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Les liens sociaux en économie: expérimentation et théorie – TIES

Regarder et connaître les autres : études expérimentales des liens sociaux en économie

Au cours des dernières années, l'idée de capital social a reçu une attention accrue en économie. Le capital social étend l'idée de l'importance des formes physiques de capital, aux relations et réseaux. Ce projet visait à étudier la création de liens sociaux et l'impact des liens sociaux existants. Nous avons étudié l'impact des liens sociaux sur la confiance et la coopération avec des études expérimentales en utilisant le jeu de la confiance, le jeu de bien public et des jeux de coordination.

Étude des dilemmes sociaux pour des joueurs ayant des informations les uns sur les autres

Les études des dilemmes sociaux en économie supposent normalement des interactions anonymes et non-répétées. Cependant il se peut qu'on connaisse quelque chose sur le partenaire avec lequel on interagit, au-delà de sa réputation liée à ses actions lors de l'interaction. En effet ce partenaire peut être ‘identifiable’ (i.e. on peut le voir ou on dispose de quelques informations sur lui) ou bien ce peut être une ‘connaissance’ (i.e. un ami, voisin ou collègue). Le but de ce projet scientifique était d’observer lors d'expériences économiques l’impact de ces différentes sortes de ‘liens sociaux’ dans des décisions économiques. Dans les différentes études de ce projet, les participants étaient engagés dans des interactions abstraites et anonymes avec autrui. Néanmoins dans chaque cas, ils avaient quelques informations sur leurs partenaires : une photo, des informations socio-économiques, ou s’ils avaient déjà rencontré cette personne auparavant. Les résultats de ce projet nous aident à comprendre comment les êtres humains prennent en compte ces types d'informations, ce qui permet d'adapter les institutions ayant pour but de renforcer certaines normes ou comportements désirables pour la société.

Nous utilisons des expériences contrôlées en laboratoire pour étudier l’impact des différentes sortes d’information à propos d'un partenaire. Les participants à des interactions économiques abstraites avec autrui étaient motivés, dans le sens où ils étaient payés en proportion de leurs gains directement à la fin de l’étude. Ces expériences de laboratoire nous permettent d’étudier dans un environnement contrôlé l’impact des différentes sortes d’informations à propos des autres. À travers les différentes études nous avons varié le type d’information. Nous avons également utilisé des ‘jeux’ différents pour étudier différentes dimensions d’interactions sociales. Par exemple le ‘jeu de confiance’ (trust game) peut mesurer les croyances concernant la fiabilité de l’autre. Le ‘jeu de bien public’ (public good game), simule une situation où le mieux serait que tout le monde coopère, mais en même temps où chacun a intérêt à profiter des autres. Ceci est un modèle abstrait des dilemmes réels rencontrés par exemple par des agriculteurs qui investissent ensemble dans un bien public.

i. Entre autres nous montrons que la lecture de la fiabilité d'un autre sur son visage, est une capacité instinctive possédée en quantités égales par des personnes de capacités cognitives variées. Cette capacité augmente en précision pendant l’adolescence. La construction des relations de confiance spontanées n'est donc pas aléatoire mais basée sur des signaux concrets.
Nous montrons également dans le cas de participants qui se connaissent avant l'expérience, que des agriculteurs confrontés à des problèmes de coopération dans leur communauté anticipent des comportements similaires dans un environnement abstrait.
ii. Concernant l'impact des ruptures dans le réseau social, nous avons étudié un conflit armé de faible intensité en Colombie. Nous nous sommes concentrés sur deux types de régions: des zones où le flux net de population est soit positif soit négatif. Les contributions au bien public sont nettement plus élevés dans ces régions avec des flux nets de population élevés. Nous constatons que l'effet est particulièrement fort pour les femmes dans les zones de flux net négatif ; ce sont généralement les plus touchées si les membres masculins de la famille sont déplacées de force.
iii. Dans le cadre d'un jeu de coordination, nous constatons en outre que les choix des agents sont plus bénéfiques pour le groupe dans les endogroupes les plus concentrés. Le même effet est observé pour les joueurs qui déclarent de nombreux liens sociaux subjectifs. Nous fournissons une analyse détaillée de théorie des jeux de ces types de situations tout en considérant différents types de joueurs, à savoir ceux qui optimisent leurs intérêts propres, ceux qui ont une aversion à l'inégalité et les agents équitables. Plus précisément, nous présentons une hypothèse alternative qui s'appuie sur le concept de raisonnement d'équipe.

Les résultats de ce projet ont fourni des informations importantes sur la façon dont les liens de confiance se forment intuitivement en voyant les autres. Ils montrent comment les expériences socio-économiques passées influencent les croyances sur les autres ainsi que les décisions prises dans une interaction de laboratoire anonyme. Et ils nous ont donné de nouveaux éclairages sur la nature graduelle des liens sociaux. Le projet a conduit au développement de plusieurs nouveaux projets de recherche, par exemple sur l'importance de la parenté génétique (en collaboration avec Gwenael Kaminski et Jean-François Bonnefon). Il a également conduit à un nouveau projet de terrain (en collaboration avec Cesar Mantilla et Pepita Miquel-Florensa) sur les interactions d'endogroupes de pêcheurs en Colombie.

Les résultats de ce projet de recherche ont été présentés dans de nombreux congrès nationaux et internationaux (par. ex. Economic Science Association ; International Meeting of Experimental and Behavioral Social Science ; Norms, Actions and Games ; ...). Quatre articles exposant les résultats de ce projet ont déjà été publiés dans des revues internationales à comité de lecture. Deux autres sont dans le processus de soumission, et un troisième est en préparation. Deux chapitres ont été écrits pour des ouvrages collectifs sur l’économie comportementale.

Lorsque les dilemmes sociaux sont analysés en économie, il est souvent supposé que les interactions sont anonymes et ne sont pas répétées. Pourtant, dans la majorité des transactions, les participants se connaissent. Aussi, l’information qu’un individu reçoit sur son partenaire influence ses décisions et ses choix lors de l’interaction avec celui-ci. Jusqu’à présent les économistes se sont principalement focalisés sur la valeur de l’information qui peut être transmise quand les partenaires de transaction se connaissent. Cependant, d’autres facteurs comme les liens affectifs et les sentiments au regard du partenaire de transaction peuvent avoir un effet tout aussi important. Dans ce programme de recherche, nous souhaitons étudier l’impact de ce type de liens sociaux sur les décisions lors d’interactions économiques. Nous nous concentrerons sur les facteurs créant ces liens et nous analyserons l’impact des liens sociaux déjà existants. Les résultats de la première partie de notre recherche nous permettront de mieux comprendre la formation de groupes. La recherche a montré que les normes, les attentes et les motivations sont très fortement influencées par le groupe de référence de chacun. Comprendre les mécanismes conduisant à la création de liens sociaux permettra d’adapter les institutions afin d’assurer le développement de normes et comportements sociaux désirables. Les résultats de la deuxième partie de notre recherche permettront une meilleure compréhension des situations de compétition, négociation et dilemme social pour des partenaires partageant des liens sociaux. Les exemples comprennent l’allocation du temps et le comportement de consommation des ménages ainsi que les modes de rémunération incitatifs dans des environnements de travail.

Le programme de recherche proposé investira ces questions en utilisant à la fois des expériences contrôlées en laboratoire et l’analyse théorique. Des incitations monétaires seront données pour toutes les expériences. Les expériences de laboratoire nous permettent d’observer, dans un environnement contrôlé, quels facteurs conduisent les participants à générer des liens sociaux avec les autres. Nous pouvons accroître de manière successive le niveau de l’information disponible concernant le partenaire et observer les changements de comportement. L’économie expérimentale sera par ailleurs utilisée pour étudier l’impact des liens sociaux existants sur le comportement des individus. Pour ce faire, des groupes de participants qui partagent déjà un lien social seront recrutés. Certaines expériences se concentreront sur les familles ou les couples alors que d’autres se focaliseront sur les amis et collègues. Bien que certaines de ces études seront conduites dans des laboratoires d’économie expérimentale situés dans des universités, il sera nécessaire de réaliser certaines d’entres elles sur le « terrain ». Ces expériences seront conduites dans l’environnement de travail des participants.

Les liens affectifs entre les participants aux jeux économiques ont reçu une attention croissante lors de ces dernières années. Quelques expériences ont été conduites pour étudier le rôle des émotions dans des dilemmes sociaux en général. Néanmoins, très peu d’études se sont encore concentrées sur les liens sociaux spécifiques qui sont impliqués. Ce projet rassemble un groupe de jeunes chercheurs de France, des Pays-Bas et des Etats-Unis qui ont tous participé à des projets de recherche traitant d’au moins un des ingrédients principaux de ce projet. La majorité des membres du groupe ont travaillé ensemble et ont reçu une formation en économie expérimentale. Leurs travaux précédents ont conduit à des présentations à des colloques et séminaires ainsi qu’à des publications dans des revues scientifiques internationales comme faisant partie des premiers résultats expérimentaux concernant les émotions sociales et les liens sociaux dans des jeux de dilemme et aussi les structures de réseau et les incitations.

Coordination du projet

Astrid Hopfensitz (FONDATION JEAN JACQUES LAFFONT TOULOUSE SCIENCES ECONOMIQUES) – hopfensitz@gmail.com

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

TSE-JJL FONDATION JEAN JACQUES LAFFONT TOULOUSE SCIENCES ECONOMIQUES

Aide de l'ANR 132 000 euros
Début et durée du projet scientifique : - 36 Mois

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