Blanc SVSE 7 - Blanc - SVSE 7 - Biodiversité, évolution, écologie et agronomie

Contributions du genome, du transcriptome et de l’épigénome à l’adaptation de lépidoptères (Ostrinia spp.) à leurs plantes hôtes – Adapt-Ome

Comment un insecte colonise, s’adapte et se spécialise sur une plante cultivée exotique ?

Le projet vise à reconstruire l’histoire des populations de pyrales en Europe, et de leur passage de plantes sauvages vers des plantes cultivées récemment introduites, comme le maïs. Nous étudions les mécanismes génomiques et épigénétiques en populations naturelles et en populations expérimentales où nous testons le choix de plantes et le succès de ces plantes comme ressource nutritive.

Identifier les gènes et mécanismes épigénétiques liés à la spécialisation à la plante hôte

Les insectes phytophages, et en particulier les ravageurs des cultures, montrent majoritairement une forte spécialisation à une ou quelques plante hôtes. Les mécanismes sous jacents de cette spécialisation et le lien entre cette spécialisation et l’isolement reproducteur menant à l’émergence de nouvelles espèces d’insectes restent encore rarement identifiés. Le projet s’inscrit dans cette double perspective : comprendre le rôle de la plante hôte dans l’évolution des populations et des espèces d’insectes, et reconstruire l’histoire évolutive de la pyrale du maïs

Nous combinons des approches expérimentales (infestations contrôlées de pyrales sur plantes en cages étanches, cages de choix de plantes pour les papillons prêts à pondre) et des analyses en populations naturelles, avec l’utilisation de nouvelles technologies de séquençage haut débit pour identifier - les mutations différentiant les pyrales du maïs de celles sur plantes sauvages - les gènes plus ou moins exprimés en fonction de la plante hôte – et les mécanismes régulateurs de l’activité de ces gènes. Les gènes et régulateurs ainsi identifiés seront analysés en populations naturelles pour en reconstruire leur histoire et celles des populations.

Les premières analyses en population expérimentales ont permis de vérifier la spécialisation de la pyrale du maïs et de la pyrale de l’armoise à leur plante hôte respective, par une meilleure survie ou un meilleur développement sur leur plante native que sur une plante alternative. De façon inattendue, nous avons également observé que la pyrale du maïs refusait l’armoise comme site de ponte préférant pondre sur un support neutre que sur cette plante, alors que l’armoise pourrait être son hôte ancestral. L’analyse de données génomiques d’expression différentielle de gènes en fonction de la plante hôte nutritive nous donne pour la première fois des gènes candidats à la relation entre ces pyrales et leur plante hôte aussi bien pour des caractères de survie (détoxification) que de développement (digestion, gènes de structure). Nos analyses en populations naturelles ont également montré pour la première fois qu’il existe une variation géographique de la spécialisation et de la divergence entre espèces. L’ensemble de ces données nous amène à proposer de nouvelles hypothèses du passage d’une pyrale d’hôtes ancestraux sauvages vers le maïs, ainsi qu’à en identifier mieux les mécanismes sous-jacents.

Les recherches de ce projet donnent des indications nouvelles pour la gestion des populations de pyrales, en précisant par exemple les zones géographiques où la pyrale du maïs est une espèce clairement isolée de ses congénères et inféodée strictement au maïs et des zones géographiques où cette pyrale est moins divergente de son espèce sœur sur amoise. Lutter contre ce ravageur du maïs suppose en effet de connaître ses capacités de refuge sur d’autres plantes ou d’introgression par une autre espèce indépendante du maïs. De plus, les premiers résultats du projet soulignent l’importance de la reconnaissance du maïs dans la spécialisation de la pyrale mais aussi du rejet d’autres plantes hôtes potentielles. Cela donne des éléments nouveaux pour explorer les mécanismes gustatifs et olfactifs impliqués, qui pourraient déboucher sur des stratégies de confusion d’odeurs par exemple pour éviter le dépot de pontes sur maïs ou proposer des plantes pièges comme sites de ponte aux abords du maïs à protéger.

Le projet est valorisé par la publication scientifique des résultats dans des revues généralistes d’écologie et d’évolution, ainsi que dans la diffusion dans des colloques nationaux et internationaux. La spécialisation a la plante hôte, en particulier d’insectes ravageurs de cultures, est un sujet en plein essor et nous participons ainsi à la connaissance générique de la spéciation dite ‘écologique’ (apparition de nouvelles espèces par adaptation à de nouveaux environnements), mais aussi au sujet débattu mais peu étayé encore, des raisons historiques ou mécanistiques qui font d’un insecte phytophage un ravageur des cultures.

Les insectes présentent un taux de diversification et une diversité actuelle spectaculaire. Les insectes phytophages en particulier comprennent de nombreuses radiations, rendant leurs lignées plus diversifiées que celles de leurs apparentées non-phytophages. La diversification des insectes phytophages est probablement le résultat de leur aptitude à se spécialiser sur leurs plantes hôtes, cette spécialisation pouvant entraîner des changements d’hôtes et l’évolution de nouvelles races ou espèces spécialisées (via une ‘spéciation écologique’).
Trois composantes sont nécessaires à la spéciation écologique: 1) une source de sélection divergente, 2) un mécanisme d'isolement reproducteur et 3) un mécanisme génétique reliant la sélection et l’isolement reproducteur. Les gènes sous sélection et ceux liés à l’isolement reproducteur peuvent être les mêmes (pléiotropie) ou physiquement différents mais statistiquement liés par un déséquilibre de liaison. Les sources de sélection divergente et les mécanismes d’isolement ont été étudiés pour de nombreux modèles biologiques. D’autres études se sont penchées sur les mécanismes génétiques impliqués dans l’adaptation à l’hôte ou l’isolement reproducteur. Mais, les connaissances sur le lien entre l’adaptation et l’isolement sont toujours partielles.
Nous proposons ici, une étude des mécanismes génomiques sous-tendant la spécialisation d’espèces de lépidoptères (Ostrinia spp. Crambidae) à leurs plantes hôtes. Le projet s’intéressera à deux espèces proches: Ostrinia nubilalis (ECB, European corn borer) et Ostrinia scapulalis (ABB, Adzuki bean borer). La première se nourrit de maïs alors que la seconde se développe sur différentes dicotylédones. Peu d’espèces du genre Ostrinia se nourrissent sur graminées, et le maïs a été récemment introduit (il y a 500 ans) en Europe, aire native d’ECB. Un changement d’hôte d’une dicotylédone vers cette graminée est donc le scénario le plus probable.
Nous proposons de combiner plusieurs échelles d’observations et approches méthodologiques pour une compréhension globale de ces mécanismes. D’une part, nous appliquerons des approches de génomique des populations, de phylogéographie et de phylogénétique sur des populations naturelles d’ECB et ABB, pour identifier les patrons génomiques de la spécialisation à la plante hôte. D’autre part, nous mettrons en place des populations expérimentales d’ECB et ABB sur différentes plantes hôtes, pour isoler l’effet ‘plante hôte’ d’autres effets environnementaux. Ces populations expérimentales seront le support de l’étude des facteurs génétiques et des facteurs de régulation (ou épigénétiques). Alors que les premiers ont longtemps été considérés dans la théorie de l’Evolution comme les cibles ultimes de la sélection, les facteurs épigénétiques sont de plus en plus considérés comme des facilitateurs (ou par contraste comme des contraintes) d’évolution génétique.
Ces différents niveaux d’observation et approches méthodologiques seront soutenus par la production de données génomiques haut débit, grâce aux avancées récentes des nouvelles technologies de séquençage (NGS). Ces technologies ont permis une révolution dans l’étude des organismes non-modèles en donnant accès à une quantité de données jusqu’alors inimaginable. Cependant, nous pensons qu’elles peuvent également induire un glissement des concepts évolutifs vers une vision beaucoup plus complète de la génétique de l’adaptation incluant la complexité des réseaux de régulation génomique.
L'originalité du projet tient en ce va-et-vient entre les mécanismes génomiques et l’évolution des espèces. Il résulte d’une collaboration propice entre les génomiciens et les biologistes et généticiens des populations qui composent le consortium du projet.

Coordination du projet

Réjane STREIFF (Centre de Biologie et Gestion pour les Populations)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EDB Laboratoire Evolution et Diversite Biologique
CBGP Centre de Biologie et Gestion pour les Populations
DGIMI Diversité, Génomes & Interactions Microorganismes - Insectes
ISEM Institut des Sciences de l'Evolution Montpellier
Diascope Unité Expérimentale Diascope

Aide de l'ANR 439 420 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 48 Mois

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