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Interprétations sociales des objets-signes en jades alpins dans l’Europe néolithique – JADE 2

Transferts des jades alpins dans l'Europe néolithique.

Le projet Jade 2, qui fait suite à l'ANR Jade (2007-2010, P. Pétrequin dir.), est une approche anthropologique des contextes de découverte des haches et anneaux-disques en jades alpins ayant circulé en Europe pendant les Ve et IVe millénaires av. J.-C. Il s'agit d'appréhender les variations des interprétations idéelles d’un objet-signe remarquable depuis les centres de production (Alpes occidentales et Piémont) jusqu'aux périphéries de l’Europe du jade (entre Atlantique et mer Noire).

Une bipartition de l’Europe néolithique : Europe du jade versus Europe du cuivre.

Jade 2 est fondé sur la reconnaissance préliminaire d’un réseau majeur de transferts d’un bien socialement valorisé commun à la plupart des cultures néolithiques d'Europe pendant le Ve millénaire et le début du IVe millénaire. En arrière-plan de l’apparente unité de ces réseaux de transfert, à partir d’un centre unique dans les Alpes italiennes, se dessinent des interprétations idéelles différentes selon l’orientation des circulations à travers des sociétés et des cultures différentes. C'est d'autant plus marquant qu'à l'Europe occidentale du jade s'opposait alors une Europe orientale du cuivre et de l'or. Leurs épicentres, opposés mais contemporains -Carnac à l'Ouest et Varna à l'Est- avaient chacun développé des valeurs sociales et religieuses originales. <br />Parfois intégrés à de riches tombes monumentales, les objets de jade appartenaient surtout à la sphère religieuse ; ils étaient associés à des points précis du paysage, à l’eau, aux rochers, aux stèles dressées ou au monde souterrain. De surcroît, certaines haches dites «carnacéennes«, repolies en Morbihan, ont circulé le long de la côte atlantique, accompagnant vraisemblablement la diffusion du « mégalithisme » et d’une partie de la mythologie du golfe du Morbihan. <br />Le projet JADE 2 vise ainsi à détailler les différents systèmes idéels qui ont sous-tendu la circulation des jades à l’échelle continentale et à proposer des hypothèses interprétatives d’ordre social et historique, à partir d’analyses systématiques des artefacts et de l’étude soutenue des contextes de découverte, considérés comme hautement significatifs.

Les transferts de jades sur des distances considérables (jusqu’à 2000km) ne peuvent pas être expliqués en termes d’efficacité technique ou de stratégies économiques ; au contraire, ils seraient fondés sur des concepts sociaux imaginaires et sur des dynamiques historiques. Les haches et les anneaux en jades doivent alors être replacés dans leur contexte, en portant une attention particulière à leurs conditions de dépôt (habitats, sépultures, trouvailles isolées, dépôts).
La phase d'inventaire des jades alpins est primordiale pour assurer la représentativité des répartitions. Un réseau international, regroupant la majorité des spécialistes européens travaillant sur le sujet, permet de couvrir ainsi toute l'Europe, mais plus précisément de nouvelles zones peu documentées : la péninsule ibérique, l'Europe centrale et les Balkans.
Pour identifier avec précision les matières premières et leur origine, un référentiel d'échantillons naturels a été constitué. La spectroradiométrie en réflectance diffuse, une méthode de détermination non destructive, rapide et souple, permet ensuite de comparer les spectres des objets à ceux des échantillons. Les mesures sont au préalable étalonnées grâce à différentes méthodes de détermination minéralogique et pétrographique.
Des analyses radiocarbone permettent également de dater les exploitations alpines et les contextes de découverte.
Afin de comprendre l'intégration des jades alpins et leur symbolique dans le répertoire carnacéen, des relevés des gravures des stèles et des monuments les plus caractéristiques de Bretagne, du Bassin parisien et de Bourgogne sont réalisés.
Enfin, l’utilisation, raisonnée et prudente, d’hypothèses ethnoarchéologiques permettra de différencier les causes techniques ou économiques et les fonctionnements sociaux ou religieux dans les modes de diffusion des haches en jade.

Jade 2 s'appuie sur les résultats spectaculaires de la précédente ANR Jade, qui a fait la synthèse de plus de trente ans de recherches, conduisant à identifier les gîtes de jades alpins en altitude, principalement dans les massifs du Mont Viso et du Mont Beigua. Jade a également vu la constitution d'un premier corpus des longues haches en jades alpins en Europe occidentale, certaines ayant circulé sur des distances atteignant plus de 2000 km à vol d’oiseau. L'un des résultats majeurs de Jade est la reconnaissance de haches en jades alpins au cœur même de l'Europe du cuivre et de l'or, certaines dans des tombes exceptionnelles.
Le projet Jade 2 n'en est qu'à ses débuts, c’est-à-dire la phase de prospection sur le terrain et d’identification première des objets dans les musées, mais on notera de premiers résultats très prometteurs.
Des prospections dans les Pyrénées ont conduit à identifier de nouveaux gîtes de jade-néphrite. Plusieurs échantillons plausibles sont en cours d'analyse.
Une quarantaine de grandes haches en jade sont déjà venues s'ajouter à l'inventaire depuis la fin de la première ANR ; elles concernent des régions où la répartition des jades était déjà bien documentée (Europe occidentale), mais également l'Europe centrale (Hongrie, nécropole d’Alsónyék ; Roumanie, tombe de Falciu).
Le répertoire des haches polies tirées des carrières du sud des Vosges se complète rapidement, avec une extension vers le Nord maintenant démontrée jusqu’en Luxembourg et en Sarre.
Enfin l’enregistrement des signes carnacéens sur stèles, structures mégalithiques ou parois rocheuses avance à grands pas. Plusieurs gravures inédites et de toute première importance ont été identifiées et relevées dans le Bassin parisien.

Les atouts et l’originalité du projet JADE 2 tiennent d’une part à une approche collective et pluridisciplinaire à l’échelle de l’Europe et à des méthodes d’analyses originales et non-destructives ; et d’autre part à l’ampleur des réseaux de diffusion, au nombre de cultures néolithiques concernées par les importations, à la possibilité de comparaisons poussées avec d’autres systèmes d’objets-signes et à l’utilisation prudente d’hypothèses ethnoarchéologiques de première main pour tenter de mieux cerner les comportements sociaux.
A partir de l'inventaire détaillé des haches et anneaux en jades alpins, un SIG permettra une approche spatiale du phénomène exceptionnel de transferts à l’échelle de toute l’Europe.
On cherchera également à préciser quels ont été les retours possibles en échange de ces objets-signes à haute valeur sociale et idéelle, puis à comparer ces réseaux des transferts avec d'autres systèmes de circulation contemporains ou légèrement postérieurs (haches et herminettes en pélite-quartz et schiste noduleux du sud des Vosges par exemple).
Le projet aura de bonnes chances d’améliorer la compréhension du développement historique de l’Europe néolithique entre le milieu du Ve millénaire et le début du IVe, en étudiant aussi la circulation d’objets-signes, peu nombreux certes mais hautement significatifs, issus de l’Europe du cuivre et importés dans l’aire du jade. Les premiers cuivres repérés feront l’objet d’analyses pour en déterminer l’origine et mieux les situer dans le temps.
A l’échelle européenne qui a été choisie, le travail est considérable, en particulier pour explorer les musées et les collections archéologiques.
Deux productions finales majeures sont proposées :
- une approche théorique de la fonction des « objets de prestige » replacés dans leur contexte social et historique ;
- un Atlas européen des jades néolithiques aux Ve et IVe millénaires, pour ouvrir de nouvelles problématiques à l’échelle de toute l’Europe.

A six mois, les premiers éléments de valorisation du programme comptent :
- 4 conférences sur invitation (Nederland Prehistorie Rijksmuseum, Leiden, Pays-Bas ; Second Arheoinvest Congress, Iasi, Roumanie ; Archaeology Forum 2013, Shangai, projet nominé ; NINMACH Conference, Garching, Allemagne), ce qui rend bien compte de la réputation internationale de ce projet exemplaire
- 6 articles dans les revues Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, Chronique de l’archéologie wallonne, Danish Journal of Archaeology, L’Anthropologie, Archeometriai Muhely ; 1 article dans les actes d'un colloque international et 1 article en préparation dans le Bulletin de la Société Préhistorique Luxembourgeoise
- enfin le montage du film Jade en anglais (en cours de conformation au Cerimes) permettra une meilleure diffusion de l’information et de nos intentions dans les milieux universitaires et professionnels.

Les concepts d’échange, de circulation et de réseaux sont aujourd’hui des points particulièrement forts des problématiques sur le Néolithique européen.
Un précédent projet ANR « JADE » (2006-2009) a été consacré aux haches en jades alpins, qui ont circulé en Europe occidentale pendant les Ve et IVe millénaires av. J.-C. Des transferts de haches ont été identifiés sur des distances de 1 700 km à vol d’oiseau, jusqu’aux rivages atlantiques et à la Mer Noire. L’image qui se dégage des cartes de répartition et des contextes de dépôt est celle de sociétés fortement inégalitaires où les échanges était contrôlés par les puissants, avec la manipulation d’objets consacrés ou sacrifiés qui touchaient le domaine de la compétition et de l’affichage social bien sûr, mais aussi les rituels religieux, la mythologie et la reproduction idéelle des sociétés.
A cette Europe occidentale du jade venait s’opposer une Europe orientale du cuivre. Cette bipartition de l’Europe néolithique, avec deux systèmes de valeurs sociales, modifie profondément les hypothèses sur la dynamique évolutive du Néolithique.
Le nouveau projet, JADE 2, est une approche sociale des contextes de découverte des jades néolithiques en Europe, pour appréhender les interprétations idéelles variables (associées à différents fonctionnements sociaux) d’objets-signes remarquables, en comparant les centres de production d’une part (Alpes occidentales et Piémont) et les périphéries de l’Europe du jade d’autre part. Il apparaît en effet que les fonctions sociales des jades ont vraisemblablement été réinterprétées au cours des transferts à travers les groupes culturels qui divisaient l’Europe entre l’Atlantique et la Mer Noire. En réalisant un inventaire complet des jades et de leur contexte de dépôt, en particulier en Europe centrale et dans les Balkans, l’enjeu de ce nouveau projet est donc la reconstitution d’une partie des dynamiques sociales et historiques à l’œuvre de la fin du VIe jusqu’au début du IVe millénaire, en approchant les concepts idéels qui sous-tendaient la circulation à longue distance des grandes haches et des anneaux-disques alpins dans un réseau qui pu couvrir 3 000 km d’est en ouest.

Coordination du projet

Estelle GAUTHIER (Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement) – estelle.gauthier@univ-fcomte.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

MSHE Ledoux Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement

Aide de l'ANR 300 000 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2013 - 36 Mois

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