DS0805 - Droit, démocratie, gouvernance et nouveaux référentiels

Expériences des discriminations, participation et représentation – EODIPAR

Experiences des discriminations, participation et représentation

Le project EODIPAR vise à saisir les conséquences civiques et politiques des discriminations. Il s'agit d'évaluer les réponses individuelles et collectives aux discriminations en termes de participation, d'engagement et de représentation des habitants des quartiers populaires. La question pricnipale de recherche est donc la suivante: : A quelle condition l'expérience des discriminations est-elle politisée par les acteurs ?

Repondre aux discriminations: entre politisation et stratégies individuelles

Le projet EODIPAR vise à saisir la façon dont l’expérience des discriminations (raciales, religieuses et territoriales) façonne le rapport au politique et à l’engagement des victimes et plus largement des habitants des quartiers populaires, en France, au Royaume-Uni, au Québec et aux Etats-Unis. L’hypothèse centrale à l’origine de ce projet de recherche est qu’il existe un décalage entre la demande sociale relative aux enjeux de discrimination et de racisme dans la société française (et surtout chez certaines fractions de sa population) et l’offre politique et associative visant à la prendre en charge. D’un côté, des enquêtes précédentes attestent de la centralité du discours et de l’expérience des discriminations dans le rapport au monde social des habitants des quartiers populaires. De l’autre, d’autres travaux, plus rares cependant, ce qui constitue un enjeu de ce projet, soulignent la faiblesse des dispositifs institutionnels et de l’action associative afin de répondre à ces attentes. L’objectif central de ce projet est par conséquent de saisir les raisons de ce décalage et éventuellement de déceler des pistes pour y remédier. Plus précisément, les deux principaux objectifs du projet sont les suivants : <br />- Saisir la façon dont les acteurs réagissent et répondent aux discriminations, et en particulier si cela suscite chez eux une volonté d’engagement collectif ou à l’inverse de repli sur soi (quête identitaire, « communautarisme », etc.) ou des stratégies individuelles pour s’en sortir. <br />- Saisir la façon dont l’histoire et les configurations nationales et locales façonnent à la fois le vécu de l’expérience discriminatoire et les façons d’y répondre. D’où la dimension comparative à la fois nationalement et localement (4 pays étudiés, et 9 villes au total), qui permettra de comprendre comment ces configurations influent sur la prise en charge institutionnelle, sociale et politique des discriminations.

Le projet EODIPAR repose sur la conduite de 9 enquêtes ethnographiques dans des quartiers populaires à Roubaix, Le Blanc Mesnil, Villepinte, Grenoble, Vaux-en-Velin, Bordeaux, Londres, Montréal-Nord et Los Angeles. Sur tous les terrains un dispositif méthodologique similaire a été suivi:
- Réalisation de 30 entretiens biographiques avec des habitants afin de saisir leurs éventuelles expériences discriminatoires et la façon dont ils y ont répondu et comment cela façonne leur rapport au politique
Ce corpus de 270 entretiens sont aujourd'hui codés et analysés (afin de permettre une comparaison systématique) à l'aide du logiciel d'analyse de discours Atlas.ti
- Suivi longitudinal d'actions collectives ou de dispositifs publics de lutte contre la discrimination (réalisations d'entretiens avec les acteurs impliqués, observation de réunions, d'interactions informelles, de manifestations, etc.) - 2 par terrain. L'enjeu est notamment de saisir le type de répertoire d'action mis en oeuvre pour mobiliser les victimes de discriminations, et de saisir les effets de ces actions en terme de lutte contre les discriminations

Un élément marquant se dégage de nos premiers résultats : la centralité de l’expérience des discriminations dans le rapport au monde social et au politique des habitants des quartiers populaires. L’expérience répétée de l’inégalité – et le sentiment de son déni par les institutions – vient saper les bases de la citoyenneté : se sentant traités comme « des citoyens de seconde zone » (une expression qui revient souvent en entretien), de nombreux acteurs prennent leurs distances avec la vie de la cité. Ainsi, loin d’inciter à la mobilisation, l’expérience des discriminations (et qui plus est quand elle est répétée) contraint les formes de participation et de représentation politique.

Ces résultats devront cependant être consolidés et affinés, en prenant en compte notamment la façon dont la position sociale des acteurs (et notamment leur âge, leur niveau d’éducation et leur statut professionnel et résidentiel), et leur éventuelle mobilité sociale ascendante ou descendante, façonnent l’interprétation de l’expérience discriminatoire et ses conséquences pratiques en termes de rapport au politique.

A ce stade du projet, deux axes de travail constituent les principales perspectives de recherche:
- Finaliser l'analyse du matériau empirique original recueilli (qui est considérable), afin de permettre une comparaison systématique des différents terrains et ainsi saisir si le contexte local et/ou national influence la façon dont les acteurs répondent aux discriminations.
Ce travail sera réalisé via la comparaison systématique des entretiens à l'aide du logiciel Atlas.ti, et la comparaison des formes d'action collective observées via des tableaux synthétiques détaillés.

- Le 2e axe de travail concerne l'écriture d'articles scientifiques issus de la recherche. Si différentes manifestations scientifiques ont déjà été organisées et vont continuées à l'être en 2017-2018 (séminaire, journées d'étude, etc.), l'échéance centrale est le colloque final du projet, prévu pour octobre 2018. A cette occasion, nous présenterons les principaux résultats du projet, qui seront discutés par des spécialistes internationaux de ces questions.
En termes de publication, nous nous sommes fixés un objectif ambitieux à moyen terme : publier deux ouvrages collectifs en 2019-2020. Il s’agira non pas de publier des ouvrages collectifs classiques constituant une collection de monographies, mais de rédiger deux véritables ouvrages intégrés, où les questions sont traitées de façon transversale. Si un tel travail est plus exigent, il nous semble que le caractère très intégré de la recherche sur les différents terrains peut nous permettre de tenir cet objectif. Le premier ouvrage s’intéressera à la façon dont l’expérience des discriminations et du racisme façonne le rapport au politique et à la citoyenneté des habitants des quartiers populaires. Le second ouvrage s’intéressera aux mobilisations collectives contre les discriminations issues des quartiers populaires, à leurs effets et aux freins qu’elles rencontrent.

- Publication d'un numéro de revue et d'un ouvrage collectif multi-partenaires:
BALAZARD Hélène, CARREL Marion, COTTIN-MARX Simon, JOUFFE Yves et TALPIN Julien (dir.), 2016, « Ma cité s’organise. Community organizing et mobilisations dans les quartiers populaires », Mouvements, 2016/1, n°85.
J. Talpin (eds.), L’islam et la cité : engagements musulmans dans les quartiers populaires, Lille, Presses du Septentrion, 2017 (avec F. Frégosi, J. O’Miel, H. Asal, A. Piettre).

Organisation multi-partenaires d'une journée d'étude et d'un panel au congrès de l'AFSP:
- ST 50 « Expériences des discriminations, sentiment d’injustice et engagements dans les quartiers populaires », coord. S. Hadj Belgacem et S. Rui, 12 juillet 2017, Montpellier (avec J. Talpin; M. Carrel, A. Purenne, S. Kaya, G. Roux).
Organisation de la journée d’étude « Résister à l’islamophobie. Les musulmans entre mobilisation et résignation en France et au Royaume-Uni. », Université Lille 2, 23 mai 2017. (présentations et discussions par Julien Talpin, Tim Peace, Houda Asal, Hélène Balazard, Alexandre Piettre)

Publication de 5 articles individuels dans des revues internationales à comité de lecture, de 7 chapitres d'ouvrages internationaux, de 15 articles individuels dans des revues à comité de lecture françaises, et de 17 ouvrages ou chapitres d'ouvrages français à titre individuel

Le projet OEDIPAR vise à comprendre les conditions de politisation de l’expérience des discriminations. Il s’agit d’évaluer les réactions individuelles et collectives à la discrimination en termes de participation et de représentation politiques. Les questions de recherche au cœur de ce projet sont les suivantes : à quelles conditions l’expérience des discriminations est-elle politisée par les acteurs ? Alors que la souffrance associée aux discriminations est souvent importante, dans quelle mesure cela favorise-t-il ou empêche-t-il la politisation de cette expérience ? Dans quelle mesure l’expérience de la discrimination peut-elle conduire à l’engagement civique ou politique d’individus initialement peu politisés ? Quelles sont les stratégies employées par les associations et les collectifs pour mobiliser les victimes de discrimination ? Peut-on observer des différences de ce point de vue selon les villes ou les pays, en fonction de la structure des opportunités politiques ? Quelles sont les conséquences de ces différences sur le champ politique et les politiques publiques à l’échelle locale, nationale et transnationale?

La discrimination étant une question très large, nous nous concentrerons sur trois aspects particulièrement centraux dans la France contemporaine : (1) la discrimination territoriale ; (2) la discrimination ethno-raciale ; (3) la discrimination religieuse.
La politisation de l’expérience des discriminations sera évaluée à un niveau individuel et collectif. Au niveau individuel, le but est de saisir la logique de l’expérience de la discrimination et ses conditions de politisation. Comment les acteurs interprètent-ils leur expérience de discrimination ? A quelles conditions les individus relient-ils la discrimination à des facteurs politiques ou institutionnels plus larges, cadrant dès lors leur expérience selon un sentiment d’injustice ? Au niveau collectif, l’objectif est de comprendre si des actions collectives émergent de ces expériences. Alors que des collectifs cherchent à lutter contre les discriminations, dans quelle mesure parviennent-ils à inclure les victimes de traitements inégaux ? Il s’agira d’évaluer les conséquences de ces réponses individuelles et collectives à la discrimination, tant sur la reconnaissance des individus que sur l’action publique et le champ politique et associatif local.

Ces questions seront étudiées à partir de recherches localisées comparées dans des métropoles françaises, britanniques et nord-américaines, afin de prendre en compte le rôle des histoires locales et nationales dans la politisation éventuelle de l’expérience des discriminations. Deux éléments seront particulièrement déterminants: le degré de mixité sociale et ethnique des quartiers étudiés et la structure des opportunités politiques locales. Il s’agira dès lors de les faire varier afin d’évaluer leur influence relative sur la politisation de l’expérience des discriminations. 5 métropoles seront étudiées en France (Lille, Paris, Bordeaux, Lyon, Grenoble), et 3 à l’étranger (Londres, Los Angeles, Montréal). Le projet comprendra trois phases principales de recherche empirique.

Pour la première phase, un échantillon diversifié de 30 individus sera interviewé dans chaque cas (soit 240 au total), autour de leur expérience des discriminations et leur rapport au politique. La seconde phase visera à étudier des dynamiques locales de luttes contre les discriminations (à travers une enquête ethnographique au sein de deux collectifs ou associations) en les replaçant dans l’histoire des mobilisations locales. On s’intéressera en particulier à leurs répertoires de mobilisation et à la réception de ces entreprises parmi les publics visés. Enfin, on étudiera dans la troisième phase les conséquences de ces réponses aux discriminations tant pour la reconnaissance de ces individus que sur l’action publique locale et le champ politique et associatif, principalement au travers d’entretiens.

Coordination du projet

Julien Talpin (Centre de recherches administratives, politiques et sociales)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CERAPS Centre de recherches administratives, politiques et sociales

Aide de l'ANR 394 055 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 42 Mois

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