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Les privilèges économiques en Europe, XVe-XIXe siècles: étude quantitative et comparative – PRIVILEGES

Compter les privilèges dans l’Europe moderne(XVe-XIXE siècles) : approche quantitative et comparative.

Le projet PRIVILEGES vise à comprendre, dans la longue durée de l’existence de cette institution eu Europe, la manière dont celle-ci contribue à la mobilisation et l’allocation des ressources, à quelles attentes et buts poursuivis elle répond du côté des acteurs et du côté de la puissance publique, et quelles dynamiques économiques, entrepreneuriales, spatiales, elle a contribué à impulser ou à porter.

Privilèges économiques et dynamiques entrepreneuriales

Dans l’Europe moderne, le processus d’assujettissement à une loi générale et un jus commune est loin d’être achevé et général. Les droits particuliers sont portés par le privilège, qui ne saurait donc être juridiquement une exception, et ne sera perçu comme tel, qu’à la faveur de la montée en puissance de la notion d’égalité en droit et d’une conception de la loi comme ensemble de normes abstraites applicables à tous. Dans le domaine économique, le privilège, entendu comme attribution temporaire d’un espace d’action, apparaît comme une ressource pour les États, les collectivités et les individus, un cadre à l’intérieur duquel se sont affirmées des réalités diverses, des corporations de métiers aux grandes compagnies de commerce, des premières formes de propriété intellectuelle de l’inventeur aux entreprises capitalistes industrielles ou de services. Le projet « PRIVILEGES » a pour objectif le recensement des privilèges et l’élaboration d’une base de données des privilèges ayant pour objet l’activité économique (production, circulation, consommation), octroyés entre les XVe et XIXe siècles en France, Angleterre, Allemagne et Italie, chacun étant caractérisé par des structures étatiques et économiques dissemblables. Il s’agit donc de procéder à une mesure précise de l’évolution d’un phénomène, les privilèges, au cœur des rapports entre puissance publique et activité économique et, par là, une base scientifiquement fondée aux réflexions sur les dynamiques institutionnelles et entrepreneuriales qui caractérisent chacune de ces aires dans la période moderne. Dans le prolongement de l’exploitation quantitative de la base, il s’agira d’approfondir certains axes de recherche à partir du repérage d’événements statistiques majeurs ou d’hypothèses déterminées par le contexte historique de séquences particulières.

Le programme PRIVILEGE s’organise en trois grandes phases d’inégale durée : conception réalisation de la base de données ; saisie des données dans les différents sites, fusion des saisies locales et mise en ligne de la base ; exploitation des données et synthèse des résultats. La saisie concerne la France, l’Angleterre, et un choix d’entités politiques et économiques significatives dans les aires germanique et italienne : la Saxe et Augsbourg pour la première, la République de Venise, l’Etat florentin, le Piémont et le duché de Mantoue pour l’Italie. La période prise en compte va du XVe au premier XIXe siècle, entre l’acte de naissance du privilège d’invention en 1474 à Venise et la réforme anglaise des patents en 1852. L’exploitation quantitative des données vise à mettre en évidence les grandes évolutions numériques, à produire des typologies comparées à partir des indicateurs retenus (branches et activités, bénéficiaires, droits ou avantages concédés, durées, fréquence des renouvellements, prorogations, voir annulations de privilèges…) à mettre en évidence les circulations et les stratégies des demandeurs, à identifier des scansions dans la politique d’octroi de la puissance publique. Dans le cadre de l’exploitation qualitative, il s’agit d’approfondir certains axes de recherche, en particulier : l’exploration des requêtes non satisfaites, les jeux de mise en concurrence des territoires et l’impact des privilèges sur l’inscription spatiale des activités économiques, les procédures de négociation en vue d’affiner la compréhension des relations entre autorités politiques et acteurs de l’économie, le suivi des procédures d’enregistrement, le suivi de l’exploitation de certains types de privilèges, en particulier les stratégies et procédures d’affermage, l’exploration des contentieux et contestations de privilèges, le suivi des cessions de parts et des montages financiers, dans le cas notamment des concessions d’infrastructures.

Production d’un outil générique grâce à la mise en ligne de la base de données et des matériaux résultant de son exploitation quantitative : matériaux secondaires pour une approche globale et comparée du privilège, ensemble de résultats chiffrés qui seront présentés sous forme de tableaux, graphiques, courbes etc. Cet outil ressource sera mis à disposition de la communauté des chercheurs afin de favoriser des utilisations ultérieures au service de problématiques ou dans des contextes de recherche différents.
Publication des résultats de l’exploitation qualitative sous forme de contributions diverses. Un colloque de fin de programme permettra de présenter les résultats et accueillera les chercheurs français et étrangers qui pourront avoir accès aux données quantitatives des l’été 2014. L’objectif sera à la fois de tirer les enseignements du programme et de jeter les ponts vers un programme européen élargi, sur la base de nouvelles interrogations.

Le projet permet en premier lieu de combler une lacune, aucun recensement quantitatif n’a jamais été tenté de ces privilèges économiques, que ce soit à une échelle nationale ou européenne. Il permet de répondre à des questions qui conditionnent la possibilité de déconstruire l’amalgame idéologique qui abrite des visions anachroniques et non critiques de l’institution. Cette mesure fine permettra d’un côté de dégager des périodisations et de contextualiser de façon pertinente les monographies d’entreprises ou les études de secteurs, de l’autre elle autorise une approche globale et comparée des politiques du privilège.
Le cadre d’enquête retenu en raison de la diversité des configurations juridiques et socio-politiques doit permettre de définir rigoureusement le cadre problématique d’un élargissement ultérieur vers d’autres entités, de l’Espagne à l’Empire, des Provinces unies à la Russie.

Dans le cadre de la préparation du projet PRIVILEGES, un colloque s’était tenu à Francfort : Die Ökonomie des Privilegs Westeuropa, 16.-19. Jahrhundert/ L’économie du privilège Europe occidentale XVIe-XIXe siècle organisé par l’Institut historique français en Allemagne et les différentes équipes partenaires. Il est en cours de publication sous la direction de Guillaume Garner.
Au cours de l’année 2014, la Base PRIVILEGES sera rendue accessible sur le site du LAHRHA, dans le cadre de l’environnement SyMoGYH.
Les actes du colloque de fin de programme seront publiés dans l’année 2015.

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Dans le contexte d’une attention croissante portée aux institutions dans le champ des sciences humaines et sociales (économie, droit, sociologie, histoire…) et d’un intérêt renouvelé pour le thème des origines de la croissance et de la domination européennes à l’échelle du système monde, il apparaît crucial de s’intéresser à une institution, celle des privilèges, qui a structuré pendant toute l’époque moderne l’activité économique dans l’ensemble des territoires et des États européens. Le privilège, entendu comme attribution temporaire d’un espace d’action dans le domaine économique, apparaît comme une ressource pour les États, les collectivités et les individus, un cadre à l’intérieur duquel se sont affirmées des réalités diverses, des corporations de métiers aux grandes compagnies de commerce, des premières formes de propriété intellectuelle de l’inventeur aux entreprises capitalistes industrielles ou de services.

De fait, si la capacité des souverains à édicter des normes générales et abstraites pour l’ensemble des sujets est le trait par lequel s’affirme les États modernes, le processus d’assujettissement à une loi générale et un jus commune est loin d’être achevé et général. Dans l’Europe de l’Ancien Régime, celle des sociétés d’ordres, il n’existait, en fait, pratiquement pas de statut général, mais une multiplicité de droits particuliers portés par le privilège, qui ne saurait donc être juridiquement une exception, et ne sera perçu comme tel, jus singulare par opposition au jus commune, qu’à la faveur de la montée en puissance de la notion d’égalité en droit et d’une conception de la loi comme ensemble de normes abstraites applicables à tous.

Or, aucun recensement quantitatif n’a jamais été tenté de ces privilèges économiques, que ce soit à une échelle nationale ou européenne. Le but de ce projet est de combler cette lacune, en repérant, comptabilisant et classant les privilèges dans un certain nombre de territoires européens considérés comme significatifs : la France, l’Angleterre, les aires germanique et italienne. Dans ces deux derniers espaces, un choix d’entités politiques et économiques significatives a été fait : la Saxe et Augsbourg pour l’aire germanique, la République de Venise, l’Etat florentin, le Piémont et le duché de Mantoue pour l’aire italienne.

La période prise en compte va du XVe au premier XIXe siècle : l’ancienneté des privilèges et leur ancrage dans les réalités socio-politiques médiévales, ainsi que l’acte de naissance du privilège d’invention en 1474 à Venise justifient la délimitation amont du projet. En aval, la permanence des privilèges dans une partie de l’aire germanique après l’épisode napoléonien, en France où le droit issu de la Révolution en assume la réalité sous certaines figures et conditions, en Angleterre où les Patents ne font l’objet d’une réforme qu’en 1852, dans les différents Etats italiens enfin, justifie l’enjambement de la période révolutionnaire et l’inclusion du premier XIXe siècle dans le projet. C’est là un point important de ce projet : ne pas considérer que la Révolution française introduit de facto et de jure une rupture brutale dans les processus et les institutions économiques, mais en explorer la nature et la réalité.

L’enjeu du projet PRIVILEGES est clair : il s’agit de comprendre, dans la longue durée de l’existence de cette institution, la manière dont celle-ci contribue à la mobilisation et l’allocation des ressources, à quelles attentes et buts poursuivis elle répond du côté des acteurs et du côté de la puissance publique, et quelles dynamiques économiques, entrepreneuriales, spatiales, elle a contribué à impulser ou à porter.

Coordination du projet

Dominique MARGAIRAZ (UNIVERSITE DE PARIS I - PANTHEON SORBONNE) – dmargairaz@wanadoo.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IDHE UNIVERSITE DE PARIS I - PANTHEON SORBONNE
ACP UNIVERSITE PARIS-EST MARNE LA VALLEE
ICT UNIVERSITE DE PARIS 7
LARHRA ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE LYON

Aide de l'ANR 270 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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