Estimer l’effet Maternel sur la durabilité des pOpulaTions de grands pélagIques OcéaNiques – EMOTION

La nécessité de réduire les taux d'exploitation pour rétablir les ressources marines associée à la surcapacité de pêche dans les océans mondiaux est aujourd'hui largement reconnue. Alors que l'halieutique s'est focalisée au cours des dernière décennies sur le développement de modèles de dynamique de populations toujours plus réalistes, la collecte de données sur les processus biologiques élémentaires a été quant à elle largement négligée. Ces informations sont cependant essentielles pour comprendre la productivité des populations de poissons et leur capacité de résistance aux changements environnementaux et à la pêche. La pêche est un processus sélectif basé sur la taille qui induit une troncature de la structure d'âge des populations de poissons via la suppression des vieux individus les plus grands. L'allocation croissante avec l'âge de ressources à la reproduction a cependant été récemment montrée pour de nombreuses espèces de poissons à vie longue et de requins et est communément dénommée 'Effet maternel'. Les effets négatifs de l'effet maternel induits par la pêche sont : (1) la réduction de la période et le changement des zones de reproduction, (2) la diminution de la production et de la qualité des oeufs. Les modèles d'évaluation actuels basés sur la biomasse féconde des reproducteurs comme indice de potentiel reproducteur peuvent ainsi fortement sous-estimer les effets de la pêche et conduire à des diagnostics trop optimistes sur l'état des stocks. En dépit de la reconnaissance de l'importance de prendre en compte l'effet maternel dans la gestion des pêches, aucune étude n'a pour l'instant été conduite pour identifier et quantifier l'effet maternel chez les grands pélagiques océaniques (LPS).
L'objectif général du projet EMOTION est de tester et quantifier l'effet maternel pour les grands pélagiques via le cas d'étude des thons et poissons porte-épée de l'ouest de l'océan indien: le listao Katsuwonus pelamis, l'albacore Thunnus albacares et l'espadon Xiphias gladius. Tester cette hypothèse nécessite de poser plusieurs questions inter-reliées sur la croissance, la condition et la reproduction.
Tout d'abord, nous nous appuierons sur l’important jeu de données de marquages de thons récemment acquis dans l'océan indien pour estimer la croissance complexe des LPS en recourant à de nouvelles approches intégrées de modélisation. Nous développerons par ailleurs un modèle de simulation pour évaluer l'impact du diagramme d'exploitation (sélectivité) sur la forme fonctionnelle de la croissance. La croissance sera ensuite utilisée pour estimer l'âge des poissons échantillonnés au cours du projet et apprécier leur expérience de reproduction.
Puis, nous testerons plusieurs méthodes pour estimer la condition des LPS ainsi que la variabilité individuelle. L'étude des lipides et de la distribution des acides gras dans les tissus nous renseignera sur la dynamique des lipides et l'énergie allouée à la descendance durant le cycle de reproduction. Les données et l'information ainsi acquises seront essentielles pour dissocier les effets maternels des effets liés à la condition sur l'allocation d'énergie.
Finalement, la biologie reproductive des LPS sera analysée afin d’améliorer les connaissance sur leur stratégie reproductive et estimer leur potentiel reproducteur. L'hypothèse d'un effet maternel pour les LPS sera testée via la modélisation statistique des données collectées et ses impacts négatifs induits par la pêche sur les points de référence en gestion des pêches seront évalués via le développement d'une approche de simulation.