. Il a pour ambition de proposer une rationalisation des mécanismes d’indemnisation qui permettra de diminuer les coûts de procédure dans l’indemnisation des victimes et d’augmenter l’efficacité du système de réparation des dommages.<br /><br />Objectifs : <br />- décrire le passage de la responsabilité civile à la socialisation des risques, d’un point de vue pratique comme d’un point de vue théorique<br />- à l’aide du droit comparé et des autres sciences humaines et sociales, analyse du passage de la responsabilité civile à la socialisation des risques<br />- proposer aux acteurs de l’indemnisation, mais aussi aux acteurs politiques, un guide de bonnes pratiques), un référentiel d’indemnisation, et une « offre de loi ».

- confrontation transdisciplinaire de l’évolution du sens de la responsabilité (points de vue économique, sociologique, anthropologique, philosophique, théologique, linguistique, psychologique, etc.)
- questionnaire auprès des acteurs de l’indemnisation du dommage corporel (avocats, magistrats, assureurs, fonds d’indemnisation, …) sur leur pratique et leur ressenti
- Analyse d’un échantillon de décisions et d’offres d’indemnisation (conventions avec la Cour de cassation et le Conseil d’Etat)

Les premiers résultats, qui doivent encore être confirmés, indiquent clairement la complexité de la question. Le système actuel est dans un «entre-deux«, un pied dans la socialisation des risques, et pied dans la responsabilité civile classique. Les outils et méthodes dans l'un et l'autre de ces domaines ne sauraient être identiques, ils sont pour l'instant relativement indifférenciés.

Ce projet doit amener entre autres à la réalisation d'un guide méthodologique de l'indemnisation du dommage corporel. Pour l'instant, la réflexion, si elle se nourrit d'exemples étrangers, est essentiellement nationale. Comme prolongement, il faudrait envisager de répliquer la même démarche dans une perspective plus transnationale.

- Barèmes de capitalisation (tables de calcul destinées à convertir une rente indemnitaire en un capital)
- Ouvrages :
o Des spécificités de l'indemnisation du dommage corporel, dir. Christophe Quézel-Ambrunaz, Laurence Clerc-Renaud, Philippe Brun
o Sens et non-sens de la responsabilité civile, dir. Johann Le Bourg, Christophe Quézel-Ambrunaz
- Multiples articles dans des revue nationales ou internationales:
U. Izzo, «È nato prima il danno o la sicurezza sociale? (Saggio in tre atti)« in Responsabilità civile e previdenza, 2015, n. 6, pp. 1816-1842; 2016, n. 1, pp. 40-74; 2016, n. 2, pp. 399-432; 2016, n. 3, pp. 759-780
2. Marta Infantino, “Diffusing Tort Law Softly: Insights into the Travels of Italian Tort Law”, 5 Journal of European Tort Law 260-281 (2016).
3. O. Gout, « Responsabilité civile et santé » in L’objectivisation de la responsabilité civile, Regards franco-brésilien sur l’évolution du droit des obligations, Editions Universitaires Européennes, 2017 p. 248.
4. O. Gout, « Quelle réforme pour la responsabilité civile en France ? Présentation du projet de réforme du 13 mars 2017 », à paraître, Revue juridique de la Faculté de droit de l’Université Rykkyo de Tokyo
1. J. Bourdoiseau, La situation du salarié victime après le recours des tiers payeurs, Droit social, 2017, à paraître
2. C. Quézel-Ambrunaz [avec coauteurs], Le recours poste par poste : bilan et perspective, Gaz Pal. 2017, Hors Série Droit du dommage corporel
3. Vincent Rivollier, « Procédure d’offre d’indemnisation : les promesses (de l’assureur) n’engagent que ceux qui les écoutent », note sous Cass. Civ. 2e, 8 juin 2017
4. J. Bourdoiseau, Du droit des risques professionnels, panorama 2015, Gaz. pal., janv. 2016
5. C. Quézel-Ambrunaz, Perte de revenus subie par qui se dévoue pour assurer l'assistance tierce personne, JCP G 2016, p. 910

La responsabilité civile est couramment présentée comme le mode privilégié de réparation des dommages consécutifs à un accident. Il s’agit, en apparence, de prendre dans la poche du responsable l’agent nécessaire à rétablir la victime dans l’état qui était le sien avant l’accident.
Ce modèle est obsolète. D’une part, une surabondance de débiteurs d’indemnisation se pressent, sitôt un accident survenu : l’assureur de la victime, la sécurité sociale en cas de dommage corporel, parfois les débiteurs de prestations sociales (Conseil général pour la Prestation de Compensation du Handicap ; éventuellement, Caisse des allocations familiales…), dans certains contextes, l’employeur, parfois des fonds de garantie (Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante…). D’autre part, il est extrêmement rare que la personne directement à l’origine du dommage soit effectivement tenue d’indemniser la victime. Son assurance est susceptible de prendre en charge les dommages et intérêts, et il est des cas dans lesquels les règles de la responsabilité civile lui permettent d’échapper à toute condamnation.
En effet, toutes les évolutions récentes en matière de responsabilité civile tendent à faire reposer la charge de la réparation sur celui qui a la meilleure aptitude à la socialisation des risques. En outre, la responsabilité civile est de plus en plus concurrencée par les mécanismes d’indemnisation autres : les accidents médicaux sont réparés, souvent par une procédure spécifique, qu’ils proviennent d’une faute – cas de responsabilité – ou d’un aléa thérapeutique – cas de socialisation des risques.
Dès lors, la responsabilité civile apparaît plus comme un mécanisme de socialisation des risques parmi d’autres que comme un mécanisme de transfert de la charge du dommage d’une personne sur l’autre. Or, si l’on admet que, la plupart du temps, le poids de la réparation des dommages pèse sur la collectivité, l’on réalise une rupture conceptuelle fondamentale, riche de répercussions.
Ainsi, le coût que représentent la diversité des procédures d’indemnisation, et la multiplicité des recours induits par cette diversité, apparaît comme anormalement élevé, si, en tout état de cause, l’ensemble du corps social paye les dommages et intérêts. Par ailleurs, les raisons qu’oppose parfois le droit de la responsabilité civile pour refuser l’indemnisation des victimes apparaissent infondées, s’il ne s’agit que d’un mécanisme de socialisation des risques. Certains systèmes de droit, notamment en Nouvelle-Zélande, ont déjà tiré les conclusions de ce changement de nature pour abolir la responsabilité civile au profit d’un mécanisme de socialisation
Ce projet se propose d’étudier ces bouleversements et crises de la responsabilité civile, en la considération comme un phénomène de socialisation des risques. Cette grille de lecture est relativement inédite en droit français, en rupture avec les concepts classiques, et ouvre de larges champs de recherche.
Ce projet consiste en trois grandes tâches :
• Analyse d’un point de vue théorique du phénomène : constitution d’une bibliographie critique, recension des verrous conceptuels à l’évolution des représentations, évaluation des outils juridiques à disposition pour un renversement de paradigme, prise en compte des apports d’autres sciences humaines et sociales sur la nature et les fonctions de la responsabilité civile.
• Analyse d’un point de vue pratique du phénomène : diffusion et analyse d’un questionnaire auprès des acteurs de l’indemnisation ; dépouillement de décisions de justice ; création d’une base de donnée voire d’un référentiel sur les pratiques de l’indemnisation par les différents acteurs.
• Rédaction, à la lumière des apports des précédentes actions, de documents à destination de la communauté scientifique, des décideurs, des acteurs de la société civile.

Coordination du projet

Christophe QUEZEL-AMBRUNAZ (Centre de droit public et privé des obligations et de la consommation)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CDPPOC Centre de droit public et privé des obligations et de la consommation

Aide de l'ANR 262 080 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2015 - 42 Mois

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