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Prédire l’évolution contemporaine et la persistance des populations en environnement changeant – ContempEvol

Prédire l’évolution contemporaine et la persistance des populations en environnement changeant

Combiner des approches expérimentales et de modélisation pour mieux comprendre et prédire les dynamiques éco-évolutives observées en temps réel dans la nature et au laboratoire, et en décortiquer les mécanismes sous-jacents, en particulier les rôles respectifs de l’adaptation génétique et de la plasticité phénotypique.

Analyser les interactions entre plasticité phénotypique, évolution génétique, et démographie des populations.

Les dynamiques évolutives observées en temps réel à travers le suivi de populations naturelles, l’évolution expérimentale au laboratoire, et la réanimation de formes dormantes (graines, œufs en diapause), permettent de tester directement les prédictions des modèles théoriques, et révèlent aussi des aspects insoupçonnés des processus éco-évolutifs. Ce type d’observation suscite des besoins nouveaux en terme de théorie évolutive, et stimule aussi l’étude empirique de processus auparavant négligés. Ainsi, les études récentes d’évolution contemporaine montrent que la plasticité phénotypique, réponse des phénotypes individuels à leur environnement de développement, joue vraisemblablement un rôle prépondérant dans les réponses des populations aux changements d’environnements tels que le réchauffement climatique, et peut être déterminante pour leur persistance. Cependant certains aspects de l’évolution génétique de cette plasticité restent assez mal compris, notamment en ce qui concerne ses mécanismes développementaux : dans les modèles, le lien entre plasticité et valeur sélective/croissance des populations reste souvent extrêmement simplifié. De même, une meilleure prédictibilité de l’évolution contemporaine nécessite une meilleure compréhension des contraintes génétiques à l’évolution en environnement changeant, notamment le rôle des corrélations génétiques entre caractères sous sélection, et leur évolution. Le projet vise à répondre à une série de questions autour de ces grandes thématiques, qui suscitent un intérêt croissant auprès des évolutionnistes et écologistes du fait de leurs répercussions notamment en biologie de la conservation.

Nous combinons deux types d’approches. D’une part, des modèles théoriques permettant d’émettre des prédictions testables à l’aide de données d’évolution contemporaine, ou s’inspirant de mécanismes révélés par ces données. Ces modèles consistent essentiellement en une formalisation mathématique des processus, suivie de leur analyse visant à révéler leurs comportements parfois difficiles à appréhender par l’intuition. Cette théorie concerne notamment l’effet des corrélations génétiques entre caractères sur l’adaptation à des environnements changeants, le rôle de l’adaptation dans l’isolement reproducteur et la formation de nouvelles espèces, ou l’évolution de la plasticité âge-dépendante. D’autre part, nous conduisons des études empiriques sur le crustacé des milieux hypersalins Artemia, dont la niche écologique assez simple (salinité, température, peu de prédateurs) et sensible au climat peut facilement être reproduite au laboratoire. Nous combinons des expériences au laboratoire sur l’adaptation à la salinité (abordant notamment la contribution de la plasticité, et de la flore microbienne) avec un suivi de populations naturelles sur le terrain. Ce dernier inclut à la fois un échantillonnage des populations actuelles et une analyse des œufs en dormance extraits des sédiments anciens. Ce travail est essentiellement réalisé par une doctorante financée par le projet.

Nous avons déjà obtenu un certain nombre de résultats préliminaires. D’une part, un modèle d’adaptation à un environnement fluctuant aléatoirement a permis de quantifier combien les corrélations génétiques entre caractères contraignent la réponse moyenne à la sélection, et le taux de croissance à long terme d’une population. D’autre part, nous avons montré par une autre étude théorique comment la complexité de la niche écologique influait sur l’établissement d’isolement reproducteur entre deux populations s’adaptant à un changement d’environnement, pouvant ainsi initier la formation de nouvelles espèces. Sur le plan empirique, nous avons effectué des mises au point méthodologiques sur nombre de points clés du projet, notamment : (i) l’isolement de cystes anciens dans les sédiments, et l’extraction de leur ADN, (ii) les mesures morphologiques à l’aide d’approches de morphométrie, permettant de quantifier la plasticité phénotypique, (iii) l’élevage d’artemia à salinité élevée, nécessitant des étapes d’acclimatation à des âges particuliers, (iv) l’élevage semi-stérile d’artemia, et la culture de bactéries extraites de leur intestin, pour étudier le rôle du microbiome dans l’adaptation à la salinité.

L’analyse théorique de l’effet des corrélations génétiques sur la réponse à la sélection servira de point de départ à une étude de l’évolution de ces corrélations génétiques, et comment celle-ci peut accélérer l’adaptation en environnement changeant. Nous planifions aussi dans l’année à suivre de lancer une expérience de grande échelle sur l’adaptation d’artemia à la salinité. Des clones d’une espèce asexuée seront placés à plusieurs températures à différents stades de développement, puis leurs phénotypes seront mesurés pour évaluer leur plasticité. Ils seront ensuite déplacés vers d’autres salinités pour mesurer leur valeur sélective. Cette expérience permettra d’étudier l’effet des temps de latence dans la mise en place de réponses plastiques, ainsi que les variances et covariances de plasticité de plusieurs caractères. Ces deux points sont souvent ce qui limite l’application des modèles d’évolution de la plasticité aux populations naturelles. Cette étude empirique ira de pair avec une analyse théorique de l’évolution de la plasticité âge-dépendante.

Deux articles de synthèse portant sur les thématiques de ce projet sont acceptés respectivement dans Functional Ecology et Philosophical Transactions of the Royal Society B, avec comme premier auteur le coordinateur du projet, et en collaboration avec des chercheurs étrangers (R-U, USA). Un article de modélisation théorique ayant pour seul auteur le coordinateur du projet est actuellement évalué pour la seconde fois pour Evolution. Les résultats de cet article ont aussi été présentés à deux congrès internationaux exceptionnels : le 4è congrès international de génétique quantitative à Edimbourg, et le 1er congrès américano-européen d’Evolution à Ottawa. Le coordinateur du projet a par ailleurs été invité à des séminaires et colloques en France et à l’étranger (Pays Bas, R-U…).

Alors que la biologie de l’évolution a longtemps été une science principalement rétrospective, l’avènement de données d’évolution contemporaine où les changements des populations sont suivis en temps réel (dans la nature ou au laboratoire) ouvre la voie à une approche plus prospective. En effet ce type d’étude s’intéresse directement aux processus dynamiques des populations en réponse aux modifications de leur environnement, plutôt qu’à leurs simples conséquences statiques. Il en résulte d’une part une meilleure appréciation des capacités prédictives des modèles d’évolution, par une comparaison plus directe aux données ; et d’autre part une réévaluation de l’importance de mécanismes biologiques auparavant négligés, comme la réponse plastique des individus à leur environnement, ou les interactions entre évolution et démographie.
Ce projet a pour objectif d’émettre des prédictions théoriques testables à l’aide de données d’évolution contemporaine, et de mesurer au laboratoire des paramètres biologiques essentiels pour prédire les réponses évolutives et démographiques des populations aux changements d’environnement. Le projet s’articule en trois objectifs, partant des mécanismes les plus fondamentaux de réponse aux changements d’environnement, pour aller vers des situations plus réalistes d’évolution contemporaine. Nous commencerons par étudier comment la sélection naturelle sur le phénotype change avec l’environnement, et comment cela se traduit en réponse génétique. Nous aurons une attention particulière pour les corrélations génétiques entre caractères, qui peuvent ralentir l’évolution et augmenter ainsi le risque d’extinction. Nous nous intéresserons ensuite à l’évolution de la plasticité phénotypique, avec un intérêt particulier pour la plasticité corrélée de plusieurs caractères et la plasticité âge-spécifique, deux phénomènes courants dans la nature mais peu étudiés sur le plan théorique et empirique. Enfin, nous nous intéresserons à des situations spécifiques d’évolution contemporaine où la croissance des populations dépend de leur évolution : les invasions biologiques, et la persistance face aux changements globaux.
La partie théorique du projet reposera sur la modélisation mathématique et informatique des processus, qui est le domaine d’expertise du coordinateur du projet (L-M Chevin). Les expériences seront essentiellement menées par un étudiant en thèse, qui utilisera comme modèle biologique le crustacé Artemia. Cet organisme occupe des milieux hypersalins continentaux, de sorte que sa niche écologique est simple et aisément manipulée au laboratoire en faisant varier la salinité et la température. Un post doctorant sera aussi recruté pour étudier l’évolution expérimentale de la bactérie Escherichia coli face à un stress de pH.
La combinaison des résultats théoriques et de leur vérification expérimentale sur plusieurs organismes permettra d’éclairer d’un jour nouveau les données d’évolution contemporaine, et de tester plus rigoureusement les prédictions des modèles d’évolution en réponse aux changements d’environnement. Au-delà d’une meilleure compréhension des processus biologiques impliqués, l’objectif de ce projet est d’interroger quantitativement la capacité de la biologie de l’évolution à émettre des prédictions fiables. En effet, cette capacité est le préalable indispensable à l’application de cette discipline fondamentale à des questions pratiques telles que la gestion des résistances aux antibiotiques, ou le maintien de la biodiversité face aux changements globaux.

Coordination du projet

Luis-Miguel CHEVIN (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CEFE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON

Aide de l'ANR 261 021 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2011 - 36 Mois

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