Dynamiques de diffusion des techniques et styles céramiques : données comparatives actualistes et modélisation multi-agents – DIFFCERAM

Afin d'élaborer le modèle multi-agents, des protocoles d'enquêtes ont été élaborés, communs aux différents terrains ethnographiques.
Le premier questionnaire est un questionnaire «traditionnel« qui a pour objectif de collecter toutes les informations qui permettent de reconstruire les changements techniques et stylistiques à un niveau individuel. A partir de ces informations, il sera possible, par agrégation, de reconstruire les taux d’adoption pour chaque trait au cours de deux, voire trois générations.
Le second questionnaire est destiné à obtenir des données empiriques sur les sources d'influence à l'origine des emprunts. Il comporte trois parties:
- A/ la première partie contient un « générateur de nom » qui vise à reconstruire le réseau de contact de chaque artisan.
- B/ la seconde partie contient un « interpréteur » des noms donnés par le sujet interviewé. Il s’agit d’une série de questions destinées à comprendre les caractéristiques des contacts d’ego.
- C/ la troisième partie regroupe des questions destinées à évaluer, d’une part, les seuils d’activation des acteurs, et, d’autre part, les raisons qui peuvent les amener à imiter le comportement d’autrui.
Le troisième questionnaire a pour objectif de collecter des informations sur la résistance au changement à partir d'expérimentations de terrain. L’hypothèse est que cette résistance varie en fonction du degré d'expertise de l'artisan et de la nature des traits céramiques. Elle peut être mesurée à partir d’une étude de a) l’apprentissage des traits techniques et stylistiques céramiques, b) du degré d'expertise et de la compréhension des propriétés de la tâche de l'artisan.

Les résultats attendus sont :
- établir et expliquer les courbes de diffusion observées sur les différents terrains ethnographiques (premier groupe de régularités) en précisant les contextes socio-économiques dans lesquels les traits céramiques ont diffusé ou n’ont pas diffusé;
- établir la structure des réseaux de conseil qui relient les artisans ainsi que les raisons qui les poussent à imiter le comportement d’autrui (second groupe de régularités).
- évaluer la résistance au changement en fonction de la nature des traits céramiques par une analyse comparative des modalités d’apprentissage et de transmission des traits céramiques, des degrés d'expertise des artisans et de l'emprise des représentations culturelles sur la compréhension des propriétés des tâches techniques.

La construction du modèle de simulation se basera sur le second groupe de régularités et sur les effets de résistance au changement pour établir quel ensemble de mécanismes est à même de rendre compte du premier groupe de régularités.
La simulation permettra d'engendrer des courbes de diffusion virtuelles qui seront comparées aux courbes de diffusion empiriques. La validité des mécanismes envisagés sera ainsi testée.
Le résultat le plus élégant que nous puissions obtenir serait de disposer d’un modèle ayant un ensemble unique de mécanismes explicatifs dont la combinaison spécifique et l’intensité varient selon le contexte et le type de trait dont il s’agit d’expliquer la diffusion.

Les perspectives de recherche sont à envisager selon chaque discipline:
- en archéologie: recherches sur les dynamiques culturelles à l’œuvre dans les changements observés sur la longue durée ;
- en sociologie: recherches sur les mécanismes de diffusion des comportements en fonction de la composition sociologique des communautés ;
- en psychologie: recherches sur les mécanismes cognitifs sous-jacents à l'adoption de nouveaux comportements.

- à venir -

En archéologie, il est possible d’identifier des interactions entre groupes à partir de la diffusion de traits techniques ou stylistiques. En revanche, il n’existe pas de référentiels, basés sur des données empiriques, qui permettent d’interpréter la diffusion de ces traits en termes de modalités de transmission. Il en résulte qu’à l’heure actuelle il est difficile de distinguer, par exemple, entre une diffusion démique et une diffusion culturelle, ce qui, à terme, empêche toute restitution de l’histoire des dynamiques culturelles.
Pour répondre à ce manque et ainsi enrichir l’interprétation archéologique, l’objectif de ce projet est de constituer des référentiels sur les processus de diffusion des traits techniques et stylistiques céramiques. La constitution de ces référentiels se fera à l’aide d’un modèle multi-agents qui s’appuiera sur des données actualistes afin de réconcilier approche modélisante et approche empirique. Pour ce but, il sera question d’étudier les conditions dans lesquelles les techniques et les styles céramiques se transmettent et diffusent. L’hypothèse est que ces conditions correspondent à des régularités qui peuvent s’exprimer sous la forme verbale suivante : « Dans C (contexte socio-économique), SI i (interactions) et Si n (nature du trait), ALORS d (diffusion) ». La collecte des données actualistes se fera sur plusieurs terrains afin de faire varier les paramètres. Des enquêtes ethnoarchéologiques comparatives seront menées dans cinq contrées différentes, l’Inde, le Kenya, l’Ethiopie, le Cameroun et les Philippines. Les mécanismes explicatifs des régularités et la nature des traits céramiques seront analysés en termes psycho-sociaux à partir d'études sur les modalités d’apprentissage et de transmission des traditions potières. L’ensemble des données actualistes enrichiront alors un modèle multi-agents qui permettra de simuler et d’explorer les conditions dans lesquelles les processus de diffusion ont lieu.
Trois disciplines seront impliquées: l’anthropologie sociale, regroupant à la fois ethnoarchéologues et ethnologues pour le recueil des données empiriques, la sociologie pour la formalisation des régularités, et la psychologie expérimentale pour une compréhension des mécanismes sous-jacents aux régularités.
Les résultats attendus sont : a) une analyse comparative des différents contextes socio-économiques dans lesquels des traits céramiques ont diffusé ou n’ont pas diffusé ; b) une analyse comparative des modalités d’apprentissage et de transmission des traits céramiques ; c) une modélisation des conditions de diffusion des traits céramiques (contextes, interactions, nature du trait) destinée à simuler les observations faites à une micro-échelle pour en voir les effets émergeants au niveau populationnel (sur plusieurs générations) et dégager des régularités.
Ce sont ces régularités portant sur le contexte dans lequel des interactions déclenchent des transmissions qui serviront, à terme, de référentiels pour interpréter les processus de diffusion en termes d’interactions (la variable inconnue), et par suite, les dynamiques et les pressions sélectives à l’œuvre dans l’évolution des traits culturels et des sociétés.