Blanc SVSE 7 - Blanc - SVSE 7 - Biodiversité, évolution, écologie et agronomie

L’hybridation, un processus clé mais négligé de la dynamique de la biodiversité marine – HYSEA

L’hybridation, un processus clé mais négligé de la dynamique de la biodiversité marine

En milieu marin, les introductions d’espèces et les changements environnementaux mettent en contact des espèces qui étaient, jusqu’alors, isolées depuis des temps anciens dans différentes mers. Quelles vont être les conséquences de ces rencontres inattendues ? Quel est le devenir de ces espèces dans le milieu ? Comment leur génome va-t’il être modifié ?

Décrypter les conséquences de contacts récents entre espèces proches en milieu marin

Les activités humaines modifient les aires de distribution naturelle des espèces et la biodiversité en milieu marin. Certaines espèces sont introduites dans le même habitat que des espèces locales avec lesquelles elles étaient séparées depuis plusieurs millions d’années mais avec lesquelles elles peuvent encore se reproduire. HySea étudie 4 paires d'espèces témoignant de ces contacts secondaires. Les conséquences potentielles de ces contacts, par exemple sur l'architecture des génomes ou sur l'expansion de l'espèce introduite, sont importantes mais très mal connues en milieu marin. Leur étude est au coeur du projet HySea, qui associe approches évologiques et évolutives.

Les processus en œuvre lors de l’hybridation entre des espèces proches sont complexes : ils combinent des effets de l’environnement ainsi que ceux des traits biologiques et des fonds génétiques des deux espèces. Aussi, afin d’appréhender finement les conséquences des croisements entre espèces, le projet HySea repose sur la mise en œuvre d’approches complémentaires. Ces méthodes sont :1) des études expérimentales avec des croisements réalisés en aquarium sur deux générations, pour analyser le potentiel d’hybridation et de viabilité des hybrides, 2) des analyses moléculaires utilisant de nouvelles technologies d’étude des génomes pour décrypter les conséquences de ces croisements sur l’architecture du génome des deux espèces 3) des études de la diversité génétique et des génomes au sein même des populations naturelles, pour quantifier l’importance de ces hybridations en milieu naturel et 4) pour interpréter cet ensemble de résultats ainsi que pour tirer avantage de prédictions théoriques, des modèles informatiques sont développés. La mise en œuvre simultanée de ces différentes approches est réalisée grâce aux expertises existant chez les quatre laboratoires partenaires du projet HySea (trois laboratoires CNRS-Université et un laboratoire de l’Ifremer) et leurs deux collaborateurs (un chercheur de Cambridge et une start-up).

La première étape du projet HySea est de mettre en place les outils adéquats et d’obtenir les matériels biologiques nécessaires aux expériences et analyses. Ce sont les tâches qui ont été mises en œuvre au cours du premier semestre du projet :
- Des croisements expérimentaux ont été conduits. Par exemple, les travaux réalisés sur la cione montrent que les hybrides issus du croisement entre l’espèce locale et l’espèce introduite (cf photo) sont viables et fertiles entre eux ; ceci n’avait encore jamais été démontré.
- Des prélèvements en milieu naturel ont été réalisés pour les 8 espèces étudiées afin de constituer des collections de tissus ou d’ADN qui seront ensuite analysées par des outils génétiques. Les développements de ces outils d’analyse de la diversité des génomes sont en cours. Ils bénéficient d’un partenariat étroit avec une jeune société travaillant dans le domaine de la biologie moléculaire avec des applications en bio-technologies.
- Des modèles informatiques ont aussi été élaborés. Ils donnent déjà des informations très intéressantes, par exemple ils montrent que si des mutations avantageuses chez une espèce sont transmises lors de la reproduction avec des individus de l’autre espèce, une baisse de la diversité génétique sera observée dans la région du génome où se trouve cette mutation avantageuse. Ces modèles sont développés dans le cadre d’échanges collaboratifs avec un chercheur de Cambridge.

Les résultats qui seront obtenus au cours de ce projet sont des connaissances pouvant bénéficier à la recherche fondamentale en biologie et écologie évolutive. Une des ambitions d’Hysea est de pouvoir proposer à la communauté scientifique une démarche analytique pour étudier les signatures laissées par l’hybridation dans les génomes des espèces marines ainsi que des prédictions quant aux conséquences d’hybridation survenant en milieu naturel.
Un autre objectif d’HySea est de démontrer l’intérêt de combiner des approches de terrain relevant de l’écologie et des approches expérimentales utilisant les nouvelles technologies développées dans le domaine de la biologie moléculaire pour étudier la biodiversité marine.
Ce projet a par ailleurs des implications concernant les processus d’invasions biologiques. Seconde cause de perte de biodiversité, les espèces invasives constituent le second descripteur de la Directive Cadre Européenne « Stratégie Marine ». Un des indicateurs de suivi de la qualité des écosystèmes marins est l’effet des espèces introduites sur la faune/flore locale. HySea cherche à documenter la possibilité d’hybridation entre plusieurs espèces marines côtières dont certaines d’intérêt aquacoles (huitre et moules) et de déterminer s’il existe des risques d’assimilation génétique (i.e. dilution génétique résultant en une disparition progressive d’une des deux espèces) ou des effets encore plus complexes tels que l’émergence de nouvelles espèces (spéciation par hybridation).

Camille Roux et ses collaborateurs ont comparé les produits de l’expression des gènes de deux des espèces étudiées dans le projet HySea, Ciona intestinalis type A et Type B. Les analyses réalisées montrent que des hybridations ont déjà eu lieu dans des temps anciens (4000-15000 ans) et ils ont identifié sur plusieurs chromosomes des « points-chauds » de passage de gènes d’une espèce à l’autre. Ces résultats sont détaillés dans l’article Roux, C., Tsagkogeorga, G., Bierne, N. &Galtier, N. (accepté). “Crossing the species barrier: genomic hotspots of introgression between two highly divergent Ciona intestinalis species”. À paraitre dans le journal “Molecular Biolog and Evolution”.

La biodiversité marine est en constante évolution sous l’effet de forçages environnementaux et/ou induits par les activités humaines. Les modifications rapides et globales des aires de distributions des espèces, sous l’effet des introductions biologiques, de l’aquaculture ou des changements climatiques, en sont de parfaites illustrations. Une conséquence majeure de ces changements est un accroissement du nombre de remises en contact de taxons qui étaient auparavant isolés géographiquement (i.e. contacts secondaires). Ces contacts accroissent la probabilité d’hybridation entre espèces non isolées reproductivement. Or l’hybridation est un mécanisme clé des trajectoires évolutives et des réponses écologiques des espèces. Elle modifie également profondément l’architecture des génomes, de façon complexe en créant des mosaïques d’« ilots génomiques de différenciation » et de « vallées d’introgression ». HySea a spécifiquement pour objectif de décrire et comprendre les effets de ces processus d’hybridation résultant de dispersions assistées par l’homme et de changements environnementaux, et ce à l’échelle des populations et des génomes.
Quatre systèmes biologiques seront étudiés, chacun composés d’un minimum de deux (sous)espèces partiellement isolées reproductivement et pour lesquels des contacts secondaires ont été documentés plusieurs fois dans différentes régions. Un premier défi consistera à établir un lien fort et formel entre l'écologie et la génomique chez ces espèces marines côtières. Or les études de génomique des populations chez les invertébrés marins sont encore très rares. Pour les réaliser avec efficacité et élaborer un cadre « éco-génomique » de l’étude de ces espèces marines, un aller-retour constant entre des études en laboratoire et in situ sera mené. Le second enjeu d’HySea sera de produire des attendus clairs et robustes concernant les signatures génomiques résultant de ces hybridations par une combinaison entre des approches expérimentales et théoriques.
Pour répondre à ces enjeux, en sus d’une tâche d’”Animation-Coordination” et d’une tâche de « Diffusion des Savoirs », le travail est organisé en 4 tâches scientifiques qui ont pour objectif ; (1) de caractériser les ilots de différenciation et les vallées d’introgression en utilisant des croisements en laboratoire et des analyses de séquençage de nouvelle génération ; la technique Rad-Seq sera utilisée car elle permet l’analyse simultanée de centaines de marqueurs sur un grand nombre d’individus, (2) de détailler l’architecture génomique de ces régions grâce à un « séquençage dirigé » utilisant des données de génomes complets ou des banques BAC (disponibles sur 3 des systèmes étudiés) (3) de suivre des populations naturelles avec des techniques de génotypage haut-débit (SNPs) afin de fournir une description précise des proportions d’introgression et de la dynamique de l’hybridation dans le milieu naturel et (4) d’offrir des prédictions théoriques robustes pour aider à l’interprétation des résultats des études empiriques et comprendre la synergie entre les différents forces évolutives.
HySea regroupe 4 partenaires représentant 7 équipes de recherche toutes constituées de biologistes évolutifs marins, et 2 collaborateurs extérieurs associés (une société privée et un partenaire académique étranger qui collaboreront respectivement au développement des génotypages haut-débit et aux études théoriques). Les partenaires apporteront à HySea (i) leur connaissance des modèles biologiques (écologie, croisements etc.), (ii) des outils moléculaires qui complèteront ceux développés au cours du projet, (iii) leur expertise quant à la problématique générale (ex. invasions biologiques, aquaculture, zones hybrides). Il est ainsi attendu qu’HySea fournisse un cadre robuste pour l’analyse des processus d’hybridation chez les espèces marines côtières, processus clé dans notre compréhension des effets des invasions biologiques et pour la gestion des ressources marines côtières.

Coordination du projet

Frederique VIARD (Lab. Adaptation et Diversité en Milieu Marin (UMR7144 CNRS UPMC)) – frederique.viard@umontpellier.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

Ifremer INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE POUR L'EXPLOITATION DE LA MER
LIENSs Lab. Littoral, Environnement, Sociétés (UMR 6250)
ISEM Institut des Sciences de l'Evolution Montpellier (UMR 5554)
AD2M-Roscoff Lab. Adaptation et Diversité en Milieu Marin (UMR7144 CNRS UPMC)

Aide de l'ANR 614 975 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2012 - 48 Mois

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