DS0502 - Recherches et innovations pour la performance et la durabilité des écosystèmes productifs

Accès, biens communs et amélioration des plantes Redéfinir le système juridique pour faire face aux défis de l’augmentation de la population mondiale et de la préservation de l’agrobiodiversité – CommonPlant

Biens communs, amélioration des plantes et recherche agricole

Faire face aux défis de la sécurité alimentaire et de la préservation de l'agrobiodiversité

Etude approfondie des bénéfices, pour le domaine de l'amélioration des plantes, de l’irruption de la notion de « biens communs »

Les enjeux conjoints de sécurité alimentaire et de préservation de l'agrobiodiversité obligent à penser autrement la question de la production agricole. Il faut sans produire toujours plus, mais surtout produire mieux afin de maintenir la diversité biologique et limiter les effets du changement climatique. Il devient urgent de penser un système durable de production des semences. Les sciences sociales, tout particulièrement le droit, peuvent contribuer à faire évoluer le système juridique, de manière à atteindre un meilleur équilibre entre les exigences du progrès technique et de l'innovation et la protection des systèmes d'innovation informelle portés par les agriculteurs et les communautés locales et autochtones. Une première voie d’exploration s’ouvre : le concept de propriété tel qu'il a été établi par les penseurs libéraux et néo-libéraux. Avec cet enjeu : interroger la propriété privée et son trait distinctif en Occident, i.e. le droit d'exclure. Le débat sur l'accès dans le droit de propriété privée constitue un bon point de départ. La réflexion pourrait s'inspirer des travaux pionniers menés en économie politique, notamment ceux de Jeremy Rifkin qui a perçu le mouvement de substitution de la « logique d’accès » au modèle de la propriété absolue et exclusive dans le capitalisme moderne. De nouvelles perspectives se dessinent ici qui permettent de repenser la propriété en déplaçant l’axe de la réflexion de l’exclusion vers l’inclusion (« droit de ne pas être exclu »). Il a récemment été proposé d’aller au-delà et de reconnaître une troisième voie entre propriété privée et propriété publique : celle de la conception de « biens communs » ou promotion des « communs » existants dans le domaine végétal. Une réflexion abondante a déjà été menée de manière générale, spécialement aux États-Unis et en Italie. Une étude reste à faire dans le domaine végétal, car le terme de « commun » est régulièrement évoqué à propos du TIRPAA et de la sélection participative.

La méthode suivie a consisté à étudier de manière approfondie les bio-communs déjà identifiés et, après s’être assuré qu’ils sont effectivement à même de garantir la sécurité alimentaire et de préserver (voire développer) l’agrobiodiversité, à analyser les conditions de leur reconnaissance juridique. Le projet s’articulait ainsi autour de trois grands questionnements : la compréhension, la titularité et la gestion des bio-communs.
De manière à atteindre cet objectif global et de mener cette analyse à plusieurs niveaux, il était nécessaire de réunir des experts provenant de différentes disciplines à l’occasion d’un workshop de deux jours. Ces journées devaient permettre de dégager une vision collective et plus globale sur une question qui fait souvent l’objet d’études individuelles.
Plus fondamentalement, la démarche devait permettre de rendre compte de la nature protéiforme de la conservation de l’agrobiodiversité. Plutôt que de chercher à appréhender directement le problème sur le plan juridique, le projet avait surtout l’ambition de saisir dans leur dimension plurielle (scientifique, anthropologique, culturelle, sociologique) les bio-commons existants avant de livrer une analyse complète de leurs traits distinctifs. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur l’expertise fournie par des spécialistes de l’éco-anthropologie et de l’ethnobiologie (e.g. Victoria Reyes-García, Elise Demeulenaere, Laura Rival, Eric Garine).
Au-delà, le projet proposait une double analyse de l’impact de la PI sur l’agrobiodiversité et la sécurité alimentaire : la première était menée depuis l’« intérieur » du régime de PI, et cherchait à remettre en cause le classique « droit d’exclure » ; la seconde, fondée sur le concept de « commun », cherchait à évaluer les bénéfices et limites de la mise en commun des ressources génétiques afin de préserver la biodiversité, ainsi qu’à déterminer le régime juridique adéquat pour permettre la libre-circulation et le libre-échange du germoplasme.

Dr Laura Rival (Oxford University) et le coordinateur du projet ont organisé un workshop de deux journées qui a eu lieu les 30 septembre et 1 octobre 2016 à la Maison Française d’Oxford. Les deux journées d’étude étaient destinées à alimenter la reflexion et à offrir le temps nécessaire pour développer les thèmes communs. Par-dessus tout, l’objet de ces journées était de donner l’opportunité de poser les jalons pour des recherches futures et d’offrir les bases d’un ouvrage collectif.
La première session était consacrée au problème de l’accès (« droit de ne pas être exclu » de l’usage ou de la jouissance d’une chose). La seconde session devait offrir la possibilité d’explorer plus directement la question des « biens communs » dans le domaine de l’innovation végétale, notamment en évaluant le potentiel, les bénéfices, mais aussi les limites attachés à la conception ou à la promotion de ce qu’on appelle les « bio-communs ». Les participants au Workshop se sont attachés à débattre du statut des ressources génétiques et savoirs traditionnels associés des communautés locales et autochtones, du statut des variétés produites par les programmes de sélection participative, et de la possibilité d’attribuer des droits collectifs sur les savoirs traditionnels, races primitives et variétés-populations des agriculteurs. Deux autres présentations se sont directement intéressées à la question de la gouvernance du TIRPAA.

Le workshop a permis de réunir des experts appartenant à des champs disciplinaires multiples :

- Anthropologie sociale et éco-anthropologie : Dr Victoria Reyes-García, Dr Laura Rival, Dr Eric Garine Wichatitsky and Dr Elise Demeulenaere;
- Sociologie et histoire des sciences : Dr Eric Deibel and Dr Frédéric Thomas;
- Droit : Pr Graham Dutfield, Dr Elsa Tsioumani, Dr Michele Spanò, Dr Geoffroy Filoche, Dr Susette Biber-Klemm and Dr Christine Frison;
- Science politique : Dr Selim Louafi;
- Développement agricole : Dr Johannes Kotschi;

A ce jour, le coordinateur du projet, associé à l'un des participants au workshop, Dr Frison, a soumis un projet de publication à un grand éditeur scientifique britannique. Le projet a été reçu avec enthousiasme et il est actuellement en cours d'examen.

L'ouvrage proposé serait constitué de 18 chapitres organisés en trois parties, elles-mêmes subdivisées en plusieurs sections. Le plan proposé se présente comme suit :

1. Introduction

Part 1. Setting the Scene – Grasping the Nettle

Part 2. Moving Beyond the Absolute “Right to Exclude” – Towards an “Inclusive” Approach of Ownership

Section 1. Access and Benefit-Sharing
Section 2. Access and Licensing

Part 3. Dealing with the Commons: Moving beyond Public and Private Ownership?

Section 1. Working Out the Theoretical Frameworks
Section 2. Of Some Possible Models: Mapping and Protecting the Bio-Commons
A. Understanding the Bio-Commons
B. A Common Property Regime for the Bio-Commons?
C. Governing the Bio-Commons


Les contributeurs suivants ont d'ores et déjà confirmé : Dr Petra Benyei, Dr Laura Calvet-Mir, Dr Eric Deibel, Dr Elise Demeulenaere, Pr Graham Dutfield, Dr Geoffroy Filoche, Dr Christine Frison, Dr Eric Garine, Dr Fabien Girard, Patricia Guzmán Aguilera, Dr Johannes Kotschi, Dr Sélim Louafi, Barbara Pick, Dr Victoria Reyes-García, Dr Laura Rival, Dr Michele Spanò, Dr Frédéric Thomas.

La publication d'un ouvrage collectif chez un grand éditeur britannique (soumis).

Les enjeux conjoints de sécurité alimentaire et de préservation de l'agrobiodiversité obligent à penser autrement la question de la production agricole. Si nous devons produire toujours plus, il nous faut désormais produire mieux afin de maintenir la diversité biologique et limiter les effets du changement climatique. Dans cette perspective, il apparaît urgent de penser un système durable de production des semences, i.e. moins dépendant des ressources naturelles (sols, aquifères), des engrais et des produits phytosanitaires. Il est sans doute plusieurs façons de faire face à ce défi, et il est incontestable que les sciences et techniques ont un rôle prépondérant à jouer à cet égard. Mais si l’on se souvient de l’influence que les politiques et options législatives et réglementaires ont pu avoir et continuent d’avoir sur la sélection végétale et sur le système de production des semences, on perçoit alors combien sécurité alimentaire et préservation de l’agrobiodiversité ont partie liée avec les choix qui ont notamment été faits en matière de propriété intellectuelle. Les sciences sociales, tout particulièrement le droit, peuvent donc contribuer à faire évoluer le système juridique, de manière à atteindre un meilleur équilibre entre les exigences nécessaires du progrès technique et de l'innovation – ce qui suppose des incitations suffisantes à destination de l'industrie sous la forme de droits de propriété intellectuelle – et la protection des systèmes d'innovation informelle portés par les agriculteurs et les communautés locales et autochtones.
Une voie intéressante à explorer est sans doute le concept de propriété tel qu'il a été établi par les penseurs libéraux et néo-libéraux. Il s’agirait d’interroger la propriété privée et ce qui en constitue désormais le principal trait distinctif dans le monde occidental, à savoir le droit d'exclure. Dans cette perspective, le débat sur l'accès dans le droit de propriété privée constitue un bon point de départ. La réflexion doit ainsi s'inspirer des travaux pionniers menés en économie politique, en particulier ceux de Jeremy Rifkin qui a su percevoir le mouvement de substitution de la « logique d’accès » au modèle de la propriété absolue et exclusive dans le capitalisme moderne. Cette nouvelle logique offre des perspectives stimulantes pour qui souhaite repenser la propriété en déplaçant l’axe de la réflexion de l’exclusion vers l’inclusion. Sans doute la propriété privée a-t-elle rendu quelque service en permettant à l’individu de se ménager une sphère de liberté individuelle. Mais dans un monde fait d’interdépendances complexes, la liberté individuelle signifierait surtout aujourd’hui le droit « d’inclusion », c'est-à-dire le droit individuel de « ne pas être exclu de l’usage ou de la jouissance des ressources productives accumulées par la société ». A travers le prisme du « droit à l’accès » ou du « droit de ne pas être exclu », le modèle de la propriété privée peut alors s’infléchir jusqu’à permettre que certaines utilités d’un bien approprié restent accessibles à un ou plusieurs sujets de droit.
Il a récemment été proposé d’aller au-delà de cette réflexion autour de la propriété privée et de l’accès. Une troisième voie paraît devoir être privilégiée entre propriété privée et propriété publique : celle de la conception de « biens communs » dans le domaine végétal, avec ce souci premier de penser autrement les rapports entre les personnes, entre les sujets de droit et les choses/biens. L’entreprise n’est pas nouvelle. La dernière décennie a été l’occasion d’une réflexion abondante sur les biens communs, tout particulièrement aux États-Unis et en Italie. Mais peu d’études ont été consacrées aux liens entre l’innovation végétale et les biens communs. La question mérite d’être examinée dans son ensemble, ne fût-ce que parce que le terme de « biens communs » revient régulièrement sous la plume lorsque est évoqué le TIRPAA, la sélection participative ou la recherche génomique collective.

Coordination du projet

Fabien Girard (Centre de Recherches Juridiques de Grenoble)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CRJ Centre de Recherches Juridiques de Grenoble

Aide de l'ANR 30 405 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2015 - 24 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter