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Mécanisme d’inhibition d’une nouvelle cible des antibiotiques appartenant à la famille des bêta-lactamines – CarbaTub

Une nouvelle cible pour le traitement de la tuberculose

L’émergence de résistances multiples aux antibiotiques rend nécessaire l’identification et la caractérisation de nouvelles cibles pour développer de nouvelles molécules thérapeutiques. Notre projet vise à caractériser une nouvelle cible prometteuse pour le traitement des formes multirésistantes de tuberculose.

Mécanisme d’inactivation d’une cible inattendue des bêta-lactamines chez M. tuberculosis

La tuberculose est une maladie ré-émergeante provoquée par la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Habituellement traitée par l’association de rifampicine, d’isoniazide, de pirazinamide et d’éthambutol pendant six mois, des problèmes d’observances dans les pays en voie de développement ont favorisé l’émergence de souches multirésistantes (MDR) et ultrarésistantes (XDR). Les patients infectés par ces souches se trouvent face à une impasse thérapeutique, rendant urgente la découverte de nouvelles molécules actives. <br />Nous avons récemment montré que la paroi de M. tuberculosis est polymérisée par une nouvelle famille d’enzymes, des L,D-transpeptidases, et que cette famille d’enzymes était inactivée pas les carbapénèmes, une classe particulière d’antibiotique appartenant à la famille des bêta-lactamines (dont fait partie la pénicilline). Parce que ces observations sont inattendues et ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement des formes multirésistantes de tuberculose, notre projet vise à caractériser le mécanisme moléculaire de l’inactivation des L,D-transpeptidases par les bêta-lactamines. L’enjeu du projet est de comprendre les bases moléculaires du mécanisme de cette inactivation afin de rassembler les connaissances nécessaires au développement de nouvelles molécules thérapeutiques. <br />

Notre consortium comprend quatre équipes spécialisées dans l’étude de la paroi des bactéries et des enzymes impliquées dans sa synthèse (biochimie), dans la synthèse chimique de molécules bioactives (synthèse organique), dans la détermination de la structure et de la dynamique des protéines par résonance magnétique nucléaire (RMN) et dans la modélisation in silico des réactions enzymatiques et chimiques (biophysique).

Dans les six premiers mois du contrat, nous avons essentiellement progressé sur le développement des méthodes nécessaires à la réalisation de notre projet. Il s’agit de la purification en quantités importantes des L,D-transpeptidases de M. tuberculosis pour déterminer leur structure et du développement d’outils expérimentaux et computationnels permettant l’étude de la vitesse d’inactivation de la cible par les bêta-lactamines ainsi que la mise en évidence de la nature irréversible de cette réaction. Nous avons également développé les premières synthèses de bêta-lactamines nécessaires à la compréhension du mode d’inactivation de ces antibiotiques par les L,D-transpeptidases.

Parmi les maladies infectieuses, la tuberculose reste la seconde cause de décès après le SIDA. Il est estimé qu’un tiers de la population mondiale est infectée par M. tuberculosis. D’après le rapport 2011 de l’OMS, il y a eu en 2010 8.8 millions de nouveaux cas et 1.45 million de morts. L’utilisation inappropriée des antibiotiques a conduit à l’émergence de bacilles résistants et la dissémination de ces souches représente aujourd’hui l’obstacle majeur pour l’éradication de la tuberculose. En 2010, l’OMS estime que 650,000 nouveaux cas d’infections sont dus à des souches multirésistantes de M. tuberculosis (MDR-TB). L’utilisation extensive des antibiotiques de second choix conduit à l’émergence de souches ultra-résistantes (XDR-TB) qui sont associées à des taux de mortalité atteignant 65 à 100% du fait de l’absence de traitement efficace. Depuis 1945, une seule nouvelle classe de molécules, les fluoroquinolones, a été introduite dans le traitement de la tuberculose, ce qui souligne à la fois l’urgence de trouver de nouveaux antibiotiques et les difficultés liées à leur développement. Notre projet vise à rassembler les données fondamentales nécessaires au développement de nouvelles molécules appartenant à la famille des bêta-lactamines. ccc

La publication des premiers résultats de notre consortium est envisagée à la fin de la 2ème année du contrat.

La famille des bêta-lactamines comprend de nombreuses pénicillines, céphalosporines et carbapénèmes développés pour combattre la résistance des bactéries pathogènes. Jusqu’à très récemment, les seules cibles connues des bêta-lactamines étaient les D,D-transpeptidases à sérine active qui catalysent la dernière étape de synthèse du peptidoglycane, constituant majeur de la paroi bactérienne. L’équipe du coordinateur a récemment montré que ces D,D-transpeptidases peuvent être remplacées par des L,D-transpeptidases qui représentent des cibles attractives pour le développement de nouveaux anti-tuberculeux de la classe des carbapénèmes. En effet, le peptidoglycane de Mycobacterium tuberculosis est majoritairement polymérisé par des L,D-transpeptidases qui sont spécifiquement inactivées par ces bêta-lactamines. Associés à un inhibiteur de bêta-lactamase, les carbapénèmes sont bactéricides sur les bactéries « dormantes » et en multiplication active ainsi que sur les souches extrêmement résistantes (souches XDR) responsables d’échecs thérapeutiques avec une mortalité pouvant atteindre 50%. L’inactivation des L,D-transpeptidases par les carbapénèmes pourrait donc répondre à la nécessité urgente de disposer de nouveaux antituberculeux pour traiter les infections dues à des souches XDR et pour permettre une éradication plus efficace des formes « dormantes » du bacille. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’objectif principal du projet qui vise à comprendre le mécanisme moléculaire de l’inactivation de la L,D-transpeptidase LdtMt1 de M. tuberculosis par les carbapénèmes grâce à un consortium multidisciplinaire (biochimie, chimie organique, biologie structurale et chimie théorique). Les résultats préliminaires obtenus par le consortium montrent que les L,D-transpeptidases sont inactivées de façon irréversible par les carbapénèmes par formation d’un acylenzyme. La formation de cet adduit implique la fixation non-covalente de l’antibiotique suivie de l’acylation de la cystéine active de l’enzyme. Notre premier objectif consistera à synthétiser différents carbapénèmes pour comprendre le rôle de la chaîne latérale de ces molécules dans la liaison à l’enzyme ainsi que dans le positionnement du noyau bêta-lactame dans le site actif. Un second aspect visera à étudier la réactivité du noyau bi-cyclique des carbapénèmes. La chimie théorique permettra de modéliser le chemin réactionnel et de proposer des hypothèses pour le mécanisme catalytique. En fonction de ces hypothèses, des modifications seront introduites dans les résidus du site actif et la réactivité de différents bêta-lactame sera comparée. Notre troisième objectif concernera l’étude par RMN de la structure et de la dynamique de l’enzyme afin d’établir le rôle joué par la flexibilité conformationelle dans l’efficacité de la réaction d’acylation. La dernière partie du projet visera à comparer les réactions d’acylations impliquant les carbapénèmes et les substrats physiologiques de l’enzyme. Ceci permettra de comprendre comment les carbapénèmes miment les précurseurs du peptidoglycane et pour quelles raisons les acylenzymes formés avec les carbapénèmes sont stables conduisant à une inactivation irréversible essentielle à l’activité antibactérienne. Même si le développement de nouvelles molécules thérapeutiques ne rentre pas dans les objectifs du projet, les connaissances acquises sur LdtMt1 seront un atout pour le développement rationnel d’inhibiteurs de cette cible. Dans une perspective plus large, les modifications structurales des bêta-lactamines et des bêta-lactones constituent une stratégie efficace dans le développement de nouveaux médicaments pour traiter le cancer, l’obésité et l’hyperlipidémie. Notre projet permettra de comprendre les éléments essentiels qui caractérisent les molécules combinant forte affinité, réactivité chimiosélective et stabilité de l’adduit formé avec la cible.

Coordination du projet

Michel ARTHUR (INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION REGIONALE PARIS VI) – michel.arthur@crc.jussieu.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UNIVERSITE DE PARIS DESCARTES UNIVERSITE PARIS V
CEA, CNRS, Univ. Joseph Fournier CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE RHONE-ALPES SECTEUR ALPES
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE RHONE-ALPES SECTEUR ALPES
UNIVERSITE PARIS VI [PIERRE ET MARIE CURIE]
INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE - DELEGATION REGIONALE PARIS VI

Aide de l'ANR 569 998 euros
Début et durée du projet scientifique : juin 2011 - 48 Mois

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