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Attraction et Sélection dans l’évolution culturelle – ASCE

L'évolution culturelle est-elle Darwinienne?

Un grand défi actuel de la biologie de l'évolution porte sur l'existence de l’héritabilité non-génétique et sur son importance adaptative. Plus précisément, la relation entre l'évolution biologique et l'évolution culturelle est devenue un sujet essentiel en biologie et dans les sciences sociales. Le but de ce projet de recherche fondamentale est de répondre à certaines de ces questions en développant une nouvelle méthode d'étude de l'évolution culturelle.

Penser autrement l'étude de l'évolution culturelle

Ces dernières années, d'importantes avancées théoriques ont permis de clarifier la relation entre évolution biologique et évolution culturelle. Ces recherches ont montré que la question de l'équilibre entre sélection naturelle et transformations dirigées survenant lors de la transmission est fondamentale. Idéalement, les chaînes de transmission, dans lesquelles les résultats de l'action d'un individu sont transmis à un autre, devraient permettre une estimation précise de la sélection et de des transformations. Malheureusement, jusqu’à ce jour ces expériences sont restées fortement limitées pour les raisons suivantes. D’abord ces expériences emploient un nombre faible d’étapes de transmission, ensuite elles restreignent fortement le nombre de comportements possible et enfin, elles ne permettent pas de quantifier les changements de manière précise. Il n’existe donc pas, à notre connaissance, de paradigme expérimental convaincant pour étudier ces propriétés fondamentales de l'évolution culturelle.<br />Pour avancer sur ce sujet nous devons changer de manière radicale la manière dont nous faisons les expériences de transmission culturelle en introduisant de nouvelles méthodes expérimentales, similaires à celles ayant court en biologie de l’évolution. Nos buts sont donc d’abord de développer une nouvelle méthode inspirée des principes d’étude de l’évolution en biologie pour étudier l’évolution culturelle, ensuite de créer des taches non verbales permettant d’étudier aussi bien les primates non-humains que les jeunes enfants et enfin de développer les outils théoriques et statistiques pour quantifier le rôle des transformations et de la sélection dans l’évolution culturelle. <br />

Pour réussir ce projet, nous nous proposons de profiter d’une nouvelle plateforme qui comprend des stations de conditionnement opérant entièrement automatisées. Cette structure, unique au monde, offre l'environnement idéal pour étudier l'évolution culturelle comme nous avons pu le démontrer avec ce projet. Au cours de notre première étude, nous avons utilisé les taches sur écran tactile pour recréer de manière stylisées les conditions de la transmission du savoir et des techniques qui existent chez l’homme. Dans une première phase, un groupe de 15 babouins (Papio papio) a été entrainé à réaliser une tache de mémoire visuelle. Pendant une fraction de seconde, l’écran affichait une grille de 16 carrés, tous blancs sauf quatre rouges. L’image était ensuite remplacée par une grille identique mais composée uniquement de carrés blanc. Les babouins devaient toucher les quatre carrés qui étaient précédemment rouges pour obtenir une récompense. Après cette première phase d’apprentissage de la tâche, la phase de transmission des réponses a été mise en place. Dans cette deuxième phase, la réponse d’un babouin (les carrés touchés à l’écran) était utilisée pour générer la grille que le babouin suivant devait mémoriser et reproduire, et ainsi de suite pendant 12 événements de transmission. De cette manière, les babouins reproduisaient la transmission des savoirs que l’on observe parfois chez l’homme, comme dans le jeux du téléphone par exemple.

Avec cette nouvelle méthode nous avons pu créer des chaines de transmission avec des possibilités de comportements inégalés (1820 comportements possible contre souvent uniquement deux dans les expériences précédentes) et la possibilité de reproduire les expériences plusieurs fois (nous avons répétés l'expérience un total de six fois). Les résultats montrent une très nette augmentation des performances, passant de 80% à plus de 95% de succès, dans la seconde condition impliquant des chaines de transmission. Nous avons montré que cette augmentation de performance est liée à l’accumulation progressive de modifications qui transforment les grilles à mémoriser en une structure typique de tetromino (des formes de type « Tétris » composées quatre carrés adjacents). De manière encore plus surprenante, lorsque nous répliquons l’expérience plusieurs fois nous ne retrouvons pas toujours la même distribution de tetrominos. Le résultat de la transmission dépend donc de l’histoire de transmission et les réponses ne convergent donc pas vers une solution unique qui serait le pattern le plus simple et le plus performant.
On a longtemps pensé que ces trois propriétés, augmentation de la performance, émergence de structures et spécificité de lignée, étaient le propre des cultures humaines cumulatives: nos techniques évoluent et s’améliorent d'une génération à l'autre, mais elles sont aussi différentes d'une population à l'autre. Pour la première fois nous avons donc réuni les conditions qui nous ont permis d’observer chez des primates non-humains l’évolution cumulative de la culture. Ces résultats sont d’une complexité et d’une richesse qui étaient jusque-là impensable et nous donnent une manière complétement nouvelle d’étudier l’origine des cultures humaines.

Ce travail est en cours.

Articles scientifiques issus du projet :
- Claidière, N., Smith, K., Kirby, S., & Fagot, J. (2014). Cultural evolution of systematically structured behaviour in a non-human primate. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 281(1797). doi: 10.1098/rspb.2014.1541
- Miton, H., Claidière, N., & Mercier, H. (2015). Universal cognitive mechanisms explain the cultural success of bloodletting. Evolution and Human Behavior, 36(4), 303-312. doi: 10.1016/j.evolhumbehav.2015.01.003
- Fagot, J., Marzouki, Y., Huguet, P., Gullstrand, J., & Claidiere, N. (2015). Assessment of Social Cognition in Non-human Primates Using a Network of Computerized Automated Learning Device (ALDM) Test Systems. JoVE(99), e52798. doi: doi:10.3791/52798
- Claidière, N., Scott-Phillips, T. C., & Sperber, D. (2014). How Darwinian is cultural evolution? Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 369(1642). doi: 10.1098/rstb.2013.0368
Notre travail dans les médias :
- La vidéo réalisée par l’équipe du CNRS est disponible ici :
videotheque.cnrs.fr/index.php
- Le communiqué de presse ici :
www2.cnrs.fr/presse/communique/3797.htm

Un grand défi actuel de la biologie de l'évolution porte sur l'existence de l’héritabilité non-génétique et sur son importance adaptative. Plus précisément, la relation entre l'évolution biologique et l'évolution culturelle est devenue un sujet essentiel en biologie et dans les sciences sociales. Le but de ce projet de recherche fondamentale est de répondre à certaines de ces questions en développant une nouvelle méthode d'étude de l'évolution culturelle.
Par culture, nous entendons l'ensemble des objets, idées et comportements qui sont transmis d'un individu à un autre par des moyens non-génétiques. Ces dernières années, d'importantes avancées théoriques ont permis de clarifier la relation entre évolution biologique et évolution culturelle. Ces recherches ont montré que la question de l'équilibre entre sélection naturelle et attraction (transformations dirigées survenant lors de la transmission) est fondamentale. Idéalement, les chaînes de transmission, dans lesquelles les résultats de l'action d'un individu sont transmis à un autre, devraient permettre une estimation précise de la sélection et de l'attraction. Malheureusement, jusqu’à ce jour ces expériences sont restées fortement limitées et il n’existe, à notre connaissance, aucun paradigme expérimental convaincant qui puisse ces propriétés fondamentales de l'évolution culturelle.
La méthode que nous développons ici devrait permettre de surmonter ces limitations et posséder les propriétés qui font le succès des expériences d'évolution génétique. Pour réussir, nous nous proposons de profiter d’une nouvelle plateforme du Laboratoire de Psychologie Cognitive (UMR 7290) qui comprend des stations de conditionnement opérant entièrement automatisées. Cette structure, unique au monde, offre l'environnement idéal pour étudier l'évolution culturelle et dans le but de tester la faisabilité de notre proposition nous avons déjà réalisé une première expérience pilote avec les babouins. Cette étude pilote, qui a été conçue pour démontrer le potentiel de l'approche et qui comprenait les principaux défis techniques que nous voulons surmonter (grand nombre d’essais, répétabilité de l'expérience et utilisation d'une tâche non verbale), a été très réussie.
Dans ce projet, nous chercherons donc à estimer l'équilibre entre attraction et sélection en utilisant notre nouvelle méthodologie pour étudier 4 questions fondamentales du domaine. Premièrement, nous allons étendre notre étude pilote en développant, réalisant et analysant des chaînes de transmission avec des primates non humains. Deuxièmement, nous allons étudier l'impact de l'influence sociale sur l'apprentissage social et l'évolution culturelle, sujet qui, étonnamment, n'a jamais été étudiée en détail. Troisièmement, en nous appuyant sur des études antérieures montrant que certains précurseurs du langage peuvent être trouvés chez les primates non humains, nous nous pencherons sur la question de l'évolution de la compositionnalité. Finalement, afin de démontrer la force de notre approche pour étudier les capacités cognitives qui sont spécifiques à l'homme, nous étudierons l'évolution culturelle d'arguments.
Le nouveau système expérimental que nous proposons ouvre la porte à de nombreuses questions qu’il était, jusqu'à présent, impossible d'aborder expérimentalement et nous nous attendons donc à produire d'importantes avancées méthodologiques, analytiques et théoriques dans le domaine. Par ailleurs, l'étude de l'évolution culturelle et de l'apprentissage social demeure sous-représentée en France par rapport aux autres pays européens. Nous avons donc pour objectif de réunir des chercheurs de différentes institutions et disciplines pour créer un réseau de collaborations qui permettront de renforcer le domaine, de promouvoir son développement et de faciliter l'émergence de future d'équipes de recherche sur ce thème. Cela facilitera le développement de projets de recherche à long terme (5-10 ans) et la perspective d'emploi pour le coordinateur.

Coordination du projet

Nicolas Claidiere (Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse _ Laboratoire de Psychologie Cognitive) – nclaidiere@yahoo.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS DR12 _ LPC Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse _ Laboratoire de Psychologie Cognitive

Aide de l'ANR 387 220 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2013 - 36 Mois

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