DS0805 - Droit, démocratie, gouvernance et nouveaux référentiels

Du gouvernement des sentiments familiaux. Vers une sociologie des ethopolitiques contemporaines. – ETHOPOL

Ethopol - Du Gouvernement des sentiments familiaux

ETHOPOL est un programme hébergé à l’université de Toulouse II Jean Jaurès. Cinq chercheu-r-se-s en sciences sociales se sont réuni-e-s pour penser la diversité des formes de régulation familiale et leurs conséquences subjectives. L’équipe conduit ses travaux sur l’adoption, la PMA, la GPA, le don de sperme et l’encadrement de la naissance. Nous étudions la manière dont la prise en charge institutionnelle des familles modifie la manière dont les sujets se pensent, se conçoivent et se jugent.

Gestion familiale, encadrement institutionnel et travail de soi

Le projet ETHOPOL se donne pour objectif de saisir les formes de régulation institutionnelle qui gouvernent l’affectivité et les sentiments des usagers. Le projet réunit 5 chercheu-se-r-s travaillant sur les questions familiales à partir d’objets spécifiques mais complémentaires : l’adoption internationale, la GPA, les tests de paternité, les refus de FIV et le traitement des dépressions post-partums. Chaque objet donne lieu à des enquêtes autonomes, où s’observent en situation la manière dont les familles (en devenir ou réalisées) sont gérées et encadrées par des institutions spécialisées dont l’action se déploie en priorité sur la psyché et « l’intériorité » des agents. <br /><br />Pour penser ces situations et ce qu’elles révèlent, le programme propose de mettre à l’épreuve le concept d’ethopolitique. Le terme a été proposé au début des années 2000 par le sociologue britannique Nikolas Rose pour désigner les politiques qui visent aux transformations éthiques, à l’ajustement des normes et au développement de nouvelles valeurs. Comment apprend-t-on à renoncer ? à aimer ? à accepter ? Comment le travail institutionnel – conduit par des médecins, des psychologues, des experts ou des assistants de travail social – produit un nouveau regard sur soi et sur les autres, à partir du traitement actuel des questions familiales ? En ajustant le concept à l’étude des familles, ETHOPOL entend ainsi renouveler le regard porté sur l’encadrement institutionnel des individus, et la manière dont leurs ressentis et leurs émotions font l’objet d’un travail spécifique.

Le programme valorise en priorité l'ethnographie comme moyen d'accéder à la complexité du traitement institutionnel des subjectivités.
- Jérôme Courduries. Maître de conférences en anthropologie à l'Université de Toulouse Jean Jaurès, Jérôme enquête sur la GPA. Il a réalisé des entretiens, en France et au Canada, auprès des parents d’intention et du milieu associatif. A l’été 2017, il conduira une enquête plus approfondie auprès de mères porteuses américaines, à l’occasion d’une mission de 2 mois aux Etats-Unis.
- Mélanie Gourarier. Mélanie a été recrutée un an comme post-doctorante pour enquêter sur les tests de paternité. Elle enquête par immersion dans un laboratoire américain, sur la côte ouest des Etats Unis.
- Sébastien Roux. Chargé de recherche au Cnrs, membre du LISST-Cas, Sébastien dirige le programme ETHOPOL. Il enquête sur l'adoption internationale par immersion ethnographique en France et en Ethiopie. Il s'intéresse plus particulièrement aux politiques qui encadrent, régulent et moralisent les circulations internationales d'enfants.
- Michela Villani. Michela a également été recrutée un an comme post-doctorante pour conduire une recherche sur les refus de FIV en Italie. Elle est aujourd’hui chercheuse à l’Université de Fribourg et continue de collaborer au programme.
- Anne-Sophie Vozari. Actuellement doctorant à l'EHESS (Iris) Anne-Sophie travaille sur les depressions post-partum, et les formes contemporaines d'encadrement de la naissance.

Ces différents terrains ont été pensés pour mettre en perspective - à partir de contextes et de situations spécifiques - l'analyse des formes d'encadrement de l'intimité familiale.

Nos résultats marquants s’organisent autour de 4 axes complémentaires :

1) Anthropologie politique de la parenté. Nos terrains nous amènent à interroger la politique des agencements familiaux. L'équipe ETHOPOL montre comment les configurations familiales - perçues et vécues par les sujets comme profondément intimes et privées - font l'objet de politiques publiques et institutionnelles spécifiques, dont l'analyse permet de renouveler la compréhension de l'articulation entre pouvoir et intimité.

2) Ethopolitique et libéralisme. Le programme se donnait pour objectif premier de penser la politique des sentiments, et les formes d’interventions institutionnelles qui amenaient les sujets à reconsidérer leurs normes et leurs valeurs. A partir du concept d'ethopolitique - proposé au début des années 2000 par le sociologue britannique Nikolas Rose - nous montrons comment les formes contemporaines d'intervention institutionnelle agissent en priorité pour favoriser la réforme de soi, et appellent les individus à se normaliser.

3) Affects. Les 5 membres du programme ont porté une attention particulière à la question des sentiments. Doute, amour, culpabilité, honte, joie... autant d'affects qui saturent les univers familiaux et sur lesquels les individus sont amenés à «travailler« (pour les corriger, les exprimer, les refouler, etc.) ETHOPOL permet ainsi d'articuler l'étude des ressentis et des émotions aux perspectives sociologiques plus classiques sur les institutions et les formes d'encadrement.

4) Questions nationales. Les membres d'ETHOPOL prêtent une attention particulière à l'intrication du nationalisme et de la reproduction. Nous montrons la manière dont les enjeux reproductifs soulèvent des questionnements - et parfois des inquiétudes - sur les appartenances et les communautés. Les questions familiales révèlent ainsi des enjeux politiques sur les frontières des groupes, et interrogent le sens des frontières.

ETHOPOL entend poursuivre les différentes enquêtes conduites sur le traitement institutionnel de l'intimité familiale. Notre équipe se compose comme suit : Jérôme Courduriès (GPA, France-USA), Mélanie Gourarier (don de sperme, USA), Sébastien Roux (adoption, France-Ethiopie), Michela Villani (refus de FIV, Italie) et Anne-Sophie Vozari (dépression post-partum, France).
Plusieurs articles, ouvrages et numéro spéciaux de revues scientifiques sont en cours d'écriture ; une journée d'études sera organisée en 2017 à Toulouse sur la «trace« et les origines ; un colloque final sera organisé en 2018 à Paris.
Si les premières années du programme ont été consacrées en priorité à la réalisation de nos enquêtes, la phase à venir permettra de visibiliser et valoriser nos résultats, tant parmi la communauté scientifique qu'auprès du grand public.

L'intégralité des productions d'ETHOPOL sont disponibles sur le site ethopol.hypotheses.org, rubrique «activités«

De nombreux travaux ont analysé le travail disciplinaire des institutions à travers une critique du contrôle qu’elles exercent sur les corps. Mais peu de recherches se sont intéressées jusqu’à présent à la manière dont se disciplinent les esprits. En s’intéressant plus particulièrement à la production et à l’encadrement des sentiments, ETHOPOL envisage le travail institutionnel comme une pédagogie du savoir-être et du savoir-faire, mais aussi du savoir-ressentir. À travers l’analyse des politiques de transformation subjective, les membres du collectif entendent déceler les formes de gouvernement qui se déploient sur et dans « l’intériorité » des agents et les évolutions qu’elles induisent. Moins qu’une biopolitique – qui porterait sur la vie des populations – le programme entend ainsi interroger l’exercice d’une « ethopolitique » qui se donne pour objet la régulation contrainte des émotions et la redéfinition du rapport éthique à soi et au monde.
ETHOPOL souhaite moins caractériser la dimension affective des actions qu’analyser la manière dont l’affectivité devient l’objet principal – si ce n’est premier – des politiques de régulation. Les ethopolitiques que nous souhaitons étudier traitent ainsi des modes d’intervention visant à transformer la manière dont (se) pensent les individus, les jugements ou valeurs morales qu’ils formulent et les émotions qu’ils ressentent. Les participant-e-s au projet ont choisi de se concentrer sur l’intimité familiale, et plus spécifiquement sur des institutions qui fabriquent ces relations singulières, les corrigent, les autorisent ou les empêchent. Ces institutions ont été sélectionnées pour leur complémentarité. Publiques, associatives ou commerciales, elles agissent dans les domaines du travail social, de la santé et de l’expertise. Cinq objets ont ainsi été sélectionnés pour observer in situ ces logiques d’encadrement productif : adoption internationale, Gestation Pour Autrui (GPA), tests de paternité, soin de la dépression post-natale et refus de Fécondations In Vitro (FIV).
Ces objets ont été sélectionnés car ils partagent une même préoccupation paradoxale : les institutions impliquées ont pour vocation d’intervenir pour soutenir, aider ou apaiser, mais leur action d’aide et d’assistance se déploie principalement autour d’une mission de transformation du rapport à soi et aux autres qui vise à faire adhérer les individus au processus qui les soumettent par un travail sur leur affectivité. Ainsi, les agents pris en charge par les services d’adoption expérimentent la transformation de leur désir parental ; les parents qui recourent à la GPA sont confrontés aux dilemmes qui traversent la relation qui lie leur enfant à sa mère de naissance ; les individus qui se soumettent aux tests de paternité vivent un doute qui interroge leur amour paternel ; les femmes en dépression postnatale sont soignées d’une incapacité à « materner » ; enfin, les candidats auxquels on refuse l’aide médicale à la procréation sont estimés inaptes à la parentalité. Toutes ces personnes sont appelées, selon des modalités à étudier, à voir se transformer leurs propres jugements, volontés ou désirs, mais aussi leurs convictions ou leurs manières d’être par l’expérience de leur prise en charge. Or, plus qu’une simple discipline qui chercherait à les corriger, ils sont soumis à une politique qui tend à les diriger, non pas en imposant une nouvelle manière d’être et d’agir, mais davantage en suscitant une adhésion volontaire de la part de sujets convaincus, appelés à ressentir l’évidence et le bien-fondé des normes édictées.
Ce projet s’inscrit dans une perspective théorique qui vise à réunir, à partir de l’étude de « l’intériorité », critique des formes d’encadrement et analyse compréhensive de leurs effets. ETHOPOL permettra ainsi de penser les marques sensibles du gouvernement de soi et, à travers lui, de proposer une réflexion nouvelle sur cette politique de transformation subjective que nous envisageons comme ethopolitique.

Coordination du projet

Sébastien Roux (Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LISST Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires

Aide de l'ANR 288 600 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 48 Mois

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