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Adaptation de la cellule pour coordonner la ségrégation des chromosomes avec la division cellulaire – ARC2-ChromSCeD

ARC2-ChromSCeD

Adaptation de la Cellule pour Coordonner la Ségrégation des Chromosomes avec la Division Cellulaire.

Régulation du cycle cellulaire pour éviter l'aneuploidie

La mitose est la dernière étape du cycle cellulaire durant laquelle des erreurs de ségrégation de chromosomes deviennent irréversibles. Des défauts de répartition du matériel génétique induisent la production de cellules filles contenant un nombre anormal de chromosomes encore appelées cellules aneuploïdes. L'aneuploïdie peut avoir des conséquences délétaires pour la cellule voire l'organisme entier; c'est une caractéristique des cellules cancéreuses. Des études récentes ont démontré que l'aneuploidie pouvait promouvoir la tumorigénèse ou bien l'inhiber selon les types cellulaires et le contexte génétique. Ainsi, la compréhension des mécanismes que la cellule développe pour empêcher cette aneuploïdie suscite un intérêt majeur.<br />Un des mecanismes mitotiques encore peu elucidé est la manière dont la cellule peut coordonner la ségrégation des chromosome avec la contraction de l'anneau au niveau du site de clivage. Cette coordination est essentielle pour la repartition correcte du matériel génétique dans les cellules filles. Pendant l'anaphase, les microtubules émanant de chaque pôle tirent sur les chromatides soeurs via leur kinétochore, qui se trouve au niveau d'une petite région spécialisée du chromosome. Ainsi, pendant la ségrégation des chromatides, le kinétochore arrive en premier au pôle de la cellule et le bras de la chromatide suit mais traîne derrière. En parallèle, l'anneau contractile de cytocinèse se met en place à l'équateur de la cellule pour engendrer la division. Comment les cellules détectent que les chromosomes ne sont plus au niveau de l'équateur (encore appelé site de clivage) avant le début de la cytocinèse? L'absence de cette coordination entre ségrégation des chromosomes et division cellulaire pourrait entraîner la cassure de chromosomes présents au niveau du site de clivage par l'anneau contractile en fin de cytocinèse, et ceci serait détrimental pour l'organisme puisque ces cellules deviendraient aneuploïdes.

Pour comprendre le mécanisme par lequel la ségrégation des chromosomes est coordonnée avec la contraction de l'anneau de division, les effets de chromosomes anormalement longs ont été évalués. L'intérêt d'utiliser des chromosomes anormalement longs est que cette expérience n'affecte pas la morphologie du fuseau mitotique et donc ne devrait pas affecter la ségrégation des chromosomes. Cependant, ce type de chromosomes trainera plus longtemps au niveau du site de division et devrait donc exacerber le mécanisme de coordination de la ségrégation de chromosomes avec la division cellulaire s'il existe.
Chez la Drosophile, ces chromosomes anormalement longs entraînent des erreurs de ségrégation pendant les divisions embryoniques du syncytium alors que les neuroblastes larvaires se divisent correctement via un mécanisme non décrit.
Nous avons identifié ce mécanisme par lequel ces cellules coordonnent la ségrégation des chromosomes avec la division cellulaire. Les neuroblastes larvaires s'adaptent à la présence de ces chromosomes en s'allongeant transitoirement pendant l'anaphase/télophase. Lors de l'élongation de la cellule, simultanément, des anneaux de myosine corticale se forment de part et d'autre de l'anneau contractile principal. Cette réponse est médiée par une Rho GEF (Guanine-nucleotide Exchange Factor) appelée Pebble (Pbl). Le challenge de mon projet est donc d'élucider le mécanisme moléculaire de cette communication entre la chromatine à l'équateur et le cortex: Pbl est activé, les anneaux de myosine supplémentaires formés entrainant l'élongation de la cellule. Pour cela, je vais répondre aux questions suivantes:
-Quelles sont les protéines du cytoskelette impliquées?
-La protéine AuroraB est-elle un acteur de cette voie?
-Les microtubules jouent-ils un rôle dans ce mécanisme?
-Quelle est le rôle de la chromatine dans ce mécanisme?
-Ce mécanisme est-il spécifique des cellules souches neurales?
-Peut-on identifier de nouveaux régulateurs de cette voie?

En ce qui concerne le rôle des protéines du cytoskelette, j'ai récemment observé que d'autres protéines comme l'anillin et la septin 2 étaient aussi recrutées dans les anneaux supplémentaires. De plus, en étudiant la dynamique de la myosine, j'ai détecté un enrichissement de myosine sous forme de patchs corticaux aux pôles à la fois dans les cellules contrôles et cellules contenant de longs chromosomes pendant l'anaphase. Cependant ces patchs disparaissent rapidement dans les cellules contrôles alors qu'ils restent présents pendant la période de déformation de la cellule avec de longs chromosomes. Le signal de dépolymérisation de la myosine corticale serait donc retardé dans ces cellules contenant de longs chromosomes.
Pour vérifier le rôle d'AuroraB dans ce mécanisme d'élongation, je suis en train de créer un outil portant une mutation dans le gène Subito. La protéine exprimée par ce gène permet la translocation d'AuroraB sur le fuseau central en anaphase. Quand les cellules s'allongent, AuroraB décore le fuseau central: cette expérience nous permettra donc tester si l'absence d'AuroraB au fuseau central a un impact sur ce mécanisme d'élongation.
Concernant le rôle de la chromatine, des résultats préliminaires suggèrent que le gradient de RanGTPase se formant autour des chromosomes mitotiques pourraient être à l'origine du mécanisme d'adaptation des cellules. En effet, en absence de RCC1, un activateur de RanGTPase, la plupart des cellules ne sont plus capables de s'allonger malgré la présence de chromosomes au niveau du site de clivage. Ces résultats montrent donc que RanGTPase, comme Pbl, est un acteur clé dans la voie de signalisation entre les chromosomes au niveau du site de clivage et le cortex.
Pour determiner si ce mécanisme est spécifique des neuroblastes, j'ai récemment étudié la division d'un autre type de cellules (Précurseurs des Organes Sensoriels) et j'ai pu observer que ces cellules pouvaient aussi s'allonger en présence de longs chromosomes.

Dans un premier temps, je voudrais déterminer si ces autres protéines du cytoskelette, anillin et septin, qui se localisent comme la myosine au niveau des multiples anneaux, sont nécessaires au mécanisme d'élongation en présence de longs chromosomes. De plus, pour identifier le signal à l'origine de la dépolymérisaiton de la myosine qui est retardé en présence de longs chromosomes, je vais comparer la vitesse de décondensation des chromosomes ansi que la vitesse de reformation de l'enveloppe nucléaire entre ces cellules et des cellules contrôles.
Pour déterminer le rôle d'AuroraB dans ce processus, les mouches portant la mutation du gène Subito seront bientôt disponibles et je pourrai donc suivre la division de leurs neuroblastes en présence de longs chromosomes.
Concernant le signal émanant de la chromatine à l'orgine de cette réponse, je dois confirmer les résultats obtenus avec des mutants de la voie RanGTPase et j'aimerai vérifier si les adultes développent des défauts morphologiques potentiellement issus de la formation de cellules aneuploïdes pendant le développement, comme les mutants Pbl. Pour prouver cela, je vais aussi réaliser des marquages des tissus concernés par ces défauts pour détecter la présence de cellules apoptotiques au stade larvaire en présence de longs chromosomes.
Les Précurseurs des Organes Sensoriels, comme les neuroblastes, sont capables de s'adapter à la présence de longs chromosomes en s'allongeant. Cependant ces cellules se divisent de manière asymétrique, je vais donc suivre la division symétrique des cellules des disques d'ailes afin de vérifier si ce mécanisme est spécifique de la division asymétrique.

Nous avons publié une partie des résultats dans le journal scientifique Journal of Cell Biology en novembre 2012 (Vol.199, N°5) juste avant le lancement de mon financement ANR et je partage la place de premier auteur sur ce papier; le dernier auteur étant Anne Royou, qui m'accueille au sein de son laboratoire et qui avait initié le projet quand elle était encore en post-doctorat à Santa Cruz University.
Depuis le début de mon financement ANR RPDoc, j'ai pu assister à deux conférences, l'une à Montpellier (France, France, 3rd Cell Cycle and Cancer Meeting, 2 au 5 avril 2013) et l'autre à Breukelen (Les Pays-Bas, Chromosome Segregation and Aneuploidy EMBO workshop, 22 au 26 Juine 2013). Je suis allée présenter mes derniers résultats et ils ont été bien reçus par la communauté de scientifiques de mon domaine. J'ai même gagné le premier prix du poster à Montpellier, ce qui m'a permis de financer partiellement ma conférence aux Pays-Bas. Plus récemment, j'ai été sélectionnée pour donner une présentation orale à la conférence de Totnes (UK, EMBO meeting on Drosophila Cell Division Cycle Workshop, 12 au 16 septembre 2013).

La division cellulaire est un évènement fondamental qui permet le maintien des organismes et leur multiplication. Elle permet la reproduction des organismes unicellulaires et elle est requise pour le développement, la croissance et la réparation des tissus des organismes pluricellulaires. La division cellulaire correspond au processus par lequel une cellule mère donne naissance à deux cellules filles. Ce processus se divise en deux étapes majeures: l'interphase (comprenant les phases G1, S et G2) qui est une phase de croissance durant laquelle l'ADN est répliqué et les centrosomes dupliqués, et la mitose (prophase, prométaphase, métaphase, anaphase and télophase) qui est une phase de division au cours de laquelle les chromosomes se répartissent entre les deux cellules filles, suivie par la cytocynèse permettant la séparation physique des cellules filles.

Le déroulement de ce cycle cellulaire doit être rigoureusement régulé afin d’assurer la formation de deux cellules filles génétiquement identiques entre elles. Ainsi, la cellule a développé des points de contrôle pour surveiller la progression de ce cycle. Quatre points de contrôle majeurs ont été décrits à ce jour, intervenant aux transitions G1/S, G2/M, Métaphase/Anaphase et en fin de cytocynèse. La progression du cycle peut être suspendue aux différents points de contrôle si les conditions requises pour que la division se fasse correctement ne sont pas valides. Ces mécanismes s’assurent que chaque cellule fille hérite du nombre correct de chromosomes et permettent donc de préserver l’intégrité du patrimoine génétique.

Récemment, nous avons mis en évidence l’existence d’un nouveau mécanisme qui permet la coordination de la ségregation des chromosomes avec la division cellulaire au cours de la division asymétrique des neuroblastes larvaires de Drosophile. Ces cellules sont capables de s’adapter à la présence de longs chromosomes en s’allongeant de manière transitoire au cours de l’anaphase/télophase. Cette élongation coincide avec une répartition plus large de la myosine qui forme des anneaux concentriques au niveau du cortex de la cellule qui s’allonge sans compromettre la cytocynèse. La Rho-GEF (Guanine-nucleotide Exchange Factor), Pebble, est impliquée dans cette réponse. Cette étude révèle l’existence d’une communication entre la chromatine et la myosine corticale qui permet la séparation physique des cellules filles seulement lorsque les chromosomes sont absents de la zone de clivage. Mon projet de recherche vise à déterminer le mécanisme moléculaire de cette nouvelle voie de signalisation permettant de lutter contre l’aneuploïdie. Pour cela, je vais déterminer le rôle des protéines du cytosquelette permettant la déformation des cellules au cours de l’anaphase/télophase. En parallèle, je vais tenter d’identifier les composants de la chromatine à l’origine de cette élongation. De plus, en réalisant des cribles, je vais identifier les différents acteurs impliqués dans cette nouvelle voie de signalisation permettant la communication entre la chromatine au niveau du site de clivage et la myosine corticale. Enfin, en étudiant la division d’autres types de cellules, je vais pouvoir déterminer si ce mécanisme est spécifique de la division asymétrique des neuroblastes larvaires de Drosophile.

L’aneuploïdie, une anomalie du nombre de chromosomes dans la cellule, est une altération très fréquemment observée dans les tumeurs cancéreuses qui contribue à l’acquisition d’une instabilité génétique. Cette caractéristique est typique des cellules cancéreuses, confirmant la théorie de Boveri, datant de 1914, indiquant qu’un nombre anormal de chromosomes engendre l’apparation de tumeurs. La compréhension d’un nouveau mécanisme permettant de lutter contre l’aneuploïdie pourrait donc fournir de nouvelles pistes pour l’élaboration de nouveaux traitements contre le cancer.

Coordination du projet

Emilie MONTEMBAULT (Institut Européen de Chimie et Biologie, Bordeaux (Emilie Montembault)) – e.montembault@iecb.u-bordeaux.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS (UMR5095) Institut Européen de Chimie et Biologie, Bordeaux (Emilie Montembault)

Aide de l'ANR 240 958 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2013 - 36 Mois

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