Blanc SVSE 8 - Blanc - SVSE 8 - Biochimie, biologie moléculaire et structurale

Mécanisme et dynamique de la photoréparation de l'ADN par la photolyase (6-4) – (6-4)PhotoMec

Comprendre le mécanisme réactionnel de la photolyase (6-4), une enzyme de réparation de l'ADN.

L'absorption de lumière UV induit des lésions nocives dans l'ADN dont l'une d'entre elles est appelée photoproduit (6-4). Celui-ci peut être réparé par la photolyase (6-4) grâce à la lumière visible, mais le mécanisme de cette réparation est assez peu compris.

Utiliser la lumière pour réparer ce que la lumière a endommagé.

La réparation des lésions de l'ADN induites par les UV est cruciale pour la survie. Les deux lésions UV les plus fréquentes sont le dimère cyclobutane de pyrimidines (CPD) et le photoproduit pyrimidine(6-4)pyrimidone (6-4PP). Pour les réparer, la Nature a développé des enzymes spécifiques, utilisant la lumière : la photolyase CPD et la photolyase (6-4). Alors que la connaissance sur la réparation des lésions CPD a bien avancé, le mécanisme de réparation pour les défauts 6-4PP est toujours mal compris.<br />Les photolyases CPD et (6-4) sont des protéines homologues de ~55 kDa que l'on trouve dans des organismes de tous les règnes de vie. Elles portent un cofacteur de type flavine, la flavine adénine dinucléotide (FAD). FAD doit être dans son état complètement réduit, FADH–, pour être active pour la photoréparation de l'ADN. Les états redox entièrement oxydé (FADox) et semi-réduit (FADH•) peuvent être convertis en FADH– par une photoréaction secondaire, qui n'implique pas l'ADN, ladite photoactivation. Dans la photolyase CPD, la photoactivation s'effectue au moyen d'un transfert d'électron ultrarapide vers la flavin via une chaîne de trois résidus tryptophane conservés.<br />En ce qui concerne la réparation des lésions CPD par la photolyase CPD, il a été établi que, après excitation de FADH–, un électron est transféré en ~100 ps de la flavine au CPD. La rupture des deux liaisons intra-dimère s'effectue rapidement (300 ps) et l'électron en excès est restitué à la flavine, reconstituant ainsi deux pyrimidines intactes en ~1 ns. La réparation de la lésion 6-4PP est un défi chimique plus important parce qu'elle exige le transfert d'un groupe fonctionnel en plus de la rupture de la liaison intra-dimère. En outre, son étude expérimentale est techniquement plus difficile car le rendement quantique de réparation est faible. Le projet vise à élucider expérimentalement les mécanismes réactionnels de réparation d'ADN par la photolyase (6-4), en y incluant la réaction de photoactivation.<br />

Dans une approche pluridisciplinaire, on combine la biochimie, la biologie moléculaire et la synthèse organique pour la préparation d'enzymes et de substrats avec des techniques avancées de spectroscopie optique résolue en temps pour mener à bien des études fonctionnelles.
Une enzyme commune est utilisée pour toutes les études : la photolyase (6-4) de la grenouille Xenopus laevis.
En ce qui concerne la réaction de photoréparation, des innovations essentielles comme le développement d'un substrat synthétique spécial pour la photolyase (6-4), la couverture de toutes les échelles de temps pertinentes (de 200 fs à la seconde) et l'inclusion de la, difficile mais cruciale, bande à 265 nm des bases nucléiques intactes dans les études d'absorption transitoire, devrait contribuer à permettre de résoudre le mécanisme et la dynamique de photoréparation de la lésion 6-4PP.
Pour ce qui est de la réaction de photoactivation, une approche couvrant toutes les échelles de temps est combinée avec de la mutagénèse dirigée dans le but de résoudre le chemin de transfert d'électron et sa cinétique. Nous envisageons en particulier de comprendre le couplage entre transfert d'électron et de proton qui joue probablement un rôle crucial dans la réduction de FADox en FADH•.

Il est connu que la réparation du défaut 6-4PP par la photolyase (6-4) a un rendement quantique plutôt faible (de 3 % à 11 %, en comparaison à 50 % à 100 % pour la réparation de la lésion CPD par la photolyase CPD) et que son mécanisme n'a pas été résolu expérimentalement. Nous avons désormais réussi à quantifier la réparation du 6-4PP grâce à des séries d'impulsions courtes appliquées à des échantillons adaptés à l'obscurité, constitués de la photolyase (6-4) liée à un brin d'ADN synthétique contenant un unique défaut 6-4PP central. Les résultats obtenus suggèrent fortement que deux photoréactions successives soient nécessaires pour réparer le 6-4PP. La forme intermédiaire de l'ADN formée par la première photoréaction a des caractéristiques spectrales compatibles avec un dimère de type oxétane ; en absence d'une seconde excitation celui-ci se désactive en reformant le défaut 6-4PP original en ~100 s. Les rendements quantiques de la 1ère et de la 2ème photoréaction ont été évalués à 7 % et 80 %, respectivement. La durée de vie longue de l'intermédiaire doit permettre d'obtenir, via ce processus à deux photons, un rendement de réparation global raisonnable sous la lumière naturelle du Soleil.
Ces résultats expérimentaux mettent en difficulté certains concepts théoriques antérieurs qui supposaient un mécanisme de réparation à un photon (comme pour la réparation des défauts CPD) et ouvre la voie à les études expérimentales et théoriques plus détaillées de chacune des deux photoréactions de la réparation du défaut 6-4PP.

Ni les humains ni les autres mammifères placentaires ne possèdent de photolyases ; ils doivent réparer les lésions CPD et 6-4PP via le mécanisme plus complexe de l'excision de nucléotide (NER), qui consomme de l'ATP et est indépendant de la lumière. Les progrès réalisés dans la compréhension des mécanismes de réparation par les photolyases pourrait ainsi contribuer, sur le long terme, au développement de composés de réparation bio-inspirés qui pourraient être inclus dans des produits de soin pour la peau afin de prévenir le cancer.
Au-delà de la question de l'élucidation du mécanisme de réparation d'ADN par les photolyases, le présent projet vise également à fournir une nouvelle compréhension du processus fondamental de transfert d'électron couplé au transfert de proton, lequel joue un rôle central dans beaucoup de réactions biochimiques et est d'un très grand intérêt pour la recherche sur la conversion bio-inspirée de l'énergie solaire.

Yamamoto, J., Martin, R., Iwai, S., Plaza, P., and Brettel, K. (2013): Repair of the (6-4) photoproduct by DNA photolyase requires two photons. Angew. Chem. Int. Ed. 52, 7432-7436.

La réparation des lésions de l’ADN induites par la lumière UV du Soleil est cruciale pour la survie sur Terre. Les deux lésions UV les plus fréquentes sont les dimères cyclobutane de pyrimidines (CPD) et le photoproduit pyrimidine(6-4)pyrimidone (6-4PP). Pour les réparer, la Nature a développé deux enzymes photoactivées : les photolyases CPD et (6-4). Si la connaissance sur la réparation des CPD a considérablement avancé cette dernière décennie, le mécanisme de réparation des 6-4PP est toujours mal compris.
Les photolyases CPD et (6-4) sont des protéines homologues trouvées dans des organismes de tous les règnes du vivant. Elles portent un cofacteur flavine adénine dinucleotide (FAD) qui joue le rôle d'agent photocatalytique. FAD doit être dans son état complètement réduit, FADH-, pour que la photoréparation de l'ADN soit active. Les formes oxydée (FADox) et semi-réduite (FADH°) de FAD peuvent être converties en FADH- par une photoréaction secondaire, n'impliquant pas l'ADN, dite de photoactivation. Dans la photolyase CPD, la photoactivation se produit par le transfert électronique ultrarapide vers la flavine via une chaîne de trois résidus tryptophane ; elle est devenue un paradigme pour la compréhension du transfert d'électron intraprotéique à longue portée. Il semble cependant qu’une tyrosine soit impliquée dans le cas de la photolyase (6-4) (Weber et al., PNAS 99 (2002) 1319).
En ce qui concerne le mécanisme de réparation des lésions CPD par la photolyase CPD, il a été établi par spectroscopie résolue en temps qu’après excitation de FADH- un électron est transféré en ~100 ps au CPD complexé à l’enzyme. Les deux liaisons intra-dimère se rompent rapidement (< 300 ps) et l'électron en excès est rendu à la flavine, reconstituant ainsi deux pyrimidines intactes en ~1 ns.
En comparaison, la réparation de la lésion 6-4PP est chimiquement plus complexe car elle exige le transfert d'un groupe fonctionnel, en plus de la rupture de la liaison intra-dimère. En outre, l'étude expérimentale du mécanisme de réparation de la lésion 6-4PP par la photolyase (6-4) est techniquement plus difficile à cause d'un rendement quantique de réparation faible (10% comparé à 50-100% pour la réparation des CPD). L’unique étude résolue en temps publiée à ce jour (Li et al., Nature 466 (2010) 887) a démontré le transfert d’un électron de FADH- excité au 6-4PP en 225 ps, suivi d’une recombinaison de charge s’effectuant en 50 ps pour 90% des photolyases excitées. Pour les 10% restants, la restitution de l'électron à FADH° n’a pas été observée dans la fenêtre temporelle expérimentale de 2.5 ns, ce qui suggère que la réaction de réparation dure considérablement plus longtemps.
Le présent projet vise à faire avancer la connaissance sur le mécanisme de la photoréparation de l’ADN par la photolyase (6-4), ainsi que sur celui de sa photoactivation. Dans une approche pluridisciplinaire, on combinera biochimie, biologie moléculaire et synthèse organique destinées à la préparation d'enzymes et de substrats à des techniques avancées de spectroscopie optique résolue de temps pour les études fonctionnelles.
Pour la photoréparation, des innovations essentielles comme le développement d'un substrat synthétique spécial pour la photolyase (6-4), la couverture de toutes les gammes temporelles pertinentes (de 200 fs à la seconde), et l'inclusion de la bande à 265 nm des nucléobases réparées dans les études par absorption transitoire, devraient contribuer à la résolution du mécanisme et de la dynamique de photoréparation des lésions 6-4PP.
Pour la réaction de photoactivation, une approche combinant spectroscopie à toutes les échelles de temps et mutagenèse dirigée sera utilisée pour déterminer le chemin de transfert d’électron et sa cinétique. On cherchera en particulier à comprendre le couplage entre transfert d’électron et de proton qui joue probablement un rôle crucial dans l'oxydation de tyrosine par un radical tryptophanyl, ainsi que dans la réduction de FADox en FADH°.

Coordination du projet

Klaus BRETTEL (UMR8221 Systèmes membranaires, photobiologie, stress et détoxication) – klaus.brettel@cea.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Osaka University Division of Chemistry, Graduate School of Engeneering Science
CNRS ENS Chimie Laboratoire des Processus d'Activation Sélective par transfert d'Energie Uniélectronique ou Radiatif
CNRS (DR4) UMR8221 Systèmes membranaires, photobiologie, stress et détoxication

Aide de l'ANR 397 486 euros
Début et durée du projet scientifique : août 2012 - 36 Mois

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