Blanc SHS 2 - Blanc - SHS 2 - Développement humain et cognition, langage et communication

Les vestiges d’un jour bleu : Synesthésies et langage, expertises multimodales – MULTIMEX

Résumé de soumission

Nous ne pensons pas tous de la même façon: les synesthésies (particularités qui concernent près de 5% de la population) attestent de différences concernant l’intimité de l’expérience subjective. En s’appuyant sur ces différences – sur le modèle des études neuropsychologiques – on peut ainsi étudier les bases neurales de l’expérience subjective, qui plus est sur des gens sains. Les synesthètes éprouvent des associations additionnelles systématiques, par exemple une couleur spécifique pour chaque jour de la semaine (‘Je Suis Né un Jour Bleu’ titre le synesthète – et Asperger- Daniel Tammet dans son bestseller), ou chaque lettre ou nombre dans le cas des synesthètes ‘graphème-couleur’, objets de ce projet. Des explications en termes neurologiques ont le plus souvent été proposées : ‘l’aire des couleurs’ des synesthètes serait activée par les graphèmes du fait de la présence supposée de connexions surnuméraires entre ‘l’aire des graphèmes ‘ et ‘l’aire des couleurs’. Deux partenaires de ce projet ont cependant récemment montré que ce n’était pas le cas (résultats en IRM fonctionnelle – IRMf - et anatomique actuellement soumis pour publication), mais ont observé une densité de matière blanche plus élevée dans le cortex rétrosplénial des synesthètes. Ces résultats constituent le socle de ce projet.
Plus précisément, Hupé et Dojat ont conclu à l’absence de corrélat des couleurs synesthésiques localisé dans le cortex visuel, sur la base d’une analyse en IRMf classique (contraste de la réponse BOLD entre deux conditions, activité moyennée par voxel entre les sujets), qui révèle uniquement les activités suffisamment localisées dans le cerveau. Mais les corrélats neuronaux des couleurs synesthésiques pourraient être distribués dans le cortex visuel, ce qui serait somme toute plus logique : il serait en effet étonnant qu’une région unique et spécifique du cerveau ait pu se spécialiser suffisamment pour coder des associations arbitraires entre graphèmes et couleurs, surtout que ces associations sont créées (puis stabilisées) par des enfants à un stade assez tardif de leur développement. Nous proposons de tester cette hypothèse d’un codage distribué des associations synesthésiques par la technique récente d’analyse de classification de motif de réponses des voxels (MVPA), mesurées en IRMf.
Une hypothèse alternative est que les corrélats neuronaux des synesthésies sont localisés (ou distribués) en dehors du cortex visuel. Le cortex rétrosplénial, mis en évidence dans notre étude anatomique, se trouve au carrefour des réseaux de la mémoire, des émotions et de l’attention, et est impliqué dans le langage, particularités qui peuvent suggérer un rôle critique dans l’acquisition d’expertise, en permettant de mobiliser les ressources mnésiques, attentionnelles et émotionnelles dans des tâches perceptuelles difficiles – comme la lecture. Les associations de couleur présentes chez les synesthètes adulte (mais créées au moment de l’apprentissage de la lecture) seraient les vestiges des fortes connexions multimodales et des multiples ressources requises pour l’acquisition des expertises liées au langage – vestiges également reflétés chez l’adulte par des connexions plus nombreuses au niveau du cortex rétrosplénial. Ce projet considère donc la synesthésie dans le contexte de l’acquisition d’expertise liée au langage écrit et à la parole – spécifiquement au niveau de ses unités élémentaires (graphèmes et phonèmes) qui déclenchent les associations synesthésiques. Notre hypothèse principale est que les vestiges synesthésiques liés aux stratégies d’acquisition d’expertise par les enfants se refléteraient par un codage du langage plus multimodal chez les synesthètes. Grâce à l’appui de spécialistes du langage en parole, écriture et intégration sensori-motrice, nous proposons de comparer par MVPA le codage multimodal du langage chez synesthètes et contrôles dans quatre modalités (lecture et écriture de graphèmes, écoute et production de phonèmes).

Coordination du projet

Jean-Michel HUPÉ (Centre de Recherche Cerveau & Cognition / CNRS) – jean-michel.hupe@cerco.ups-tlse.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LNC Laboratoire de neurosciences cognitives
GIPSA-lab GIPSA-lab, Département Parole & Cognition
CERCO Centre de Recherche Cerveau & Cognition / CNRS
Inserm Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale

Aide de l'ANR 230 000 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2012 - 36 Mois

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