DS0401 - Une nouvelle représentation du vivant

Réponse au stress et virulence chez les champignons pathogènes de l’homme : une approche comparative systémique des réseaux de régulation chez les espèces du genre Candida – CANDIHUB

CandiHub: Caractérisation de réseaux de régulation transcriptionnelle chez les levures pathogènes du genre Candida

Les approches omiques à haut débit permettent de caractériser en profondeur différents réseaux de régulation chez les levures pathogène de l’homme Candida albicans et Candida glabrata, pouvant ouvrir la voie vers l’identification de nouvelles cibles pour le développement de molécules antifongiques.

Identifier des « hubs » de régulation pour découvrir de nouvelles stratégies antifongiques

Candida albicans et Candida glabrata sont les deux principales espèces de levures responsables d’infections fongiques invasives chez l'homme. Les infections systémiques dues à ces levures sont associées à des taux de mortalité élevés malgré l'arsenal antifongique existant. Des progrès récents ont été réalisés dans la génomique fonctionnelle de ces espèces avec le développement de collections de mutants de perte de fonction et de gain de fonction et d'une variété d'outils pour la manipulation de gènes. Ceci, combiné à l'avènement des technologies de séquençage de nouvelle génération (RNA-Seq, ChIP-Seq), fournit les conditions pour étudier en profondeur la fonction de facteurs de transcription et élargir nos connaissances des réseaux de régulation gouvernant la biologie des levures pathogènes. <br />Les réseaux de régulation transcriptionnelle incluent souvent des facteurs de transcription dotés d’une connectivité importante – désignés hubs de régulation - et qui, du fait de leur rôle clef au sein de ces réseaux, peuvent avoir une contribution importante à la biologie de l’organisme étudié. L’objectif principal du projet CANDIHUB était donc de profiter des développements en génomique fonctionnelle et transcriptomique pour caractériser les réseaux de régulation de C. albicans et C. glabrata impliqués dans leur adaptation à des environnements variés, ceci afin de révéler des hubs de régulation dont le rôle dans la biologie et la virulence de ces levures pourrait alors être testé. Cette approche avait pour ambition de révéler des cibles pour le développement antifongique et d’estimer la divergence et la convergence entre les stratégies utilisées par ces levures pour infecter les humains.

Pour les deux levures étudiées, Candida albicans et Candida glabrata, des mutants inactivés pour un ensemble de gènes codant des facteurs de transcription ou les surexprimant ont été obtenus. L’analyse phénotypique (culture en présence de différents stress) de ces mutants permet de proposer une fonction biologique pour ces facteurs de transcription. L’analyse transcritomique (RNA-Seq) permet d’identifier les gènes régulés directement ou indirectement par ces facteurs de transcription. En parallèle, des mutants exprimant des versions étiquetées des facteurs de transcription ont été produits permettant d’identifier leurs sites de fixation à l’échelle génomique (ChIp-Seq). La combinaison des données de transcriptomique et de fixation permet de révéler pour chaque facteur de transcription ses gènes cibles. La combinaison des informations obtenues pour plusieurs facteurs de transcription permet d’établir un réseau de régulation et d’identifier des hubs de régulation dont la fonction peut alors être explorée en détail en utilisant des tests phénotypiques, des approches omiques dont la protéomique complémentaire de la transcritomique et des tests permettant d’évaluer la virulence des levures ex vivo et in vivo.
L’analyse des réseaux de régulation a été faciltiée par le développement de nouveaux outils bioinformatiques : bPeaks pour l’identification de sites de fixation de facteurs de transcription ; Pixel pour l’analyse de grands jeux de données multi-omiques ; iHKGviewer pour l’exploration de réseaux de régulation.

Pour les deux levures étudiées, plus de 12 facteurs de transcription ont été étudiés en détail par des approches phénotypiques, transcriptomiques et d’immunoprécipitation de la chromatine.
Chez la levure C. glabrata, un réseau de régulation comprenant 12 des 17 facteurs de transcription étudiés a pu être établi, mettanten évidence, entre autres, un mécanisme original de régulation de la réponse à un excès de fer, impliquant la coopération des facteurs de transcription Hap5 et Yap5. Par ailleurs, un mécanisme inattendu d’adaptation à la carence en fer a pu aussi être mis en évidence impliquant les protéines Dom34 et Hbs1.
Pour la levure C. albicans, un réseau de régulation comprenant 12 facteurs de transcription a pu être établi, dont l’exploration est en cours. Quatre hubs ont d’ores et déjà été identifiés – Rme1, Rfg1, Orf19.217 et Crz2 – qui semblent jouer un rôle central et jusqu’alors inconnu dans l’adaptation au stress de C. albicans. Des études dédiées ont montré l’implication de Crz2 dans l’adaptation au pH acide et à l’hypoxie et par conséquent la capacité de C. albicans à coloniser le tractus gastro-intestinal. D’autres travaux ont montré l’importance de Skn7 dans l’homéostasie des formes réactives de l’oxygène lors de la formation de filaments par C . albicans.

Les données transcriptomiques produites dans le cadre de ce projet sont massives et ont permis d’établir des réseaux de régulation pour C. glabrata et C. albicans dont la topologie et la composition n’ont été que partiellement étudiées. En particulier, l’identification de hubs est encore partielle et sa poursuite devrait ouvrir des pistes. Les premiers travaux menés sur quelques-uns, Dom34 et Hbs1 chez C. glabrata et Rme1, Rfg1, Orf19.217 et Crz2 chez C. albicans sont prometteurs.
Un des objectifs de CANDIHUB était de définir des réseaux de régulation impliquant des facteurs de transcription orthologues chez C. albicans et C. glabrata de façon à comparer la structure des réseaux obtenus et comprendre comment ceux-ci avaient été modifiés au cours de l’évolution. Cet enjeu reste d’actualité.

Pris dans son ensemble, le projet CANDIHUB a conduit à ce jour à 12 publications dans des revues internationales. Plusieurs publications portent sur la caractérisation de réseaux de régulation chez C. glabrata (PMID : 27242683, 28615656, 30505294). D’autres publications portent sur la caractérisation détaillée de facteurs de transcription chez C. albicans (PMID : 28752552, 29998470). Deux publications portent sur des développements d’outils (PMID : 30286789, 30944779). Enfin, trois revues et un article méthodologique ont été publiés (PMID : 30368597, 31050635, 31172012, 31370875).

Chez l’homme, Candida albicans et Candida glabrata sont les deux principales levures responsables d’infections fongiques invasives dont les taux de mortalité restent élevés en dépit de la disponibilité de plusieurs types d’antifongiques. Une meilleure connaissance des mécanismes impliqués dans la pathogenèse de ces levures permettrait de proposer de nouvelles stratégies de lutte contre les infections dont elles sont responsables. Plusieurs caractéristiques contribuent à la virulence de ces espèces, par exemple, une capacité d’adaptation aux variations environnementales et, dans le cas de C. albicans, une transition morphologique entre forme levure et forme filamenteuse. Il a été proposé que la caractérisation des réseaux de régulation transcriptionnelle qui contrôlent ces attributs doit mettre en évidence des régulateurs majeurs (hubs) qui pourraient représenter des cibles intéressantes dans le développement de nouvelles approches antifongiques. Le projet CANDIHUB se propose donc de caractériser chez C. albicans et C. glabrata les réseaux de régulation transcriptionnelle impliqués dans l’adaptation de ces deux espèces aux variations environnementales puis d’évaluer dans quelle mesure les hubs identifiés dans ces réseaux jouent un rôle clef dans le fitness et la virulence de ces deux espèces.
Dans ce projet, nous tirerons parti de l’identification préalable de facteurs de transcription communs à ces deux espèces et dont l’expression est affectée par un stress pléiotrope. Nous définirons le module transcriptionnel de chacun de ces régulateurs (l’ensemble de leurs cibles directes) par des approches transcriptomiques (utilisant le RNA-Seq) et d’immunoprécipitation de la chromatine (utilisant le ChIP-Seq). La combinaison des modules transcriptionnels pour 16 facteurs de transcription de C. glabrata et 13 facteurs de transcription de C. albicans nous permettra d’établir les réseaux de régulation globaux de la réponse au stress de ces deux espèces dont la validité sera en particulier testée au niveau protéique par des approches de protéomique quantitative. Les hubs identifiés au sein de ces réseaux seront étudiés à l’aide de mutants perte-de-fonction et gain-de-fonction, de tests in vitro, et de modèles d’étude de l’interaction hôte-pathogène. Ceci permettra de révéler dans quelle mesure certains hubs pourraient constituer des cibles pour de nouvelles thérapies antifongiques. Par ailleurs, la comparaison des réseaux globaux obtenus pour C. albicans et C. glabrata devrait révéler les aspects de convergence et de divergence des stratégies de virulence mises en œuvre par ces deux espèces phylogénétiquement distantes. Afin de favoriser la dissémination des résultats obtenus dans le cadre de CANDIHUB, nous mettrons en place une base de donnée publique permettant d’accéder à l’ensemble des données concernant les facteurs de transcription de C. albicans et C. glabrata, outil dont la communauté scientifique ne dispose pas à l’heure actuelle. CANDIHUB est un projet unique par la quantité de données expérimentales qui seront produites pour définir les réseaux de régulation transcriptionnelle chez les espèces Candida, par la cohérence des données produites et par l’analyse simultanée de deux levures pathogènes phylogénétiquement distantes.
Les partenaires de CANDIHUB ont des expertises complémentaires et internationalement reconnues qui contribueront au succès de ce projet: étude de C. albicans par des approches post-génomiques (Partenaire 1 : Christophe d’Enfert, Institut Pasteur, Paris, France), étude de réseaux de régulation chez les levures hémiascomycètes, en particulier C. glabrata (Partenaire 2 : Frédéric Devaux, Université Pierre et Marie Curie, Paris, France), développement d’outils bioinformatiques et de bases de données et étude in silico de réseaux de régulation (Partenaire 3 : Gaëlle Lelandais, Institut Jacques Monod, Paris, France), analyse protéomique (Partenaire 3 : Jean-Michel Camadro,, Institut Jacques Monod, Paris, France).

Coordination du projet

Christophe D'enfert (Institut Pasteur - Unité Biologie et Pathogénicité Fongiques/Institut Pasteur)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IJM Institut Jacques Monod
UPMC-LCQB Laboratoire de biologie computationnelle et quantitative, LCQB
IP Institut Pasteur - Unité Biologie et Pathogénicité Fongiques/Institut Pasteur

Aide de l'ANR 580 000 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2014 - 48 Mois

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