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Vers un histoire social et épistémologique de l'épidémiologie psychiatrique: étude de cas (Sénégal) et réseau international – SEHPE

Vers une histoire sociale et épistémologique de l'épidémiologie psychiatrique: étude de cas (Sénégal) et réseau international

L’épidémiologie psychiatrique n’a jamais été étudiée en tant qu’objet à part entière d’histoire ou d’anthropologie à cause (1) de sa consolidation tardive vis-à-vis de l’épidémiologie générale ; (2) de son objet problématique, lequel, en absence des bio-marqueurs, se montre réfractaire vis-à-vis de l’objectification et de la standardisation ; (3) des usages sociaux très variables dus à son instabilité conceptuelle et à sa variation contextuelle (disparité de revenus, histoires, cultures...).

Explorer comment la discipline de l’épidémiologie internationale évolua en tandem avec le passage de la santé et développement internationaux à la mondialisation de la santé.

L’hypothèse selon laquelle le développement de l’épidémiologie psychiatrique internationale en tant que discipline dépendait (et vice-versa) du passage du régime de santé et développement internationaux au régime de la mondialisation de la santé sera explorée grâce à :<br />1°Une étude de cas historique et anthropologique (1960-2012) ayant pour objectif d’examiner le développement, les usages sociaux et les caractéristiques de l’épidémiologie psychiatrique au Sénégal. Le Sénégal présente un exemple fécond à cause de la singularité de sa tradition psychiatrique, l'Ecole de Fann, influencée par la psychanalyse, l’anthropologie et la psychiatrie françaises, et fondée par un neuropsychiatre français. La mondialisation de la santé mentale, comme l’acceptation de la psychiatrie par la biomédecine, requérait néanmoins que le variabilité culturelle puisse être remplacée par les preuves d'universalité de catégories de la maladie mentale. Pour cela, l’altérité de « l’esprit de l’homme africain » de la psychiatre coloniale britannique et de « l’Œdipe africain » de l’ethnopsychiatrie française, devaient être surmontés. Sous le régime de santé internationale, la tradition ethno-psychiatrique avait déjà croisé la perspective plus quantitative des ambitions développementalistes, sous l’influence de l’OMS et de l’agence de développement français. Malgré la « méfiance des nombres » exprimée par les psychiatres français (Henckes 2014), l’Ecole de Fann collabora sur des recherches quantitatives concernant la santé mentale et l’épilepsie. Cependant le tournant de la santé mentale mondiale a vu se développer une épidémiologie locale de l’épilepsie, mais pas de la maladie mentale. <br />2°La promotion de recherches comparatives sur l’histoire de l’épidémiologie psychiatrique, en consolidant un réseau international de chercheurs, en partenariat avec le Dr. G. Oppenheimer de Columbia University.

1) Etude de cas à niveaux et méthodes multiples appliquées aux usages sociaux et conceptuels de l’épidémiologie des psychoses, de la dépression et de l'épilepsie, au Sénégal. L’épidémiologie psychiatrique n’est pas examinée en tant que discipline développée en Occident, mais comme étant produite ou résistée localement. Au lieu d’une histoire développée en Occident et diffusée, nous examinons un processus multidirectionnel du local-glocal (glocal ): une mondialisation façonnée par la circulation et l’agrégation des pratiques locales ; des programmes qui ne se matérialisent que par leur interaction avec les acteurs locaux. Pour décrire ce glocal, nous combinons différents niveaux d’analyse et traçons la circulation des experts, politiques, outils, standards et leur l’interaction avec les acteurs. Nous utilisons des archives, entretiens, observations y compris d’acteurs habituellement négligés par l’histoire (patients, sujets de recherche), artéfacts (ordinateurs, cahiers de bord, outils, dons), ainsi que les politiques et pratiques locales (par ex, la transition de programmes de recherches néo-coloniales à celles contrôlées par l’état-nation). L’histoire épidémiologique locale sera mise en relation avec la reconfiguration du gouvernement de la santé d’après guerre. Enfin, le projet ne considère pas l’épidémiologie que comme une technique pour décrire les choses empiriquement, mais comme des pratique qui « font des choses » (Bauer 2000) voire construisent des faits par des processus statistiques, de combinaison d’échelles d’intervention, d’’interprétation contextuelle et de valuation de seulement certaines données.
2) Pour promouvoir des histoires internationales de l’ épidémiologie psychiatrique, un workshop international sera consacré aux méthodes en commun permettant des comparaisons raisonnées de cas.
3) Pour promouvoir l’échange avec des épidémiologistes et 4) disséminer les résultats à plusieurs disciplines, nous encouragerons les publications du workshop.

A venir

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Ce projet vise à contribuer à la fondation d’une histoire sociale et épistémologique de l’épidémiologie psychiatrique. A la différence de l’épidémiologie générale, l’épidémiologie psychiatrique n’est pas étudiée comme objet historique ou anthropologique, une situation que nous attribuons à 3 caractéristiques : (1) Sa consolidation tardive relativement à d’autres épidémiologies ; (2) l’aspect problématique de son objet – la santé mentale, les maladies mentales – lequel, sans marqueurs biologiques, reste réfractaire à l’objectification et la standardisation ; (3) des usages sociaux hautement variables dues à la fois à l’instabilité conceptuelle de la discipline et aux différences contextuelles (niveau de revenus des pays; passé colonial ; cultures de santé publique ; enjeux économiques et politiques).
Nous faisons l’hypothèse que cette histoire différenciée à été construite à travers deux régimes de savoirs et d’action : la santé internationale développementaliste (ca.1960- 1980s, pour la santé mentale) : la mondialisation de la santé (1980s-présent). Pendant la première période, l’accent mis sur les épidémies, la mortalité et les handicaps liés aux maladies tropicales a marginalisé la santé mentale. Pourtant l’OMS et les chercheurs occidentaux ont promu l’épidémiologie psychiatrique y compris pour démontrer l’universalité des catégories psychiatriques. Pendant la deuxième période, la santé internationale développementaliste a cédé devant la priorisation de la recherche, le marketing pharmaceutique et les modèles néolibéraux. Des instances internationales comme l’OMS ont été remplacées par des partenariats public-privé. Ces transformations ont influencé, et réciproquement, l’évolution et l’intensification des études d’épidémiologie psychiatrique, elle-même renforcée par les nouveaux systèmes diagnostics.

Nous explorerons nos hypothèses selon deux volets de recherche :
1° une étude de cas anthropo-historique (1960-2012) ayant pour objectif d’examiner le développement, des usages sociaux et des caractéristiques de l’épidémiologie psychiatrique au Sénégal. Son intérêt relève de la tradition psychiatrique post indépendance, l’Ecole de Fann, influencée par l’anthropologie et la psychanalyse, et fondée par un neuropsychiatre français. Malgré la « méfiance des chiffres » de la psychiatrie française de l’époque (Henckes 2010), l’Ecole de Fann collabora à l’épidémiologie de l’épilepsie et des maladies mentales par de grandes enquêtes locales (Niakhar, Dakar) de l’ORSTOM. Avec la globalisation de la santé, l’épidémiologie de l’épilepsie, mais pas des maladies mentales, évolua au niveau local – une différence à explorer.
Les donnés viendront d’un travail d’archives et d’entretiens d’acteurs : chercheurs, agents et participants aux recherches, membres d’organismes (de santé publique, ONGs, multilatérales, sociétés pharmaceutiques et de recherche). Les données seront gérées avec nVivo. L’analyse tracera les connections multidirectionnelle des réseaux d’individus et d’organisations, à différentes échelles, par lesquelles l’épidémiologie psychiatrique locale s’est construite (ou pas). Seront analysés aussi aussi les pratiques constitutives de ces connections et le sens que les acteurs leur donnent.
2° La promotion d’un réseau interdisciplinaire international de chercheurs intéressés par l’histoire de l’épidémiologie psychiatrique. Ce réseau, fondé par le coordinateur en 2010, sera promu grâce à un processus collectif, y compris un workshop. Notre Partenaire, l’historien et épidémiologiste G. Oppenheimer (Columbia U. Center for the History and Ethics of Public Health) nous conseillera sur la méthodologie et la promotion du réseau.

Le projet livrera des présentations aux praticiens sénégalais; des articles de revues scientifiques ; et un ouvrage édité. Le projet innove en ouvrant un nouveau sous-champ disciplinaire à l’intersection de l’anthropologie, l’histoire et science studies et par une étude de cas qui pourra servir de modèle ultérieur.

Coordination du projet

Anne Maureen LOVELL (Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale et Société) – anne.lovell@parisdescartes.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CERMES3 Centre de Recherche Médecine, Sciences, Santé, Santé Mentale et Société
CU Columbia University Center for the History and Ethics of Public Health

Aide de l'ANR 119 793 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2013 - 36 Mois

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