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La plasticité phénotypique et la vie en société facilitent l’évolution de nouveaux phénotypes chez les fourmis – ANTEVO

La diversification évolutive des fourmis, des anomalies aux nouvelles castes

Les fourmis ont pu évoluer une diversité de castes exceptionnelle (reines ailées, reines sans ailes, ouvrières, soldats, …) à partir d’une homogénéité ancestrale. Nous étudions les mécanismes développementaux et sélectifs mis en jeux, et notamment l’importance des anomalies développementales et de la vie en société.

L’évolution de nouveaux traits facilitée par la plasticité du développement

Comprendre comment la biodiversité est générée est essentiel pour appréhender les effets des changements environnementaux sur le vivant. Les fourmis sont un modèle idéal de par leur succès écologique et leur diversité. Comment ont-elles évolué de nouvelles castes (reines sans ailes, soldats) en plus des castes ancestrales (reines ailées, ouvrières)? Nous mettons en avant la production d’anomalies mosaïques et la socialité. Ceci souligne le rôle de la plasticité développementale dans l’évolution.

Nous récoltons des colonies de deux genres de fourmis (Mystrium et Temnothorax). D’une part nous étudions la morphologie, la physiologie et le comportement d’anomalies développementales produites naturellement ou artificiellement dans les colonies. D’autre part nous décrivons le développement et l’expression des gènes des larves de nouvelles castes reines sans ailes. En les comparant, nous proposons que les nouvelles castes ont évolué à partir d’anomalies développementales.

Certaines colonies contiennent quelques anomalies. Les premiers résultats chez Mystrium montrent qu’elles sont des mosaïques combinant des traits de reine et d’ouvrière, qu’elles survivent et travaillent dans les colonies, et qu’elles ont un accès facilité à la reproduction. Nous développons des sondes pour détecter l’expression des gènes chez les larves, et mettons au point les techniques de dissection et d’histologie, afin de tester si les reines sans ailes sont aussi des mosaïques.

Les premiers résultats valident nos hypothèses. Au lieu de produire de véritables nouveautés, les fourmis peuvent produire des mosaïques des castes reine ailée et ouvrière. Ces mosaïques survivent, protégées par les congénères du nid, et elles peuvent apporter des bénéfices à toute la colonie. Elles pourraient ainsi être sélectionnées et évoluer en nouvelles castes mosaïques comme les reines sans ailes. Ce mécanisme accélérerait l’évolution des fourmis et aurait contribué à leur biodiversité.

Ces résultats seront présentés lors du congrès de l’Union Internationale pour l’Etude des Insectes Sociaux en aôut 2013 à Villetaneuse, au cours de deux interventions orales et un poster. Les travaux sur les anomalies de Mystrium donneront lieu à la rédaction de deux à trois manuscrits scientifiques à partir de septembre 2013.

L’étude des mécanismes impliqués dans la production, la survie et la sélection de phénotypes nouveaux est indispensable à la compréhension de la biodiversité et de l’évolution. La plasticité phénotypique est un facteur pouvant favoriser la production de nouveaux phénotypes. Chez les organismes polyphéniques, c.à.d. ayant une plasticité phénotypique avec des morphes alternatifs discrets (par exemple des morphes saisonniers chez certains papillons), des phénotypes nouveaux peuvent être produits par combinaison de traits exprimés dans des phénotypes alternatifs. Ces phénotypes nouveaux sont observés à faible fréquence et leur production peut augmenter suite à des changements environnementaux. Nous proposons que, chez les espèces sociales et polyphéniques, la production de phénotypes nouveaux soit plus probable et qu’ils aient plus de chance d’être favorisés par la sélection, et que ceci puisse affecter la réaction de ces espèces aux changements globaux.
Les fourmis sont un modèle idéal pour étudier l’évolution de phénotypes nouveaux car elles sont hautement polyphéniques, avec deux castes nettement distinctes : les reines ailées sont spécialisées pour fonder des colonies et pondre des œufs tandis que les ouvrières sans ailes exécutent les autres taches. Ces deux phénotypes adultes sont le plus souvent déterminés par l’environnement pendant le développement larvaire. De nombreuses espèces produisent de nouvelles castes en plus (ou au lieu) de ces castes ancestrales de reines et d’ouvrières, notamment des reines aptères et des soldats. La production de ces nouvelles castes a évolué indépendamment de nombreuses fois, et nous proposons d’étudier comment ceci est possible. Notre hypothèse repose sur la production occasionnelle de phénotypes anormaux (intercastes) qui sont intermédiaires entre des reines et des ouvrières, et que nous proposons être à l’origine des nouvelles castes. Nous étudierons trois questions.
Premièrement, déterminer si des changements environnementaux (température) et des traitements hormonaux modifient le taux de production des intercastes. A l’aide de la morphométrie nous comparerons leurs phénotypes avec ceux des castes « normales » (ouvrières et reines ailées) et des intercastes produits spontanément. En second lieu, tester si les intercastes et les phénotypes nouveaux (reines aptères et soldats) sont produits par recombinaison de modules de développement des reines ailées et des ouvrières. Nous étudierons l’expression de gènes dans les disques imaginaux des larves par hybridation in situ pour tester notre prédiction que les réseaux de gènes exprimés chez les reines aptères et les soldats ne sont pas modifiés de novo mais recyclés de ceux des reines ailées et des ouvrières ancestrales. Troisièmement, à l’aide de méthodes éthologiques, morphométriques et de dissections, tester les hypothèses que les phénotypes nouveaux sont protégés de la sélection individuelle dans les espèces sociales et qu’ils peuvent conférer des bénéfices au niveau colonial. Des phénotypes nouveaux ont plus de chance de survivre dans des espèces sociales que dans des espèces solitaires car la colonie les protège de l’environnement extérieur (hypothèse de l’incubateur colonial), et que leur production peut engendrer des bénéfices au niveau de la colonie quand leur nouvelle morphologie, couplée avec la division du travail qui caractérise les insectes sociaux, les rend plus efficaces à certaines taches (hypothèse de l’utilité des nouveaux phénotypes).
Tester ces hypothèses sur l’évolution des nouvelles castes aiderait à mieux comprendre la spectaculaire évolution morphologique des fourmis et, plus généralement, l’évolution de la biodiversité. Cela permettrait aussi de déterminer si la plasticité phénotypique pourrait jouer un rôle dans l’adaptation aux changements globaux.

Coordination du projet

Mathieu MOLET (Laboratoire Ecologie & Evolution UMR7625 CNRS/UPMC) – mathieu.molet@gmail.com

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EcoEvo Laboratoire Ecologie & Evolution UMR7625 CNRS/UPMC

Aide de l'ANR 299 765 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2012 - 36 Mois

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